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Terrorisme au Togo : quid de l’appui des civils au combat ?

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Ceci est une analyse de Edouard Kamboissoa Samboé. Observateur des groupes armés extrémistes au Nord du Togo, le journaliste ”togolo-burkinabè” estime que les civils ont un rôle important à jouer aux côté de l’armée togolaise dans la lutte contre le terrorisme. Lecture !

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La pression des groupes armés extrémistes entre Janvier et Février 2023, surtout par l’usage des engins explosifs improvisés et des armes blanches contre les civils, interroge. La problématique de la maîtrise réelle de l’avancée de la nébuleuse par l’armée suscite des débats, alors que les populations fuient. Le retrait des armes des populations civiles par l’armée, interroge l’opportunité d’une telle action alors que cette même population civile dépourvues d’outils de défense, se retrouvent  égorgée par des extrémistes. Le caractère asymétrique de la guerre, qui devrait  inviter les civils à s’impliquer, interroge  l’avenir de la défense de la patrie, dans la mesure où l’armée accuse les civils de complicité, lesquels sont assassinés pour collaboration avec l’armée. Les jeunes qui devraient résister, sont pris en étau entre la pauvreté et l’enlèvement des terroristes,  fuient vers les pays voisins, interrogent de l’avenir des bras valides de Kpendjal. La région de Kpendjal qui fournit du bétail et des céréales au Togo suscite des interrogations quant à son avenir, alors que les populations désertent leurs villages. La fuite massive des populations de Kpendjal vers Dapaong et vers d’autres villages amène à se demander de l’issue de la crise humanitaire. La non maîtrise des déplacés internes interroge de l’issue de la contagion terroriste et du Togo de demain. Autant de questions qui soulèvent la place des civils, et surtout de l’usage des supplétifs civils aux cotés des militaires pour le combat contre les terroristes.

Cela fait exactement 22 mois que le Togo résiste contre les exactions terroristes sur son sol. Le Togo a perdu beaucoup de civils et de militaires. Lors de la première attaque contre un poste avancé de l’armée, les autorités ont appelé les assaillants des « bandits armés». Lesdits bandits armés qui avaient été repoussés, avaient revendiqué par la suite leur attaque: C’était le JNIM qui manifestait sa présence sur le sol togolais. Cette branche d’Al Quaida était déjà présente au Burkina Faso. Par la suite, depuis le nord-est du Togo, il va tenter d’ouvrir deux autres fronts: Le front de Zembendé- Yembouate et le Front de Bouadé–Goulounssi. Sur les trois fronts annoncés, l’armée togolaise riposte. Les combattants de JNIM replient sur le Burkina toujours avec les velléités d’expansion.

Le phénomène extrémiste en terre togolaise…

Pendant 13 mois, de Mai 2021 à Mai 2022, le JNIM qui s’était répliqué sur le sol burkinabè, maintient le cap de la pression, et exerce des opérations ponctuelles, caractérisées par des embuscades et des incursions momentanées. Mais l’armée togolaise riposte et les traque jusqu’aux frontières burkinabè. Des bâtions détruites et des positions pilonnées par des drones togolaises les poussent à se réinventer. Ils grignotent par la suite le sol béninois et proposent des sommes en vue de recruter localement. Avec les recrues en terre béninoise, et celles du Burkina Faso, ils enlèvent par la force, un certains nombres de jeunes togolais. D’autres rejoindront la Katiba par la suite. C’est avec cette nouvelle  équipe de combattants, qu’ils exercent des pressions sur le Togo.

Mais le Togo anticipe et coupe leurs financements, composés essentiellement des ventes de bétails, du trafic du carburant, de la drogue, des armes et surtout de l’or issus d’orpaillage. A compter du 14 juillet 2022, ils décident de s’en prendre aux populations civiles. Pour la première fois, ils font usage des armes blanches et exécutent les civils de six villages. Ils accusent ces civils d’avoir coopérer avec les autorités pour les saisis de leurs bétails. Une représailles ensanglantées qui créent la panique. Le Togo décide en septembre de faire déplacés ses populations pour mener la riposte.

Du mois de Mai à novembre 2022, l’armée togolaise monte en puissance et assure le contrôle de son territoire. Les populations parties pour cause de panique, y reviennent et occupent leurs terres. Au cours de cette période la collaboration entre l’armée et les civiles roulent à merveilles. Mais, très rapidement, l’infiltration terroriste au sein des populations civiles gagne du terrain. Les combattants font usage des Engins explosifs massivement. Ces engins ciblent les déplacements des FAT. Pendant plusieurs semaines, l’armée démine des villages comme Kpembol, Tiwouri et Soktangou. Au cours de cette période, plusieurs combattants sont tués. Mais de plus en plus, les IED visent les civils. Début Octobre 2022, les FAT réorganisent leurs dispositifs, limitent leurs déplacements en terre burkinabè, et combattent sur les limites du sol togolais.

