Le samedi 19 août dernier, le monde entier a été témoin des répressions perpétrées contre des militants du Parti national panafricain (PNP). Des morts et des blessés graves sont enregistrés dans le rang des militants, confirmant la volonté de répression exprimée par Yark Damehame, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile.
« La terre gorgée de sang, les képis qui ricanent », ce vers du poème « Dimbroko Poulo Condor » de David Diop semble illustrer la tragédie que vit le Togo depuis bientôt 50 ans. Le régime militaire qui régente le pays ne s’est jamais fixé de limites pour sa soif de sang. Des milliers de togolais continuent de verser leur sang pour le simple fait de réclamer leurs aspirations profondes. La répression sauvage et la traque des militants du PNP le week-end dernier sont des preuves que ce pouvoir n’est pas prêt à faire sa mue, à l’image de ses voisins que sont le Bénin, le Ghana et le Burkina Faso qui réalisent l’alternance au sommet de l’Etat. Au contraire, il conserve ses réflexes de répression face à ces citoyens aux mains nues. Les discours et les actes des hommes en treillis n’ont pas changé.
Yark a mis à exécution ses menaces
« Avancez encore de 5 mètres ! (…) S’ils font encore un pas, rentrez-les dedans proprement». « Vous n’avez encore rien vu… vous croyez que le pays est à vous seuls ? ». Ces propos sont du ministre de la Sécurité et de la Protection civile. A l’époque, il était Commandant de la Gendarmerie nationale, et c’étaient des menaces proférées à l’endroit des journalistes qui avaient voulu manifester contre l’agression de l’un des leurs. Il s’est également illustré par des menaces similaires à l’issue de la proclamation des frauduleuses de 2015. Après ces sorties, l’homme n’a véritablement pas changé. Il est plutôt coutumier de ces menaces qui sont très souvent suivies de répressions menées par ses éléments, comme en témoignent ses déclarations à la veille des marches synchronisées du PNP.
Voici quelques morceaux choisis. « Nous savons ce qu’ils ont derrière la tête, mais ça ne se passera pas dans ce pays ! Ils veulent occuper le GTA jusqu’à la démission du président, ça ne se passera pas dans ce pays. (…) Nous les avons suivis. Ils ont envoyé une délégation dans les pays limitrophes pour faire rentrer certains de nos frères qui ont choisi de vivre dans ces pays », « Ce parti qui a une tendance politico-ethnico religieuse, ça ne se passera pas. On les observe. Ils sortent, ils reviennent. S’ils ont des mauvaises intentions, ça risque de les brûler ». « Ou ils s’en tiennent aux itinéraires, les forces de l’ordre les accompagneront. Mais s’ils refusent, il n’y aura pas de marche. D’abord au point de regroupement, on va les disperser de manière conventionnelle, de façon propre. Il n’y aura pas de regroupement. Adviendra que pourra ». La suite, ce sont les blessés et les morts à Sokodé, l’épicentre des affrontements entre les forces de l’ordre et des manifestants aux mains nues. Des centaines de militants du Parti national panafricain (PNP) sont arrêtés et déférés à la prison civile de Lomé.
Mais bien avant que le pays n’en soit arrivé à compter de nouveau les morts et les blessés graves, les propos du ministre Yark ont interpellé plusieurs associations des droits de l’Homme dont la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH).« La Ligue togolaise des droits de l’Homme a suivi avec attention les interventions du ministre de la Sécurité et de la Protection civile relativement aux manifestations projetées par le Parti national panafricain (PNP). Elle note que les déclarations du ministre de la Sécurité et de la Protection civile sont vraiment des déclarations incendiaires et va-t-en guerre et ne soient pas de nature à calmer les choses. La Ligue togolaise des droits de l’Homme est consternée et indignée par ces propos des premiers responsables de la sécurité qui, en réalité, n’ont d’autres choses à faire qu’à protéger les manifestations d’honnêtes citoyens ; elle rend le gouvernement responsable de tout grabuge, de toute violation des droits de l’Homme qui surviendra dans la journée du 19 août 2017 à partir de la manifestation du PNP, car il s’agit d’une manifestation pacifique et que le gouvernement n’a d’autres dispositions à prendre qu’à protéger et à encadrer les manifestants », alertait Me Raphaël Kpandé-Adzaré, le président de la LTDH. Mais son appel n’a pas attendri les cœurs des forces de l’ordre. Elles ont manqué de sursaut républicain et réprimé, ce qui a drainé un tollé de condamnations.
« Malgré les nombreux appels à la retenue, force est de constater que les deux ministres ont cruellement mis à exécution leurs menaces en joignant l’acte à la parole ; le bilan est lourd et atroce : au moins deux (02) morts à Sokodé, plusieurs blessés, des arrestations et de nombreux dégâts de biens matériels tant privés que publics. De plus, depuis hier jusqu’à aujourd’hui, des courses poursuites et des expéditions punitives qui sont le fait des agents de sécurité sont légion dans les villes où ont lieu lesdites manifestations », a relevé la LTDH dans un communiqué rendu public le 20 août. Elle condamne la répression et tient le gouvernement responsable de ces actes atroces.
Du côté des partis politiques, les réactions ne se sont pas fait attendre. L’Alliance nationale pour le changement (ANC), la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), les Forces démocratiques pour la République, Togo Autrement, le Parti des Togolais, tous ont unanimement dénoncé avec vigueur la répression et affiché leur solidarité avec les victimes et les militants du PNP. « La CDPA, de concert envers les forces démocratiques, entend y œuvrer afin que ce régime comprenne enfin que : trop c’est trop. En attendant cette action urgente et salvatrice du peuple togolais, la CDPA soutient le PNP et encourage ses militants et la population à faire autant », a fait part Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, Secrétaire Générale de la CDPA.
Yark, le flic parfait du régime
Le gouvernement et le ministère de la Sécurité et de la Protection civile portent l’entière responsabilité. Leur devoir est d’assurer la sécurité et la protection des citoyens. Et le ministre a montré, à travers les morts d’hommes enregistrés qu’il a dérogé à la tâche qui lui est dévolue.
C’est illustratif de la nature de l’armée togolaise. Tous les discours, toutes les initiatives prises afin d’établir un climat de confiance entre elle et la population, se sont soldés par des échecs. C’est la preuve que le régime n’a pas encore desserré l’étau de la terreur dans lequel est prise la population. Et le pouvoir se sert toujours de ces hommes pour terroriser et maintenir les citoyens sous sa dictature sanglante. Il parvient toujours à les récompenser après leurs forfaitures et à les protéger par une impunité totale. Mais pendant combien de temps ? Les bourreaux d’un régime sanguinaire finissent toujours par subir les mêmes sorts infligés à leurs victimes. La fin de Nikolaï Ejov, surnommé le nain sanguinaire et homme à tout faire de Staline est un cas parmi tant d’autres. A bon entendeur…
Source : L’Alternative No.638 du 22 août 2017
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