Au Togo, les deux opposants arrêtés en novembre dernier ont finalement été élargis. Cette mesure intervient après une mobilisation de l’opposition mais aussi des pressions internationales. Elle permet, à ce titre, au gouvernement de détendre l’atmosphère politique dans l’optique du scrutin régional de 2021.
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Quelques heures après l’annonce de leur libération provisoire ce 17 décembre, les deux opposants togolais Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson et Gérard Djossou ont été aperçus dans une courte vidéo d’une minute dansant au rythme d’une chanson religieuse populaire. Ils exprimaient ainsi la joie de pouvoir enfin regagner leurs domiciles respectifs.
Cette courte vidéo devenue virale sur WhatsApp est ici mise en ligne par Togovisions sur YouTube. On y voit les deux opposants togolais se réjouir de leur libération.
Ils avaient été arrêtés une vingtaine de jours plus tôt pour «groupement de malfaiteurs» et «tentatives d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État». Des accusations qu’ils réfutent. Les deux membres de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), un regroupement de plusieurs partis et associations du Togo, estiment qu’ils ne paient ni plus ni moins que le prix de leur contestation de la victoire du Président togolais Faure Gnassingbé, réélu pour un quatrième mandat lors du scrutin organisé le 22 février dernier.
Lutte antiterroriste au Togo: «En 2021, l’ensemble du pays sera quadrillé» – ministre de la Sécurité à SputnikCitée par Togobreakingnews, un site d’information togolais, Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, coordinatrice de la DMK, et Gérard Djossou, chargé des questions des droits de l’Homme au sein de la DMK, ont affirmé «ne rien lâcher». Ils ont annoncé qu’ils allaient poursuivre «le combat jusqu’à ce que le Togo devienne le véritable État démocratique que souhaitent les populations».
La pression politique
Sitôt leur placement sous mandat de dépôt, les avocats de Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson et de Gérard Djossou avaient introduit le 11 décembre la demande de liberté provisoire qui devait déclencher le processus de leur libération. Mais l’acte, purement juridique, n’aurait visiblement pas suffi sans la pression exercée par l’ensemble de l’opposition–et même d’organisations des droits de l’Homme dont Amnesty International– sur les autorités.
«Les autorités togolaises doivent libérer immédiatement et de façon inconditionnelle Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson et Gérard Djossou, et respecter la liberté d’expression et de manifestation pacifique de toutes les personnes, y compris les opposants politiques», avait soutenu Amnesty Internationale dans un communiqué publié le 1er décembre dernier.
Lundi 14 décembre, lors d’une consultation politique engagée par le gouvernement togolais pour préparer les élections régionales projetées en 2021, l’opposition togolaise est intervenue. Elle a fait de la libération de leurs collègues un préalable en demandant au Président Faure Gnassingbé de manifester la preuve de sa volonté de détente politique dans le pays.
Le pouvoir togolais accusé par Amnesty de «réduire au silence toute voix dissidente»
«Je pense qu’au-delà du volet juridique de cette affaire, que nous suivons avec beaucoup d’attention, les partis politiques ont fait passer un message qui a été entendu», a reconnu Me Atsoo, un des avocats de la DMK, au micro de Sputnik.
Antoine Folly, un des leaders de l’opposition, qui dirige l’Union pour la démocratie sociale (UDS-Togo), a affirmé pour sa part à Sputnik son soulagement après la libération de ses deux collègues.
«Le gouvernement vient de montrer un bon geste d’apaisement parce que tout ce harcèlement judiciaire devenait intenable. Et cela prouve que l’on a eu raison d’insister. Tout ceci va faciliter les discussions à venir», a-t-il indiqué.
Joseph Koba, chercheur au Centre pour la gouvernance démocratique et la prévention des crises (CGDPC) basé à Lomé, se veut toutefois plus prudent. Interrogé par Sputnik, il reconnaît que si le geste des autorités permet à juste titre de «décrisper la tension politique dans le pays», il est plutôt contre-productif pour l’opposition. «Qu’on le veuille ou non, le gouvernement, en cédant à la pression, imposera aux opposants le silence en retour. Ils ne devront plus contester la réélection de Faure Gnassingbé sinon, à la moindre faute ou protestation, le doyen des juges pourra à nouveau ordonner leur arrestation», a assuré Joseph Koba.
Libérés et placés sous contrôle judiciaire
De fait, les déboires sont loin d’être terminés pour Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson et Gérard Djossou, qui demeurent placés sous contrôle judiciaire avec plusieurs restrictions. Selon les consignes du doyen des juges d’instruction révélées à Sputnik par Me Atsoo Darius, ils ont, durant cette période, «l’obligation de déférer régulièrement aux convocations du doyen des juges d’instruction et interdiction de sortir du territoire national sans l’en informer au préalable». En outre, ils sont tenus de ne plus communiquer sur le dossier pour lequel ils ont été jetés en prison et de se présenter au greffe du premier cabinet du tribunal de première instance de Lomé tous les quinze jours pour témoigner de leur présence sur le territoire national.
Quel rôle le Togo a-t-il joué dans la mise en place de la transition au Mali?Pourtant, ces restrictions n’ont pas empêché les deux opposants togolais d’afficher dès leur sortie la même détermination à poursuivre «leur combat pour la vérité des urnes». Me Atsoo Darius assure toutefois, dans une déclaration à Sputnik, que ses clients vont respecter leur contrôle judiciaire.
«Nous sommes conscients qu’il s’agit d’une mise en liberté provisoire et que le procureur de la République n’a pas abandonné les poursuites contre les prévenus. Donc l’instruction va continuer normalement et nos clients vont de leur côté respecter le contrôle judiciaire», a-t-il affirmé.
Par ailleurs, l’avocat togolais compte rester vigilant sur l’évolution de cette affaire et travailler avec ses collègues de telle sorte que «ce dossier soit rapidement fermé ou que le procureur de la République l’abandonne ou que le doyen des juges d’instruction constate qu’il n’y a pas d’éléments suffisants» afin d’éviter à ses clients la phase de jugement. «J’espère cela de vive voix afin que nous puissions réorienter notre énergie sur autre chose», a-t-il soutenu.
Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson et Gérard Djossou ne sont pas les seuls inquiétés par la justice togolaise depuis que la DMK conteste la réélection, en février dernier, de Faure Gnassingbé pour un quatrième quinquennat. Kodjo Agbéyomé, candidat malheureux porté par cette même DMK au scrutin présidentiel du 22 février et qui affirme l’avoir emporté, a dû fuir le pays depuis le mois de juillet. Un mandat d’arrêt international a d’ailleurs été délivré contre lui par la justice togolaise.
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Source : Togoweb.net