Alors que les manifestations de l’opposition de succèdent depuis mercredi, avec son lot d’affrontements et de violences à Lomé et dans d’autres villes du pays, les nouveaux membres de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ont prêté prêtent serment ce vendredi devant la Cour constitutionnelle. Une Ceni qui, avant même son installation, a été vivement critiquée par l’opposition.
A peine recomposée, déjà critiquée. Les nouveaux membres de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ont prêté serment ce vendredi 20 octobre devant les juges de la Cour constitutionnelle, alors que l’opposition a maintenu son appel à de nouvelles manifestations contre Faure Gnassingbé, après deux journées marquées par des violences, mercredi et jeudi. Mais dès lundi 16 octobre au matin, le siège de l’institution installé à Lomé a reçu la visite de dizaines de militants de l’opposition, venus exprimer leur refus du référendum programmé pour adopter les réformes proposées par le gouvernement.
Pour les manifestants, la Ceni, ainsi que le prochain scrutin qu’elle est amenée à superviser, ne sont pas crédibles. « En aucun cas, nul ne peut nous imposer un référendum truqué d’avance », pouvait-on lire sur les nombreuses affiches brandies devant le siège de la Commission, situé juste en face de l’université de Lomé.
« Nous ne sommes pas d’accord avec la composition actuelle de la Ceni. Nous ne sommes pas d’accord avec son fonctionnement », laissait, lundi, un manifestant d’une vingtaine d’années, lors de ce rassemblement qui n’aura duré que quelques minutes, avant d’être dispersé par la police.
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Une Ceni boycottée par l’opposition parlementaire
Le jeudi 12 octobre, l’Assemblée nationale a procédé à l’élection de 12 nouveaux membres – sur le 17 que compte de la Ceni – qui entament un mandat d’une année. Mais cette commission à la composition renouvelée ne compte aucun membre de l’opposition parlementaire. Invitée par le président de l’Assemblée nationale à proposer des noms pour le renouvellement de la Ceni, l’opposition a accusé le gouvernement d’être dans une logique de la « provocation ». « Le pouvoir semble ne pas prendre la mesure des événements en cours dans le pays », juge ainsi Brigitte Adjamagbo-Johnson, présidente de CAP 2015.
Le règle de composition de le Ceni prévoit respectivement cinq postes pour l’opposition et cinq pour le parti au pouvoir. Les sept autres postes étant en théorie attribuées à la société civile, aux partis extra-parlementaires et à l’administration. Depuis plusieurs années, la question de la Ceni divise la classe politique togolaise. Selon l’opposition, sa composition n’a jamais été paritaire.
Controverse autour de personnalités
Selon l’opposition, accorder des sièges à la société civile, à l’administration et à des membres de partis non représentés au Parlement est une stratégie du pouvoir pour avoir une totale mainmise sur l’instance de contrôle du processus électoral.
Les personnes désignées pour occuper ces places sont souvent taxées d’être de mèche avec le parti au pouvoir, faussant dans les faits la parité théoriquement imposée à la Commission.
Au lendemain de leur désignation par l’Assemblée nationale, certains nouveaux élus pour le compte de la société civile ont ainsi été attaqués – images à l’appui – pour leur supposée militantisme au sein du parti au pouvoir et même de l’opposition. D’un côté, par exemple, Yawa Kouigan est accusée d’être membre du parti au pouvoir, tandis que Ouro-Bossi Tchacondo serait proche des Forces Démocratiques pour la République (FDR), une formation membre de la coalition de l’opposition à l’origine des manifestation de ces dernières semaines.
Règles controversées
Depuis les années 1990, la composition de la Ceni a toujours été une question épineuse au sein de la classe politique togolaise. Avec huit sièges au total à se répartir entre les partis de l’opposition – cinq aux partis représentés au Parlement, trois pour ceux qui n’y sont pas -, la pléthore de partis de l’opposition n’arrive presque jamais à un consensus en ce qui concerne la répartition de ces sièges en son sein.
Pour un ancien membre de la Ceni, la recomposition de l’institution « risque de déclencher une guerre fratricide au sein de l’opposition, où de nouveaux visages ont émergé ces dernières années ».
Par exemple, le Parti national panafricain(PNP) de Tikpi Atchadam n’a pas d’élus à l’Assemblée nationale. Le PNP n’a pas, non plus, fait de proposition de noms au titre des places réservées aux partis extra-parlementaires. Or, s’il faut s’en tenir à la réalité sur le terrain depuis deux mois, ce parti aurait toute sa place au sein de la Commission électorale.
L’idée d’une Ceni technique a été avancée en début d’année par le gouvernement à travers le ministre de l’Administration. Là encore, l’idée a reçu une fin de non-recevoir de l’opposition qui se méfie du profil des personnalités qui pourraient être choisies pour y siéger.
En attendant que la question du référendum soit tranchée, au moins deux scrutins majeurs sont à l’agenda de cette nouvelle Ceni pour 2018 : les locales et les législatives. L’opposition parlementaire finira-t-elle par y envoyer ses représentants ?
Jeune Afrique