Les représailles terroristes gagnent de nouveaux des terrains. Les groupes extrémistes s’en prennent aux civils. Ils les accusent de collaborer avec l’armée. Plusieurs d’entre eux sont exécutés dans la nuit. D’autres sont visées par les explosions de mines. De l’autre côté, ils s’emploient d’arracher du bétail des villageois et menacent de s’en prendre à eux. Certains villageois des Tchimoury, Tiwouri, Djoatou, Enamoufouali, Gnali et une partie de Bagré fuient. La crise sécurité humanitaire qui s’était allégée s’amplifie, à partir de janvier et début février 2023. Fin Décembre 2022 et le début 2023 Février ont enregistré plus les représailles des groupes extrémistes. Parmi les victimes, figurent ceux qui ont collaboré avec les militaires. Des villages qui ont assisté l’armée ont été visités et certains d’entre habitants assassinés. Le mode opératoire de ces exécutions ciblées sont essentiellement des couteaux.

La place des civils dans ce conflit

Dans l’ensemble les populations de Kpendjal ont participé à la réussite des opérations militaires. Ils ont contribué en renseignement, mais aussi en orientations. La preuve palpable, ceux qui ont soutenu l’armée de leurs vies. La plupart des militaires envoyés à Kpendjal n’y avaient jamais mis les pieds. Ils étaient souvent orientés dans leurs déplacements par les populations civiles. Dans la plupart des cas, leurs consignes ont été exécutées à la lettre par lesdites populations, qui ont salué les actions des FAT. Ils ont payé de leurs bétails, de leurs terres et de récoltes. Ils ont abandonné dans leurs fuites leurs avoirs. La crise humanitaire née de ce déplacement de population a été vécue avec résilience. Les proches parents des autres villages ont donné de leurs toits, et leurs nourritures. Malgré la précarité, aucune révolte des populations n’ont été enregistrée pour question humanitaire. Des enfants des déplacés ont dû attendre plusieurs mois, avant de bénéficier des salles de classes. Dans la plupart des cas, malgré la situation difficile, les Kpendjalais ont collaboré avec les autorités. Nombreux qui vivaient du trafic du carburant, du creusage et de la vente des silures et des animaux des champs ont cessé leurs activités. La conséquence, c’est que les villages de Kpendjal se sont appauvris avec la fermeture du parc de ventes d’animaux et de la fraude. Les déplacements vers le Burkina et certaines parties du Bénin à des fins économiques ont cessé. Pendant les derniers 21 mois, les Kpendjalais étaient dans l’économie de guerre.

De la mise en place d’une brigade civile: des supplétifs civils de l’armée

Par principe, au Togo, les supplétifs civils de l’armée, n’existent pas. Aucun texte de loi n’en prévoit. Il va falloir les créer. Sinon la plupart du temps, l’on est habitué à une armée professionnelle et régulière. Mais à une circonstance particulière, des mesures particulières. Donc, il faut créer la loi, pour recruter ces civils, définir leurs modes de fonctionnement, de prise en charge et de formation. Ce qui est certes bien. Mais dans la plupart des cas, les pays qui utilisent les supplétifs civils, ont fait longtemps la guerre avant d’en faire usage. C’est le cas du Mali, du Burkina Faso. Ce dernier pays, c’était en 2019. Aussi, ces pays, ont perdu des parties de leurs territoires. Ces pays avaient des effectifs en manque dans l’armée régulière. Les deux pays avaient une tradition des groupes d’autodéfense, comme le Kogleweogo et les Dozos. C’est sur ces groupes d’autodéfense que l’armée s’est appuyée. Ce qui n’est pas le cas au Togo. Le pis, au Togo, alors que le conflit était au début, l’armée a arraché les armes traditionnelles des villageois, avant de les laisser, sans outils de défense. L’armée togolaise n’a pas encore manifesté de déficit défectif. Il n’y a qu’une petite partie du territoire qui est infestée. L’armée togolaise contrôle tout son territoire. Les groupes armés opèrent par les incursions nocturnes dans la plupart des cas. Ce qui ne veut pas dire que l’armée est incapable ou que le contrôle du territoire lui échappe. Mais, c’est la nature asymétrique du combat qui est insaisissable. Pour preuve, même des militaires dans les mêmes conditions y ont perdu la vie, soit par embuscade, soit par mine.

De la pertinence des supplétifs de l’armée

Toutefois, la formation des civils pourraient être un atout. Surtout en renseignement, la maîtrise des IED. La maîtrise de la manipulation des armes serait un ajout. Mais pour une population comme celle de Kpendjal, « tout le monde connaît tout le monde». Ainsi donc, celui qui ferait une formation militaire sera toute suite repérée. Mais cela pourrait être un atout de dissuasion. Surtout équiper les villages voisins pour étouffer toute contagion. La remise des armes blanches des populations récupérées ne pourraient pas suffire, dans la mesure où, ces groupes extrémistes utilisent déjà certaines armes de guerre des militaires du Burkina, du Mali et du Niger. Donc, s’il faut leur donner les armes, il faut aussi les former, et cela prendra du temps. Dans ce cas, ils sont aussi les militaires. Ce qui revient pratiquement à la même chose. On ne peut que former les jeunes, or ces jeunes sont recrutés autant par l’Etat dans l’armée, ou  par les terroristes. Il faut surtout insister sur le non enrôlement des restes des jeunes. Il faut décourager toute tentative d’enrôlement et de complicité. Ce qui revient à agir sur les promesses. Il faut trouver à faire à ces jeunes, des emplois et de l’avenir. Il faut plus d’impact des 50 milliards affectés au profit de la région. Il faut surtout éviter les formes de violence et de stigmatisation ou marginalisation. Il faut accélérer les opportunités de désenclavement de la localité, et surtout, libérer l’Est du Burkina Faso et du Bénin.

