« On ne gagne jamais en respectabilité de soi par l’inaction devant l’inacceptable » (Souleymane Boel)
On serait dans un pays normal que des têtes allaient tomber au plus sommet dans le scandale du pétrolegate. Mais l’autre l’a si bien dit : « le Togo, c’est le Togo ». Les chiffres de cet immense scandale de détournement de deniers publics sont si hallucinants que certains émettent de doute qu’une somme aussi stratosphérique puisse être détournée. On parle quand même de 500 milliards de FCFA. Même des partis dits de l’opposition se sont gardés de se prononcer sur cette affaire, d’autres l’ont carrément remise en cause.
Mais la grande majorité des Togolais, même les yeux fermés sont convaincus que les faits sont vrais, vu que depuis 16 ans, le régime de Faure Gnassingbé s’est transformé en une ruche de laquelle ruissèle du miel de la corruption, de détournements, des crimes économiques. Faure Gnassingbé lui-même n’avait-il pas admis qu’une minorité a fait main basse sur toutes les richesses et ressources du pays ? Il suffit de jeter un regard sur comment, les premières années de règne, le pays a été affecté par l’évasion fiscale où des milliers de milliards FCFA ont été frauduleusement sortis du pays, démontrant ainsi comment une clepto-oligarchie institutionnalisée avait mis en coupes réglées des pans entiers de l’économie.
Au regard de l’ampleur qu’ont pris les scandales dès le départ, on peut difficilement douter, connaissant bien notre pays, que 500 milliards aient été détournés dans la commande des produits pétroliers. Ce qui est regrettable en revanche, c’est le triomphe de l’impunité dans notre pays.
Si des Togolais n’ont pas jugé utile de se prononcer sur ce dossier fumant, l’administration américaine, elle, l’a fait. C’était à travers son rapport 2020 sur la situation des droits de l’Homme dans notre pays. « Le journal local L’Alternative a fait état d’un cas important de corruption présumée en juin. Le directeur du Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPPP) et son fils (également membre du comité) ont détourné jusqu’à 900 millions de dollars de produits pétroliers sur plusieurs années. Le CSFPPP, un organisme gouvernemental, gère les commandes et fixe les prix des produits pétroliers », rappelle le rapport qui souligne que « ni HAPLUCIA, ni d’autres structures chargées de lutter contre la corruption n’ont pris de mesures dans cette affaire ».
Au Togo, la corruption est de notoriété publique et son éradication une vieille rengaine politique. Justement pour lutter contre le fléau, notre pays a ratifié de nombreuses conventions, adopté des textes législatifs et mis en place des institutions de contrôle et de prévention dont la dernière est la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA). Sa mission, prévenir et réprimer les actes de corruption et d’infractions assimilées dans les administrations, les établissements publics, les entreprises privées et les organismes non étatiques. Curieusement, cette institution est restée muette devant cette vaste affaire de corruption ainsi que le Bolloregate, confortant ainsi l’idée ceux qui pensent que cette HAPLUCIA n’est qu’une coquille vide. Une structure de plus destinée à entretenir juste le décor.
Lorsque le pétrolegate a été porté devant la justice, elle s’est curieusement contentée de condamner le journaliste qui a révélé le scandale sans même chercher à aller au fond de cette affaire. Le comble, l’affaire de détournement des fonds de la CAN 2013 et 2017 ainsi que celle liée aux travaux de la route Lomé-Vogan-Anfoin, transmis à la justice n’ont pas été traitées à ce jour. Devant la léthargie des institutions de lutte contre la corruption et la justice, il n’est pas étonnant que la corruption continue de fleurir au Togo.
Médard Ametepe
Source : Liberté
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Source : 27Avril.com