Togo-Décentralisation: Les quatre vérités de Fabre à Boukpessi

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Dans une note adressée aux préfets et maires le 10 mars dernier, le ministre d’Etat Payadowa Boukpessi invitait ces derniers à la « première édition des rencontres gouvernement et collectivités territoriales les 13, 14 et 15 avril 2023 ». Même si ces rencontres ont été reportées sine die, à la mairie du Golfe 4, l’on trouve inopportune cette initiative du gouvernement.

Dans une lette réponse, le Maire du Golfe 4 Jean-Pierre Fabre dit ses quatre vérités au ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires. L’opposant fait quelques observations au gouvernement et relève plusieurs manquements graves à la loi relative à Décentralisation et aux Libertés Locales. Pour le président de l’ANC, la décentralisation au Togo n’est qu’un leurre.

« Dans le contexte politique togolais, marqué par le règne sans fin d’un régime militaire à façade civile, qui n’a pas craint tout récemment de s’auto-amnistier, de graves irrégularités mises au jour par la Cour des Comptes, dans son Rapport sur la gestion des Fonds COVID, la décentralisation n’est qu’un leurre. Car, il ne peut y avoir de décentralisation sans Etat de droit garantissant la prééminence du droit sur le pouvoir politique », dénonce Jean-Pierre Fabre dans sa lettre au ministre d’Etat.

Lire le courrier ci-dessous.

Objet : Votre lettre N° 0093/MATDDT/CAB/2023 du 10 mars 2023

Monsieur le Ministre d’Etat.

Nous avons bien reçu votre « Note aux Préfets et Maires, ref. N°0093/MATDDT/CAB, 2023 »> du 10 mars 2023, relative à la « première édition des rencontres gouvernement et collectivités territoriales les 13, 14 et 15 avril 2023 ».

Nous vous en remercions. Et vous prions de trouver ci-après, les réflexions que cette Note suscite de notre part.

Les rencontres, ateliers et autres séminaires, organisés par le gouvernement, à l’attention des collectivités territoriales ne sauraient constituer une réponse adéquate aux multiples préoccupations de ces collectivités territoriales. Dans la réalité, ces rencontres font partie de la propagande habituelle du gouvernement puisque le gouvernement lui-même ne respecte pas la Loi sur la Décentralisation ou s’empresse de la dénaturer lorsque son application par une majorité municipale, contrarie la pratique constante de l’arbitraire. Le problème est donc la violation permanente de la loi par le gouvernement.

Nous voudrions, à cet égard, vous rappeler que le 22 juin 2022, nous vous avons adressé une lettre dans laquelle nous avons relevé plusieurs manquements graves à la Loi relative à Décentralisation et aux Libertés Locales:

-Violation de l’art 354: blocage du budget de la commune du Golfe 4. pendant plus de quatre mois ;

-Violation de l’article 78: prétention d’annuler par une « Note aux maires », une délibération du Conseil Municipal, relative à l’adressage de certaines rues de la commune du Golfe 4. Alors que l’article 78 énonce que « l’annulation des actes des autorités locales, relève de la compétence du juge administratif sur saisine de l’autorité de tutelle » ;

-Violation de l’art 316: transfert de l’EPAM au DAGI. par un arrêté, en lieu et place d’un décret pris en conseil des ministres. Avant de procéder finalement à ce transfert par la loi.

Dans le contexte politique togolais, marqué par le règne sans fin d’un régime militaire à façade civile, qui n’a pas craint tout récemment de s’auto-amnistier, de graves irrégularités mises au jour par la Cour des Comptes, dans son Rapport sur la gestion des Fonds COVID, la décentralisation n’est qu’un leurre. Car, il ne peut y avoir de décentralisation sans Etat de droit garantissant la prééminence du droit sur le pouvoir politique.

Ainsi, dans l’opération de désengorgement des trottoirs et des voies bitumées, le gouvernement, a fixé unilatéralement, le délai du 15 février 2023, sans consulter les maires, qu’il charge de gérer le déguerpissement. Une concertation préalable avec les maires aurait permis d’adopter ensemble des mesures consensuelles adéquates et un délai respectueux des intérêts des concitoyens concernés.

De même, la création de l’EPAM et l’attribution à cet organisme, de la gestion de marchés de certaines communes du Golfe, comme les marchés de Hédzranawé, Gbossimé. Akodésséwa, créent une pagaille indescriptible, l’EPAM se comportant comme une institution au-dessus des communes. Il est incompréhensible que l’EPAM collecte des taxes sur le territoire des communes alors que ces communes sont chargées, entre autres, des dépenses d’éclairage public et d’assainissement des marchés qu’il gère. Tout récemment, les revendeuses concernées par l’opération de désengorgement des trottoirs du marché de Gbossimé ont sollicité l’intervention du maire, interlocuteur naturel, alors que c’est l’EPAM qui leur a attribué les places en cause.

Comme vous le voyez, les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales procèdent essentiellement du non-respect par le gouvernement, des principes de la Décentralisation ainsi que des compétences reconnues aux collectivités territoriales par la Loi sur la Décentralisation et les Libertés Locales. Les rencontres, séminaires, et autres ateliers organisés par le gouvernement, n’y changeront rien, tant que cette pratique persistera.

Cette rencontre Gouvernement/Collectivités territoriales, nous semble inopportune. Nous invitons le chef de l’Etat et le gouvernement à œuvrer au respect de la Loi relative à la Décentralisation et aux Libertés Locales, dans l’intérêt d’une véritable démocratie locale dans notre pays.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre d’Etat, les assurances de notre considération distinguée.

Source : icilome.com