Dans toute nation, l’armée joue son propre rôle. Les civils aussi jouent le leur. Mais pour les questions d’intérêt sécuritaire, ils peuvent collaborer. Mais, les civils ne vont pas se battre à la place de  l’armée. Cette situation créerait plus de problèmes qu’elle n’en arrange. Former des brigades civiles pour se battre nuit et jour, pour la sauvegarde des villages, en lieu et place de l’armée, est disconvenu. Que ces civils en forces de devenir des brigades civiles deviennent des militaires. Ainsi, pendant la formation, qu’ils sachent qu’ils se battent comme des militaires au cœur de leurs villages et maisons.

Solidarité autour de Kpendjal…

La fuite de la population de Kpendjal l’un des greniers agricole et animaliers, augure une période d’insécurité alimentaire. La préfecture de Kpendjal longtemps délaissée va payer le lourd tribut, mais les conséquences seront plus vastes. En dehors des effets du terrorisme qui vont impacter la communauté, il faut agir rapidement  sur le vivre-ensemble. Mais surtout que chaque togolaise se sente chez lui, devant la loi, devant l’administration et devant la justice. Il est inadmissible de comprendre qu’une préfecture comme Kpendjal, il fallait attendre fin 2022, pour avoir une route goudronnée. Il est difficile de constater qu’une préfecture comme Kpendjal, l’hôpital n’a ni de lumière, ni de bons lits, et qu’il fallait attendre décembre 2022 pour entamer la clôture. Il est inconcevable de constater que la lumière est installée sur la route de Kpendjal en 2022, alors même qu’il n’y a pas de station d’essence.

Comme la question du terrorisme déborde du cadre militaire sur d’autres terrains, il faut plancher sur l’effort de paix civile. Dans un contexte de conquêtes des espaces et d’itinérance des populations, les groupes de supplétifs et de renseignement pourraient être utiles à ce niveau. L’objectif étant de démanteler les réseaux et les cellules dormantes qui renseignent les combattants tapis dans la foret. Il faut urgemment travailler sur la traçabilité des mouvements des hommes et des fonds qui équipent ses hommes.

Il faut éviter la politique de l’autruche qui consiste à dire que tout va bien. Tout ne va bien. Nos compatriotes meurent et fuient leurs villages. Ils ont faim et ont besoin de la solidarité nationale. Ce qui doit commencer par les hommes politiques. La générosité humanitaire doit primer sur des dons à caractère politique et intéressé. Les assistants humanitaires envoyés par l’Etat doivent faire plus d’humanité et de service. Tout ne doit pas être que des affaires et de la corruption. On ne mange dans le sang des humains. C’est pourquoi on a plus besoin de Journalisme et indépendant, d’une Justice pour les pauvres. La souffrance des victimes du terrorisme ne doit pas être cachée, mais soutenue. Il faut une nécessité de la concertation permanente sur les questions de développement. C’est la raison pour laquelle, il faut plus de dialogue communautaire dépolitisés et prendre au sérieux les blessures que ressentent une partie de nos concitoyens.

Comparativement à d’autres pays, le Togo à l’avantage de la lutte contre l’insécurité; jusqu’à présent, la contagion terroriste concerte que des villages suivants: Soktangou, Tiwouri, Sanloaga, Lallabiga, Kpembol, Thimouri, Tambima, Sankartchagou, Djoatou, Enamounfouali, Gnali, une petite partie de Bagré. Il s’agit d’une superficie d’à peine 70 km2, dont l’armée togolaise a une totale maîtrise des contours des territoires.

Il convient de faire le distinguo entre tout éleveur ou tout transhumant avec les terroristes. Il faut prendre en considération la particularité de la région des Savanes. Une région d’élevage et d’agriculture. Une région des animaux et des parcs. Il suffit d’une dose de volonté politique et surtout de plus de patriotisme pour freiner définitivement cette nébuleuse. Et, pour se faire, la corruption et le manque matériel de lutte ne permettront pas de gagner la guerre. Et, cette guerre ne peut être gagnée avec une population affamée et délaissée. Les premiers supplétifs de l’armée, ce sont les restes des populations affamées et non soutenues de Kpendjal et de la région des Savanes. Et, il est difficile de gagner cette guerre avec les armes seules, il faut travailler avec cette valeureuse population du Togo.

Edouard Kamboissoa Samboé

Observateur des groupes armés extrémistes au Nord du Togo

Journaliste

Source : Icilome

Source : Togoweb.net