Après plus de 18 ans au pouvoir, Faure Gnassingbé, candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT) à l’élection présidentielle de 2005, fait face à un bilan mitigé concernant ses promesses énoncées dans son programme “Les 20 Plus” visant à moderniser le Togo. Alors que ces promesses étaient censées améliorer la vie des Togolais dans divers domaines, de nombreuses d’entre elles sont restées lettre morte.
Parmi les points phares de ces promesses figuraient la réconciliation et l’unité nationale, la transparence en matière de justice, le respect des libertés publiques, et le renforcement des relations entre les forces armées et la population. Cependant, les résultats sont loin de répondre aux attentes.
Avant d’annoncer officiellement son retrait de la présidence de la République par intérim au profit d’Abass Bonfoh, Faure Gnassingbé s’était fait désigner candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT) à l’élection présidentielle de 2005. Ce jour-là, il avait dit, devant les militants réunis au Palais des Congrès, que « Papa nous a dit de ne jamais perdre le pouvoir et si jamais on le perdait, il nous serait difficile de le reconquérir ». Qualifié d’« esprit nouveau » par ses flagorneurs, le très bref président de la République par intérim avait articulé son projet de société autour de vingt (20) points baptisés « Les 20 plus de Faure » (lire texte ci-dessous). Il s’agissait d’une série d’actions à mener durant les cinq (05) prochaines années s’il venait à être « élu ». De bonnes intentions qui allaient faire évoluer le Togo et le lancer sur la voie du rayonnement si elles avaient été traduites. Mais après bientôt 20 ans au pinacle, on constate que nombreuses sont les promesses qui ne sont pas tenues.
Même celles qui ont connu un début de réalisation parfois au-delà des cinq ans, l’ont été partiellement ou ont manqué de sincérité. Comme dans le cas de la réconciliation et de l’unité (1). La déclaration selon laquelle « Le Togo doit se réconcilier avec lui-même. Il doit accepter ses différences mais renforcer son unité du nord au sud et de l’est à l’ouest », était un vœu pieu. Le processus de réconciliation initié à travers la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) n’a pas changé grand-chose. C’était juste une manœuvre pour endormir les Togolais et gagner des points à l’international. Aujourd’hui, le Togo est plus divisé qu’avant. Certains Togolais sont embastillés pour leurs opinions politiques alors que d’autres sont poussés à l’exil.
En outre, le renforcement des « relations entre le peuple togolais et ses forces armées et de sécurité » (3) n’est pas toujours effectif. On a l’impression que les hommes en uniforme sont des Togolais entièrement à part et sont au-dessus de la loi. En témoigne la manière dont les supérieurs hiérarchiques tentent de couvrir parfois les bavures policières. C’est l’impunité garantie.
Sur le plan judiciaire (5), la situation n’est guère reluisante. Tous les Togolais n’ont jamais droit « à une justice transparente, indépendante et sûre ». La justice est aux ordres et ne sert que les intérêts de la « minorité ». Les médias critiques ainsi que les militants de l’opposition sont rapidement jugés, condamnés à de lourdes peines d’amendes et d’emprisonnement. Mais les affaires liées à la corruption et aux détournements de fonds sont soigneusement rangées dans les placards pour le bonheur des présumés auteurs.
La justice est également à l’origine du pourrissement du secteur foncier qui menace le vivre-ensemble. La lenteur excessive, l’accroissement des contentieux, le dilatoire des parties, l’indélicatesse de certains magistrats et consorts, la mauvaise gestion des dossiers, le fait de vider des dossiers en catimini, la pratique consistant à rançonner les justiciables qui recherchent la grosse des décisions rendues, sont, selon le Président de la Cour suprême, Abdoulaye Yaya, les principaux vices que traîne la justice togolaise. « Il nous est parvenu des informations vérifiées, avec preuves contenues dans des dossiers en notre possession, que certains magistrats ont ouvert des officines en leur domicile, tenant lieu d’appendices ou de tribunaux annexes », avait-il dénoncé à un moment.
Le point 13 qui consistait à en faire davantage pour la ville, laisse les Togolais sur leur soif. Si un ministre de la ville est nommé dans les différents gouvernements depuis 2005, la mise en place de la « politique de la ville et d’amélioration du cadre de vie : assainissement des villes et notamment Lomé » n’est pas clairement identifiée. Les projets d’assainissement des villes se succèdent à coup de milliards mais on ne note aucun changement notable. Pendant la saison pluvieuse, Lomé devient une ville méconnaissable avec beaucoup de voies impraticables, des routes goudronnées devenant des piscines, des maisons inhabitables, des odeurs nauséabondes …
Le logement pour tous et la construction « des maisons à bon marché pour faciliter le logement des jeunes accédant à la vie active et de tous ceux qui ont besoin de se loger dans de meilleures conditions » sont des vœux pieux. Rien n’a été fait après plus de 18 ans de pouvoir. La cité Mokpokpo qui a été construite dans l’enceinte du Lycée technique de Lomé est un fiasco. Ce sont les copains et coquins de la « minorité accapareuse » qui se sont partagé les maisons.
