Crise politique au Togo : Les Forces armées togolaises en proie à des remous.

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Crise politique au Togo : Les Forces armées togolaises en proie à des remous.

Que celui qui croit encore que Faure Gnassingbé est animé de bonnes intentions, lève le doigt ! En tout cas, l’homme lui-même ne croit pas que l’amorce d’un dialogue règlera SON problème qui est d’aller au-delà du mandat actuel. Raison pour laquelle il pense sérieusement à augmenter la solde des militaires pour gagner la méchanceté de certains d’entre eux à l’endroit du peuple souverain. Mais parce qu’au sein de la grande muette, ceux qui sont d’une certaine croyance religieuse sont indexés, ça murmure, ça chuchote, ça parle bas, ça surveille ses arrières. « Si vous abandonnez les mouvements de pression, nous sommes foutus », nous a confié un Adjudant toujours en fonction.

« Mon ami, dis à ceux qui ont enfin réussi à mettre l’opposition ensemble de ne surtout pas abandonner ou croire à la farce de dialogue que « Soleil » [Ndlr, surnom de Faure dans l’armée] et le Ghana veulent engager. Sinon, vous et nous sommes foutus pour très longtemps. Alors si j’ai un conseil à vous donner, c’est de multiplier les pressions par cent si possible, car notre survie à nous tous en dépend ». Ceci est une confidence qu’un Adjudant nous a faite la semaine dernière au sujet des manifestations sociopolitiques. Et s’il est une vérité au moins dont Faure Gnassingbé est conscient, c’est que les Togolais dans leur ensemble ne croient plus à ses mesures d’apaisement. Aussi, pour aller à l’encontre de leurs aspirations, il n’a plus que l’armée censée protéger le peuple, comme dernier recours. Raison pour laquelle une augmentation des soldes des soldats est à l’étude.

En effet, il nous revient que Faure Gnassingbé, réalisant subitement, au moment où son fauteuil présidentiel chancelle et va [certainement] lui échapper par la pression de la rue, que les soldats togolais sont parmi les moins rémunérés dans la région, pense à augmenter leur solde ! Oui, le projet est à l’étude par ses sécurocrates, mais reste à savoir si ça seul suffira à calmer la sourde grogne au sein de l’armée.

Il nous revient en effet qu’au sein de la Grande muette, la sérénité n’est plus de mise. On se surveille, on s’épie, on se regarde en chiens de faïence, on se méfie, chacun vérifie la présence de son proche pour voir s’il est toujours en vie ou s’il a disparu sans prévenir. Depuis le début des mouvements de contestation, les soldats dont la tendance religieuse est musulmane sont épiés, pointés du doigt, considérés comme responsables de la montée en puissance de l’homme de Kparatao aux côtés de Jean-Pierre Fabre. Une situation qui n’existait pas avant. Ce faisant, ce sont les racines du système de gouvernance qui disparaissent, parce que « depuis des décennies, les officiers supérieurs ayant porté à bout de bras le régime du père, étaient de religion musulmane », nous assure un soldat admis à la retraite qui maitrise les rouages du système. Et si aujourd’hui, la majorité des musulmans cherche à s’identifier à celui qui, depuis le 19 août 2017, donne des insomnies à l’appareil étatique, c’est toute l’assurance Rpt/Unir qui devient périmée et non renouvelable. Mais ça, Faure Gnassingbé ne veut pas l’admettre.

Une augmentation salariale sectaire, la solution ?

Aujourd’hui, les mouvements de contestation sont pluriels ; les secteurs de l’éducation et des phosphates sont deux exemples de preuve. Des bruits courent qu’à la Société nationale des phosphates du Togo (SNPT), le [vrai] Directeur général, Raphaël Edery pense à une compression scélérate du personnel, oubliant que des ouvriers ont sacrifié leur vie pour la bonne marche de l’usine. Dans le monde de l’éducation, ce sont des « mesurettes » qui sont prises pour résoudre les revendications multiples, et il se murmure que le gouvernement pense à surprendre désagréablement les enseignants grévistes par des précomptes sur leurs soldes. Au niveau de la Fonction publique, Gilbert Bawara ne semble pas accorder d’attention aux revendications du personnel. Mais parce que l’opposition est descendue dans les rues, Faure Gnassingbé veut procéder à une augmentation salariale aux soldats au moment où son pouvoir semble lui échapper. De quoi déduire que c’est grâce à cette opposition qu’une partie du peuple obtiendrait gain d’une cause qu’elle murmure sans l’avoir jamais exprimée, parlant des hommes de rang dans l’armée togolaise. Pour les officiers supérieurs déjà riches comme crésus, c’est un épiphénomène, même si des bruits courent sur une augmentation de l’ordre de 50%.

Mais est-ce la solution à l’ensemble des problèmes qui minent le Togo ? Il y a deux jours, soit le 18 novembre 2017, les partis de l’opposition ont garanti dans une déclaration : « la société que nous voulons construire est celle qui permettra l’épanouissement harmonieux de chacun et de tous, sans discriminations fondées sur la religion, l’ethnie, l’origine sociale ou la profession. La société que nous voulons construire est celle qui permettra aussi de respecter les droits individuels des membres des forces de défense et de sécurité, officiers, sous-officiers, hommes de rangs et de leur assurer un travail décent garantissant leur dignité ».

En projetant de revoir les soldes de l’armée, il devient évident que celle-ci échapperait au contrôle de la minorité d’officiers irréductibles devant lesquels Faure a déclaré avoir toute sa confiance vendredi 10 novembre, au camp Témédja. Mais augmenter les salaires pour tenir toute une armée en respect pendant que le peuple crie à la justice, peut être perçu comme une fuite en avant, un manque d’arguments pour justifier son maintien au pouvoir. C’est dire aussi que Faure Gnassingbé, fils d’Eyadema Gnassingbé ne croit aucunement au dialogue qui s’ouvre bientôt, ou bien qu’il ne s’alignera pas sur les décisions qui en sortiraient. Ou alors, qu’il a instruit ses missi dominici à ne rien céder lors des discussions à venir, ceux-ci ayant commencé à planter le décor sur les chaînes internationales. Une chose est de plus en plus inquiétante pour Faure Gnassingbé, l’armée n’a plus son unité d’antan et nombreux sont les soldats qui aspirent à une autre forme de gestion…

Abbé Faria

Source : Liberté No.2561 du 20 novembre 2017

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