« Jadis, l’armée était appelée la Grande muette. Aujourd’hui elle parle, et c’est pour débiter du politiquement correct » – Georges Lebouc
Les Zimbabwéens viennent de tourner la page du règne au long cours de Robert Mugabe, non à la faveur d’une élection, comme le prescrit la démocratie. Mais grâce à une armée qui, consciente de ses responsabilités, a précipité la chute du grand dictateur et suivant un modus operandi tout aussi innovant. Comme plusieurs coups de tonnerre dans un ciel serein, Robert Mugabe n’est plus président. L’omnipotente Grace Mugabe, la femme par qui le malheur s’abat sur le vieux dinosaure –Mince alors !Encore la femme – a, quant à elle, pris la clé des champs…sans demander son reste. Le Zimbabwe est en train de vivre des instants aussi glorieux que ceux de son accession à l’indépendance.
Que cette intervention soit jugée antidémocratique, c’est une chose. Mais à l’aune de son opportunité, elle fait l’unanimité, à en juger par la symbiose qui prévaut entre les forces de défense et le peuple zimbabwéen depuis la mise hors-jeu du vieux dictateur. Nous voici à nouveau plongés dans la problématique de l’hybridisme des coups d’Etat militaires en Afrique. De par leur nature et leurs fonctions régaliennes, les forces de défense doivent-elles demeurer dans leurs casernes et laisser le champ politique aux politiciens? Les coups d’Etat militaires sont-ils toujours des menaces à l’ordre démocratique et constitutionnel ?
Une analyse à travers le prisme du renversement de Blaise Compaoré au Burkina Faso et maintenant, du dernier des dinosaures, révèle incontestablement un rôle angélique, et messianique de la Grande muette. Certes, de telles ingérences ne sauraient être la norme, au risque de déboucher sur des déviances et des remises en cause permanentes des régimes démocratiques par les militaires. Elles devraient être des interventions lucides, éclairées.
A proprement parler, les armées africaines ne se sont jamais véritablement résumées au rôle constitutionnel à elles dévolues. Elles se sont toujours exprimées par le passé pour renverser les régimes démocratiques des après-indépendances des colonies africaines et maintenant, davantage pour gommer les vieux clichés sur elles et contribuer à restituer au peuple sa souveraineté embrigadée par une famille, parfois un conglomérat d’intérêts mafieux.
Au Togo, l’armée est une composante consubstantielle au pouvoir. Elle ne pourrait donc ne pas être au cœur de tous les scenarii visant à mettre un terme à la dynastie des Gnassingbé. C’est pourquoi elle enregistre depuis quelques jours d’incessants appels des forces démocratiques à une prise de position républicaine dans le bras de fer politique qui dure depuis trois mois déjà. Rêverie politique ?
Comme au Burkina Faso il y a quelques années et au Zimbabwe actuellement, le salut de la démocratie, la vraie, ne passera que par un saut qualitatif de la Grande muette au Togo. Ce ne sera d’ailleurs que justice. Après avoir orchestré le pire, pourquoi ne chercherait-elle pas à redorer son blason si terni ?
Meursault A.
Source : Liberté
27Avril.com