On le pressentait. C’est maintenant chose faite. Faure Essozimna Gnassingbé a procédé le 6 mai 2024 à la promulgation de la loi portant révision de constitution togolaise. Adoptée en seconde lecture le 19 avril dernier par l’Assemblée Nationale suite au tollé que ce changement de paradigme a suscité au sein de l’opinion, cette révision constitutionnelle (formule consacrée du gouvernement) représente pour les autorités le fruit d’une initiative parlementaire, enrichie des contributions des forces vives de la nation.
Avec cette promulgation, on assistera à la mise en place du Président du Conseil, ou encore la création d’un Conseil d’Etat. Quant à la nouvelle loi constitutionnelle, elle sera publiée au Journal Officiel de la République Togolaise.
L’acte de décès de la Constitution du 14 Octobre 1992 est plus que jamais acté. Adoptée par Référendum le 27 septembre 1992, promulguée le 14 octobre 1992, elle sera révisée par la loi n°2002-029 du 31 décembre 2002, modifiée par la loi n°2007-008 du 07 février 2007 et modifiée par la loi n° 2019 – 003 du 15 mai 2019.
A l’origine de chacune de ces modifications, il y a des députés du parti au pouvoir qui ne s’embarrassent d’aucune élégance politique pour customiser à leur profit un texte que les Togolais ont obtenu de haute lutte. Mais cette révision constitutionnelle qui fait passer le Togo du régime semi-présidentiel au régime parlementaire, est pour le système synonyme de changement de république. Ce qui fait que le Togo bascule à la cinquième république.
Ainsi le veulent Faure Gnassingbé et sa camarilla pour qui le changement de constitution (et non la révision de constitution) doit forcément entraîner un changement de république. Depuis quand une révision constitutionnelle fait rentrer un pays dans une nouvelle république ? Il ne s’agit d’ailleurs pas de révision constitutionnelle comme le clament les autorités, mais bien d’un changement pur et simple de Constitution.
Le Professeur Kossivi Hounaké a lui-même reconnu que la démarche du pouvoir dont il est l’un des bras armés n’est rien moins qu’un changement de la constitution. Quarante-sept universitaires l’ont par ailleurs fait remarquer en se fendant d’une lettre ouverte envoyée au Chef de l’Etat dans laquelle on peut lire au point 6 ceci : « Conformément à l’article 59 de la Constitution togolaise, tout changement qui remettrait en cause le mode d’élection du Président de la République ou son mandat, implique l’organisation d’un référendum. L’entreprise de modification en cours s’apparente donc à une fraude à la Constitution ». Dans cette missive en date du 9 avril 2024, ces enseignants-chercheurs de l’Université de Lomé ont déploré “La démarche entreprise par une Assemblée Nationale en fin de mandat » et qui « porte les germes d’une crise sociale aux conséquences imprévisibles”. Pour les universitaires, la démarche est « inopportune en ce moment où le Peuple togolais se mobilise pour élire une nouvelle Assemblée Nationale et désigner ses élus régionaux“.
« L’Assemblée Nationale ne peut, en aucun cas, adopter une nouvelle Constitution ni au cours de son mandat ordinaire, ni pendant le prolongement de celui-ci“, comme indiqué dans la lettre, mais le mal est fait. Sans doute est-ce pour cacher ce triste aspect de la démarche que le Chef de l’État suit la logique du doux mensonge de révision constitutionnelle, pour mieux faire passer cette amère pilule. Triste qu’on joue ainsi avec le destin de toute une république.
Sodoli Koudoagbo
Source: Le Correcteur / lecorrecteur.info
Source : 27Avril.com