USA: deux sénateurs républicains clouent Trump au pilori

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Un discours sidérant. Dix-sept petites minutes au cours desquelles le sénateur Jeff Flake a éreinté à la fois le président Trump et l’establishment républicain. De mémoire d’élu, jamais on n’avait vu un sénateur s’en prendre sur ce ton à son propre parti. Jeff Flake est pourtant un conservateur bon teint, mais il est aussi depuis le début un anti-trumpiste convaincu. Ce qui lui a coûté cher. Après avoir publié un livre cet été qui critiquait le président, il a chuté dans les sondages et sa réélection l’année prochaine semble de plus en plus compromise. Il a donc décidé de jeter l’éponge. Mais non sans un dernier baroud d’honneur.

En plein Sénat, il a annoncé qu’il ne se représenterait pas, ce qui a eu apparemment un effet libératoire. Il a expliqué que le comportement « irresponsable, scandaleux et sans dignité » de Trump était « dangereux pour (leur) démocratie » et a encouragé ses collègues républicains à dénoncer la conduite du président. « La politique peut nous rendre silencieux quand nous devrions parler et le silence peut être équivalent à de la complicité, a-t-il dit. Nous ne devons pas considérer comme normal le discrédit régulier et banal de nos normes et idéaux démocratiques. »

Il a continué à vociférer dans les multiples interviews qu’il a données. Il a reconnu qu’il n’y avait peut-être pas de place pour un républicain comme lui dans le climat actuel… »Le chemin que j’aurais dû emprunter » pour être élu « est un chemin que je ne suis pas prêt à prendre et que je ne peux pas prendre en bonne conscience… Cela m’obligerait à croire en des positions que je n’ai pas sur des sujets comme le commerce ou l’immigration et à cautionner un comportement que je ne peux pas accepter ».

Je ne sais pas pourquoi il abaisse notre pays ainsi

Le plus extraordinaire, c’est qu’il n’est pas le seul à dénoncer la conduite anormale et inacceptable de Trump. Le même jour, un autre poids lourd du Parti, Bob Corker, a aussi mis en doute les compétences du président. Le sénateur du Tennessee, qui a déjà annoncé qu’il ne se représenterait pas, a qualifié sur plusieurs chaînes de télé Donald Trump de « menteur total ». « Je ne sais pas pourquoi il s’abaisse à de telles extrémités et abaisse notre pays ainsi. »

Quelques jours avant, un autre ténor du Parti, le sénateur John McCain, avait condamné les « gens qui préfèrent trouver un bouc émissaire plutôt que de résoudre les problèmes ». McCain a dénoncé aussi le « faux nationalisme foireux ». La semaine dernière, c’est l’ex-président George W. Bush qui, sans le nommer, a critiqué Donald Trump dans une conférence dénonçant le « nationalisme », le « fanatisme » et la « cruauté régulière » du discours actuel. « On sait que lorsqu’on perd de vue nos idéaux ce n’est pas la faute de la démocratie, mais l’échec de nos dirigeants à la préserver et à la protéger. »

Et Trump a encore tweeté…

Évidemment, ces critiques virulentes ont enragé Donald Trump, qui a aussitôt balancé une volée de tweets vengeurs appelant Corker un « p’tit type sans envergure », « incompétent », qui « n’aurait pas pu se faire élire comme employé de la fourrière ». « La raison pour laquelle Flake et Corker se sont retirés de la course est très simple : ils avaient zéro chance d’être élus. »

Les pro-Trump pavoisent. Ils se sont débarrassés de deux ennemis jurés et cette purge diminue le pouvoir de l’establishment du parti. En revanche, Mitch McConnell, le leader du Sénat, doit avoir de plus en plus d’aigreurs d’estomac. Flake et Corker étaient non seulement deux piliers du parti, mais aussi deux alliés, loyaux conservateurs. Ils risquent maintenant d’être remplacés par des extrémistes qui vont rendre le Sénat encore plus ingouvernable. À court terme, leur position anti-Trump va aggraver un peu plus la guerre civile qui fait rage au sein des républicains. Flake et Corker ne vont pas quitter le Sénat avant janvier 2019, d’où quatorze longs mois au cours desquels ils ne vont pas se priver de critiquer la politique de l’administration. Ce qui est dangereux, car les républicains n’ont qu’une très faible majorité au Sénat.

Va-t-on voir d’autres élus monter au créneau dans leur sillage ? Il y a peu de chances. Les républicains ont trop peur d’aliéner leur base qui reste fidèle à Trump. Personne ne pensait que Jeff Flake allait avoir du mal à être réélu jusqu’au moment où il a publié Conscience d’un conservateur, un pamphlet anti-Trump. Leur priorité absolue est de faire voter leurs réformes, notamment celle des impôts, et, pour cela, ils sont prêts à avaler toutes les couleuvres. La preuve, lors d’un déjeuner mardi avec le président, les sénateurs républicains lui ont fait un accueil triomphal, ce dont Trump n’a pas manqué de se vanter : « La réunion avec les sénateurs républicains, à part Flake et Corker, était une démonstration d’affection avec des ovations debout et de grandes idées pour l’Amérique. »

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