Il est de bon augure de voir un important ministre de la République appeler le monde à donner une nouvelle orientation aux relations internationales, à l’aune de la douloureuse expérience de la pandémie du COVID-19 qui frappe la planète toute entière. En complément de cela, on peut légitimement porter le regard sur ce que l’on peut attendre en matière de prise de conscience de la part des dirigeants pour une nouvelle politique sur le plan national. Un exercice très utile à faire.
S’il est évident que la nature des relations internationales a un impact sur les citoyens togolais, c’est aussi une lapalissade que de dire que la nature de la politique nationale mise en œuvre depuis quinze ans impacte la vie des Togolais.
En lisant les conséquences de cette crise sanitaire comme une « exhortation à aller vers un ordre mondial plus humaniste » selon le ministre, il est alors impérieux qu’à l’intérieur des limites frontalières du Togo l’on exerce aussi un autre type de politique qui redonne de la considération au Togolais en le plaçant au centre de toute préoccupation. Pour paraphraser ce même ministre, on peut rappeler que nous partageons la même terre de nos aïeux et que les défis de la société nationale nous concernent tous. Aucun nouvel ordre mondial plus humaniste ne changera la vie des Togolais, si les politiques publiques nationales demeurent ancrées dans un rapport de force avilissant pour la majorité de la population.
Pour que la communauté nationale se projette dans un avenir dont l’incertitude ne rime pas avec tragédie et désolation, on doit ensemble entrer dans les caractéristiques du 21ième siècle en tirant tous les enseignements de cette pandémie.
Pour ce faire, c’est d’abord laisser derrière soi la philosophie qui considère l’usage de la force brute et même l’assassinat de compatriotes, comme moyens de règlement de différends politiques. C’est aussi de renoncer à pousser des opposants politiques et des objecteurs de conscience à l’exil et à empêcher des Togolais de revenir au Togo.
C’est également se départir de l’instrumentalisation des institutions, comme vient de le souligner courageusement, sans animosité et avec lucidité pour le cas de la justice, le magistrat Henry Ognan DOGO. Je le félicite pour son audace et j’espère que cet acte fondateur incitera d’autres au sein de la corporation et dans d’autres composantes de la Nation à prendre la parole. Les Togolais subissent encore aujourd’hui toutes ces dérives de l’exercice de la politique. Enfin, c’est ouvrir les consciences, individuellement et collectivement, à la nécessité de fédérer les énergies de tous les citoyens dans la vision commune, impulsée par un leadership volontariste, de construction du Togo pour en faire l’or de l’humanité. Le pays en a les capacités et les ressources, il faut y adjoindre la volonté politique.
Autant par une tribune libre on souhaite pour l’Etat togolais des relations internationales qui lui procurent le cadre approprié à l’expression entière de sa souveraineté et à la jouissance de ses droits légitimes, autant les citoyens togolais aspirent du plus profond d’eux-mêmes à bénéficier d’un vivre-ensemble harmonieux que nourrissent la liberté, la démocratie et l’Etat de droit. Au-delà des tribunes libres, les Togolais expriment leurs aspirations dans les récriminations quotidiennes, dans les manifestations fréquentes et pour certains dans leurs votes périodiques dont les résultats des urnes sont systématiquement travestis.
Aujourd’hui, la crise du COVID-19 vient cruellement rappeler que les réalités de la précarité de l’environnement médical togolais, aussi bien en matière d’infrastructures, d’équipements que de personnels, constituent une menace permanente pour la sécurité sanitaire de tous. Cette pandémie a ramené tous les Togolais à la même enseigne de peurs et d’angoisses primaires de contracter une maladie inconnue dans un environnement aux capacités médicales fragiles.
Cette crise a montré la limite du Togo dans une démarche prospective qui conduit à l’anticipation permettant de faire face, de manière optimale, à toute éventualité de crise sanitaire, économique ou sociale.
Le pire est que la pandémie actuelle provoque à la fois une crise sanitaire, économique et sociale. L’histoire politique du Togo est jalonnée de crises qui freinent le développement du pays et l’épanouissement des individus. Le caractère permanent de cette crise politique constitue un lit de confort pour les conséquences sanitaires, économiques et sociales de la pandémie en cours.
Afin de réduire la fragilité multidimensionnelle du Togo et de l’outiller pour que le pays soit en mesure d’atténuer les risques potentiels encourus en cas de nouvelle crise de toute nature, il importe de revenir au sens premier et le plus noble de la politique qui construit la prospérité de chaque citoyen.
On ne peut pas continuer à partager le même espace national en opposant les intelligences et les compétences des citoyens dans l’unique but que ceux qui détiennent la force brute s’arrogent seuls, sans partage et sans discontinuer pendant de longues années, toutes les prérogatives de l’Etat et la jouissance de la richesse nationale par une minorité.
Avec l’accumulation des frustrations de toutes sortes, une évolution de la situation s’impose. Cela doit se traduire par la mise en œuvre de politiques publiques qui répondent aux attentes de la population. En considérant l’évidence de l’inadéquation de l’environnement médical aux exigences modernes, la métamorphose de la vie sociale et les dérèglements des équilibres économiques consécutifs à la pandémie, il découle de là que le Plan National de Développement est – en toute objectivité – caduc. C’est donc une belle opportunité de concevoir un nouveau plan de développement, plus audacieux et plus réaliste, en tenant compte des réalités mises en évidence par la crise sanitaire et en corrigeant les travers du contexte politique.
Le Togo a besoin d’une nouvelle vision, d’un nouveau contrat social élaboré dans l’intérêt premier du Togo et des Togolais. Le Togo a besoin de nouvelles fondations sur lesquelles s’appuyer pour prendre son envol. Alors, il sera en mesure de renforcer sa puissance économique et financière, son système éducatif et sa recherche scientifique, son tissu industriel et commercial, sa capacité médicale, son exception culturelle, son institution militaire, ainsi que la solidité de ses institutions et sa cohésion nationale. Toutes ces choses permettront au Togo de donner satisfaction au peuple, de rayonner dans la sous-région et dans le monde tout en réduisant concomitamment les effets de l’influence extérieure.
Le jour où le Togo prendra son envol, l’Afrique de l’Ouest larguera les amarres !
Lomé 21 Mai 2020
Nathaniel Olympio
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Source : icilome.com