« Dans le cadre d’une politique de grands travaux, un appel sera adressé aux pays enclavés pour mettre en chantier une autoroute appelée «FLEUVE DE L’ESPÉRANCE» allant de Lomé à la frontière nord », avait-il promis. Le projet qui allait créer 100 000 emplois en cinq ans, n’a jamais vu le jour. L’autoroute annoncée reste un sentier bitumé et régulièrement rafistolé avec des ponts exigus et sans garde-fou. S’il y a par exemple un accident sur la Nationale N°1, toute la circulation est automatiquement bloquée.
En ce qui concerne la santé (14), le chef de l’Etat a échoué. Sous son mandat, Faure Gnassingbé n’a construit aucun centre de santé digne de ce nom. Même si la pandémie de Covid-19 a permis à certains pays d’améliorer leurs infrastructures sanitaires en les dotant d’équipements de pointe, c’est le statu quo au Togo. L’hôpital Saint Pérégrin devenu Dogta-Lafiè est une clinique privée appartenant à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et ses partenaires. C’est pourquoi les affiches qui ont inondé entre-temps les rues de Lomé, félicitant Faure Gnassingbé d’avoir tenu sa promesse, sont une belle blague.
Presque tous les centres de santé existants sont totalement délabrés, inadaptés et insuffisants pour accueillir une population sans cesse croissante. Les différents projets n’ont pas donné des résultats escomptés à cause de la corruption et des détournements.
Pour la jeunesse, le sport et la culture (16), il avait promis que le sport allait être popularisé avec la construction et l’aménagement de 1000 terrains de jeu. Jusqu’à ce jour, aucune aire de jeu n’a été construite par le chef de l’Etat. Juste un rappel, sous Patrice Talon au Bénin, 22 stades omnisport ont été construits et réhabilités sans tambours ni trompettes. Même la ville de Kara dont les clubs (ASKO et ASCK) portent, depuis quelques années, le football togolais, a pour stade un champ de patate douce.
Le tableau est le même dans le domaine de la culture : « J’aiderai à la création de véritables maisons de la culture, de la musique et du spectacle ». Les Palais des congrès de Lomé et de Kara demeurent les « véritables maisons de la culture, de la musique et du spectacle » après quatre mandats présidentiels.
Faure Gnassingbé avait également dit qu’il en ferait plus pour le tourisme (18) : « Je favoriserai le développement d’un transport aérien à bas prix qui facilite la relation entre les togolais de l’intérieur et ceux de l’extérieur et aide au développement du tourisme ». A chacun d’apprécier. Mais il est constant que dans la région ouest-africaine, c’est au Togo que les billets d’avion sont les plus chers. Beaucoup de taxes ont été instituées et rentrer par Accra ou Cotonou revient moins cher que de venir directement à Lomé.
« Des dix (10) hôtels de classe internationale » qui seraient érigés, aucun n’est sorti de terre. Mais le président de la République s’est tout de même fait construire plusieurs résidences privées sur toute l’étendue du territoire national.
Beaucoup d’engagements pris en 2005 qui n’ont jamais été réalisés. Et ce, après plus de 18 ans aux affaires. On est même tenté de dire que les fameux « 20 plus » correspondaient plutôt au nombre d’années que Faure Gnassingbé entendait passer au sommet de l’Etat togolais et non aux actions devant faire avancer le pays.
R. K.
LES 20 PLUS DE FAURE
1. PLUS POUR LA RÉCONCILIATION ET L’UNITÉ.
Le Togo doit se réconcilier avec lui-même. Il doit accepter ses différences mais renforcer son unité du nord au sud et de l’est à l’ouest.
2. PLUS POUR LE RAYONNEMENT INTERNATIONAL.
J’associerai l’ensemble de la société togolaise à la définition de notre politique étrangère.
3. PLUS POUR LA SÉCURITÉ.
Je renforcerai les relations entre le peuple togolais et ses forces armées et de sécurité.
4. PLUS POUR LA DÉMOCRATIE.
Je poursuivrai la marche du Togo vers la démocratie et l’État de droit : j’organiserai des élections législatives libres et transparentes ; je donnerai une place prépondérante à la société civile dans le dialogue social ; je mettrai en place le Sénat pour assurer la meilleure représentation des forces régionales et des élites religieuses, traditionnelles ou syndicales
5. PLUS POUR LA JUSTICE.
Les Togolais ont droit à une justice transparente, indépendante et sûre
6. PLUS POUR LES LIBERTÉS.
Un code des libertés publiques sera élaboré pour assurer l’expansion des principales libertés: association, information, réunion ; un code des droits et devoirs des citoyens délimitera strictement la possibilité d’intervention des agents de l’État dans la vie des citoyens.
