Togo : Muhammadu Buhari trace une ligne rouge à Faure Gnassingbé. Panique à Lomé II

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Le régime atypique qui sévit au Togo depuis 50 ans, de père en fils, avec toutes ses dérives, est une préoccupation majeure des décideurs de la région. Jadis silencieux et observateurs, les chefs d’Etat de la CEDEAO ne peuvent plus continuer à faire semblant d’ignorer ce système monstrueux et anachronique dont les méthodes autocratiques risquent de déstabiliser l’ensemble de la région.

Depuis l’avènement du processus démocratique dans les années 1990, le Togo est le seul pays en Afrique de l’ouest à fermer les portes de l’alternance au sommet de l’État. Le régime des Gnassingbé père et fils, adossé à une armée à leurs bottes, s’est employé depuis 27 ans, à torpiller, souvent dans le sang, tous les accords, initiatives, élections pouvant déboucher sur un changement de régime. Enfermés dans un autisme sans précédent et déterminés à confisquer le pouvoir pour un règne à vie dans une région en pleine mutation démocratique à grande vitesse, Faure Gnassingbé et les siens n’ont pas vu venir la vague de contestation du 19 août 2017 qui non seulement a renvoyé au monde entier la nature brutale du régime, mais aussi l’a mis sur le banc des accusés. Depuis, il se débat, sans succès, pour desserrer l’étau. Mais visiblement, tout porte à croire que les choses risquent de se compliquer pour le locataire du Palais de la Marina les jours à venir au cas où le 27è dialogue devant débuter ce jeudi 15 février s’achève sur un constat d’échec.

Muhammadu Buhari les pieds dans le plat

Depuis les graves évènements du 19 août 2017 et la vague de contestation du régime dans l’ensemble du pays et au sein de la diaspora, que de réunions les chefs d’État n’ont-ils pas tenues pour tenter de convaincre Faure Gnassingbé de quitter le pouvoir en 2020 au terme de son troisième mandat. Que ce soit à Dakar, Abidjan, Conakry, Accra, Niamey, la plupart des chefs d’État de la CEDEAO, à l’exception notoire du Guinéen Alpha Condé et du Malien Ibrahim Boubacar Keita, ont demandé à leur jeune collègue, en même temps doyen des chefs d’État de l’espace communautaire, d’écouter les aspirations de son peuple. Selon plusieurs sources bien introduites, dans ces réunions, les discussions ont été parfois tendues et les pressions très fortes. La gravité de la situation togolaise et ses éventuelles conséquences sur la stabilité de la région ont poussé les décideurs de la CEDEAO à confier au président du Ghana Nana Akufo-Addo une mission de médiation.

Les conseils et autres pressions de ses collègues, les manifestations qui se poursuivent dans son pays et au sein de la diaspora, les différents revers diplomatiques ne suffisent pas à faire entendre raison au fils d’Eyadema qui nourrit une seule ambition, le pouvoir à vie, même s’il faut régner sur des ruines. Après plusieurs tentatives infructueuses, le médiateur a fini par arracher auprès des différents protagonistes une date pour le fameux dialogue tant annoncé. C’est donc à quelques jours de l’ouverture de ces discussions que le président du Nigeria Muhammadu Buhari, a mis les pieds dans le plat à Abuja. C’était le 8 février dernier, profitant de la présentation des lettres de créances de l’ambassadeur du Togo accrédité auprès de la République fédérale du Nigeria que le président du géant ouest africain s’est invité « brutalement » dans la crise politique togolaise en appelant sans langue de bois à une transition pacifique. « Les transitions politiques pacifiques n’étaient plus négociables en Afrique de l’Ouest. Au sein de la CEDEAO, nous travaillons à consolider nos relations afin d’assurer la paix et la prospérité pour nos futures générations », a déclaré le président nigérian, avant d’ajouter que cela ne pouvait se faire qu’à condition d’une transition pacifique. Les oreilles de l’ambassadeur Lene Dimban et celles de ses patrons au Palais de la Marina ont dû siffler suite à cette sortie fracassante qui sonne comme une mise en garde du géant de la région. C’est la première fois qu’un chef d’État de la région, de surcroît du Nigeria, recourt publiquement à l’expression « transition pacifique » pour évoquer le cas togolais.

Une manière on ne peut plus claire de dire que Faure Gnassingbé doit se résoudre à quitter le fauteuil présidentiel pour un retour à la normale dans son pays, et au-delà, dans toute la région. Cette position n’est pas uniquement celle du président du Nigeria. La Lettre du Continent N°770 du 9 février 2018 nous renseigne que Muhammadu Buhari s’est entretenu toute la journée du 8 février avec ses homologues Patrice Talon du Bénin, Nana Akufo-Addo du Ghana, Alpha Condé de la Guinée et Roch Christian Marc Kaboré du Burkina Faso afin qu’une pression régionale soit maintenue sur leur homologue togolais pour que ce dernier ne se représente pas en 2020.

L’étau se resserre et des jours difficiles attendent le régime de Faure Gnassingbé

Le régime cinquantenaire des Gnassingbé, avec ses méthodes brutales et son refus systématique de se convertir aux principes et valeurs démocratiques, constitue une honte pour l’ensemble de la région ouest-africaine. Il faut mettre fin à cette anomalie, affirme-t-on dans plusieurs capitales. La sortie de Muhammadu Buhari apparaît donc comme une stratégie bien élaborée pour mettre fin à ce règne sans fin. Il va sans dire que les pressions prendront dans les jours et semaines à venir une courbe ascendante sur le néo-monarque togolais. Du coup le seul qui, de loin, a intérêt à ce que le prochain dialogue soit une réussite et que les revendications légitimes du peuple soient satisfaites, est bien Faure Gnassingbé car il n’aura aucune autre chance après.

Le dilatoire auquel l’ «homme simple» s’adonne sera fatal à son régime pour la simple raison qu’un jour de plus est un jour de trop. La présidence de la CEDEAO qu’il assure lui épargne pour l’instant certaines pressions ouvertes; mais si d’ici juin, c’est-à-dire la fin de son mandat, la situation togolaise ne connaît pas un dénouement heureux, Faure Gnassingbé passera des jours plus que difficiles. Le bâton qu’il a maladroitement utilisé contre la Guinée Bissau sera le même que ses collègues utiliseront contre lui. Muhammadu Buhari vient de tracer une ligne rouge, il reste à Faure Gnassingbé et ses acolytes de comprendre le fond du message.

Source : L’Alternative No.680 du 13 février 2018

27Avril.com