Un nouveau rapport sur la situation des droits de l’Homme entre le 19 août 2017 et le 19 août 2018 a été rendu public hier. L’œuvre émane du Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) et fait le point des violations des droits de l’Homme enregistrées dans la cadre de la crise sociopolitique au Togo. Le rapport fait état de 19 décès dont deux militaires, même si les circonstances de la mort de ces derniers restent floues. Il mentionne également deux disparus. Pour éviter que de telles violations ne soient commises, le CACIT formulé des recommandations.
Les grandes lignes du rapport du CACIT
19 août 2017-19 août 2018. Un an de crise et d’énormes violations des droits de l’Homme. Le rapport publié par le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) épingle, lui aussi, le régime RPT-UNIR. Parmi les droits mis à mal depuis les grandes manifestations du 19 août 2017, le rapport mentionne des atteintes au droit à la vie, à l’intégrité physique, à la liberté et à la sécurité des personnes, à la liberté de manifestation et de réunion. On a également enregistré des atteintes au droit à la liberté d’expression, d’opinion et d’information, des cas de torture et des traitements cruels, dégradants ou inhumains, des cas de disparitions forcées, des atteintes à l’administration de la justice. Le rapport note aussi la situation préoccupante des défenseurs des droits de l’Homme.
Concrètement, le CACIT déplore plusieurs cas de décès dont certains par balles. « Après un travail de recherche et d’analyse des informations en sa disposition, le CACIT est en mesure d’établir qu’à ce jour, dix-neuf (19) personnes dont deux (02) militaires et quatre (04) mineurs ont perdu leur vie. Sur les dix-neuf (19) personnes décédées, six (06) sont mortes par balles, cinq (05) des suites de torture et de mauvais traitements, deux (02) par noyade », a relevé le CACIT.
Le Collectif émet des réserves sur les circonstances du décès des deux militaires ainsi que sur les causes du décès de deux autres victimes. « En ce qui concerne les deux (02) militaires décédés, les éléments en possession du CACIT ne lui ont pas permis d’établir les circonstances exactes de leur décès. En outre, le CACIT n’a pas été en mesure d’établir la relation de cause à effet dans le décès de deux (02) autres personnes asthmatiques qui avaient inhalé des gaz lacrymogènes dont l’une a été empêchée par les agents des forces de l’ordre et de sécurité de se rendre à l’hôpital et l’autre battue. Le CACIT a aussi noté un (01) décès par accident à Lomé devant le consulat du Sénégal. D’après les témoignages recueillis sur place, cet accident est lié au fait que le conducteur du camion tentait d’échapper à l’agression des groupements de malfaiteurs hostiles aux manifestants », précise-t-il.
Le rapport fait également cas des blessés, tant civils que militaires, ainsi que des arrestations. « De même, le CACIT a documenté au moins trois cent cinquante (350) cas de civils blessés en lien avec les manifestations. La plupart des blessés avaient été flagellés, matraqués et présentaient des hématomes et des contusions. Les seules informations que nous avons sur les forces de sécurité et les militaires blessés datent, d’après les manifestations, du 19 août 2017. Le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, faisant le bilan de ces manifestations, a relevé soixante (60) agents des forces de sécurité et militaires blessés. Au total, le CACIT a dénombré cinq cent soixante (560) personnes qui ont été arrêtées et détenues. La plupart ont recouvré leur liberté. Cinquante-trois (53) personnes restent encore en détention », rapporte le CACIT. Il a été aussi question de deux disparus. Les deux personnes auraient été arrêtées par la Police le 18 octobre 2017 et n’ont jamais été retrouvées par leurs familles.
Lire/Télécharger (PDF) le rapport complet
Les recommandations du CACIT
Face à ces multiples atteintes aux droits de l’Homme et aux libertés publiques fondamentales et à la menace qui plane sur la paix sociale, le CACIT recommande, entre autres de :
Au gouvernement :
- Mener dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes, approfondies, crédibles, transparentes et impartiales sur les violations des droits de l’Homme commises par des agents de l’Etat et par des personnes affiliées aux agents étatiques, dans le cadre de la répression des manifestations, les personnes décédées, blessées et disparues depuis le 19 aout 2017 et de traduire en justice les auteurs présumés, quels que soient leurs rangs ou leurs positions en accord avec les standards internationaux ;
- Mener dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes, approfondies, crédibles, transparentes et impartiales, en accord avec les standards internationaux, pour identifier les personnes responsables des violences commises lors des manifestations ;
- S’assurer que les conditions de détention de ceux qui ont été arrêtés répondent aux normes internationales en matière des droits de l’Homme et de procès équitable ;
- Garantir l’exercice de la liberté de réunion et de manifestation publique pacifique sur toute l’étendue du territoire national sans exception conformément aux standards internationaux et dans le respect de la loi du 16 mai 2011, notamment en prenant des actes administratifs motivés et en s’abstenant de prendre les interdictions d’ordre général ;
- Renforcer les capacités des forces de l’ordre et de sécurité sur le respect des droits de l’Homme et des principes humanitaires dans l’accomplissement de leur mission régalienne de maintien et de rétablissement de l’ordre conformément aux standards internationaux en vigueur.
Aux acteurs et partis politiques :
- Définir et mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et de formation politique et citoyenne de leurs membres en vue du renforcement de la culture démocratique et du respect des droits de l’Homme dans le pays ;
- S’engager résolument et de bonne foi dans la recherche d’une solution durable à la crise socio politique togolaise notamment en renforçant la culture du dialogue et de la concertation comme seul moyen de la négociation politique et de la réalisation des idéaux de développement ;
- Faire preuve de retenue dans les prises de position et dans les propos en vue d’assurer la cohésion sociale et la paix.
A la société civile
- S’investir davantage en toute objectivité et professionnalisme à la surveillance des droits de l’Homme et des libertés publiques, en vue de contribuer efficacement à la protection des détenteurs de droits ;
- Accompagner les efforts des différents acteurs, notamment le gouvernement, les partis politiques, la communauté internationale dans la recherche d’une solution pacifique et acceptée par tous à la crise.
La communauté internationale
- Poursuivre son appui et accompagnement au gouvernement togolais dans ses efforts pour la réalisation de ses obligations internationales, en matière de garantie et de protection des droits de l’Homme et des libertés publiques fondamentales ;
- Renforcer le professionnalisme des défenseurs des droits de l’Homme par un accès accru aux ressources matérielles, financières et humaines, aux programmes de renforcement de capacités et de partage d’expériences ;
- Soutenir le processus du dialogue politique et de mise en œuvre des différentes recommandations formulées par divers acteurs, notamment la CVJR, les confessions religieuses et la CEDEAO.
Il faut noter que le CACIT a apporté son soutien à plusieurs victimes. Dans le cadre de cette assistance, 7 plaintes ont été déposées au Tribunal de Lomé.
Géraud Afangnowou
Source : Liberté
27Avril.com