7. PLUS POUR LA BONNE GOUVERNANCE ET LA FONCTION PUBLIQUE.
J’assurerai le paiement des arriérés de pension aux agents permanents ; j’assurerai la régularité des salaires ; une évaluation du travail de chaque administration sera régulièrement accomplie avec le concours des fonctionnaires ; dans chaque administration, un délégué du médiateur recevra les plaintes des citoyens et devra remédier aux manquements constatés.
La Cour des Comptes sera mise en place.
L’obligation pour chaque titulaire d’une fonction publique de rendre compte de son mandat sera instaurée.
8. PLUS POUR LA SOCIÉTÉ CIVILE
J’accorderai une place prépondérante à la société civile dans le dialogue social.
9. PLUS POUR LA JEUNESSE ET L’ÉDUCATION
L’éducation sera notre priorité. Les meilleures conditions seront créées pour l’éducation des jeunes: 5000 classes nouvelles avec les équipements appropriés seront créées en cinq ans.
Un grand lycée scientifique sera créé.
Les universités de Kara et Lomé seront développées.
J’améliorerai les conditions de vie des étudiants et développerai l’accès à l’internet
Les écoles d’initiative locale seront transformées en écoles publiques par un statut particulier.
Les enseignants auxiliaires seront intégrés dans le corps des enseignants de l’administration.
Je ferai attribuer par le ministre de l’enseignement des bourses présidentielles d’excellence.
Une aide au premier logement sera instituée sous forme de micro-garantie par l’État.
Une aide au premier emploi des jeunes sera instituée sous forme d’exonération sociale.
10. PLUS POUR LES FEMMES
J’accroîtrai la responsabilité des femmes dans la vie politique, professionnelle et sociale ; je favoriserai la protection de l’intégrité physique et morale des femmes pour qu’elles puissent s’épanouir sans contraintes.
11. PLUS POUR LA RETRAITE
J’assurerai le paiement des arriérés de pension.
J’assurerai la régularité des pensions.
Je favoriserai les efforts de solidarité pour le troisième âge.
12. PLUS POUR LA LIBERTÉ DE CRÉATION
Les entreprises jouent un rôle important dans la création d’emplois ; je supprimerai toutes les autorisations administratives préalables à la création d’entreprises. Un facilitateur pourra être saisi en cas de difficultés opposées aux entrepreneurs.
13. PLUS POUR LA VILLE
Je nommerai un ministre chargé de mettre en place une politique de la ville et d’amélioration du cadre de vie : assainissement des villes et notamment Lomé ; logement pour tous.
Je ferai construire des maisons à bon marché pour faciliter le logement des jeunes accédant à la vie active et de tous ceux qui ont besoin de se loger dans de meilleures conditions.
Dans le cadre d’une politique de grands travaux, un appel sera adressé aux pays enclavés pour mettre en chantier une autoroute appelée «FLEUVE DE L’ESPÉRANCE» allant de Lomé à la frontière nord. Ce projet créera 100 000 emplois en 5 ans, offrira un moyen de transport efficace et sera le vecteur de notre intégration régionale.
14. PLUS POUR LA SANTÉ
Je doublerai en 5 ans le budget de la santé.
15. PLUS POUR L’AGRICULTURE
Je favoriserai l’essor de notre production agricole en soutenant les agriculteurs.
J’aiderai l’élevage.
J’assurerai la défense de nos productions nationales sur le plan international pour que les paysans reçoivent un juste prix.
Je ferai payer à temps le prix du coton et des ristournes seront versées.
Je mettrai le prix des engrais à la portée des agriculteurs.
16. PLUS POUR LA JEUNESSE ET LA CULTURE
Le sport sera popularisé avec la construction et l’aménagement de 1000 terrains de jeu.
Je donnerai l’opportunité aux artistes de développer leur talent en soutenant la création nationale et en lui permettant de s’affirmer dans le monde.
J’aiderai à la création de véritables maisons de la culture, de la musique et du spectacle.
17. PLUS POUR L’ARTISANAT
Je favoriserai l’aide à notre artisanat dynamique et créatif notamment par l’octroi de micro crédits et par la mise en place d’un fonds de garantie pour les investissements des artisans.
18. PLUS POUR LE TOURISME
Je favoriserai le développement d’un transport aérien à bas prix qui facilite la relation entre les Togolais de l’intérieur et ceux de l’extérieur et aide au développement du tourisme.
10 hôtels de la classe internationale seront construits.
19. PLUS POUR L’ENVIRONNEMENT
Je conduirai une politique de l’environnement avec le consentement, le concours et la participation des populations locales.
20. PLUS POUR LES MÉDIAS
Je défendrai en toutes circonstances la responsabilité et la liberté de l’information.
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Source : Togoweb.net