Depuis 1963 – date que je prends comme repère, à cause de l’actualité, puisque des victimes de crimes politiques anonymes sont tombées avant et après l’indépendance – le Togo s’est installé dans une situation d’état de non droit, violateur impénitent des droits humains.
Il s’agit d’un projet politique visant à absoudre tous les crimes politiques afin que leurs auteurs ne soient jamais inquiétés, dans l’esprit d’une campagne de terreur de la dictature. De 1963 à 2023, soit soixante ans, aucun auteur d’assassinat politique n’a été traduit en justice. Sylvanus Olympio attend toujours, au fond de sa tombe, que la vérité se fasse sur ceux qui lui ont ôté la vie lâchement : les tueurs et les commanditaires. La liste des crimes politiques est longue au niveau des civils : Agbakpem, le député du CAR Gaston Aziaduvo Edeh, Koffi Mathieu Kégbé, représentant du CAR à Sendomé, Tavio Amorin… Au niveau des officiers la liste est aussi bien fournie : le capitaine Komlan, Koffi Kongo, Tépé, Madjoulba, Améyi…
Le coup d’État de 2005 qui a occasionné, selon la Ligue togolaise des droits de l’homme, environ mille morts, n’a fait l’objet d’aucun procès malgré les plaintes déposées en justice par la Ligue, au nom des victimes, contre les assassins et les auteurs de viols et d’exactions diverses depuis dix-huit ans ! Où est la justice dans ce pays ? est-on en droit de se demander.
Au moment où le pays est agressé de l’extérieur par des djihadistes gangsters, la cohésion nationale traîne les pieds parce que le pouvoir est contesté dans son essence, dans sa légitimité, à cause, entre autres, de la culture de l’impunité. Le cynisme qui a poussé les dirigeants illégitimes et leurs complices à servir aux Togolais l’odieuse mascarade de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, une sorte d’auto-amnistie, n’a abusé personne. En effet, les auteurs de la mascarade ont oublié que le mot justice était dans la désignation de cette institution bidon. Qui dit justice dit jugement, sanction et réparation.
Quand dans un pays qui aspire à devenir une nation, la justice ne fonctionne jamais pour les criminels politiques au service du régime, l’Etat donne le mauvais exemple, car la justice telle que nous la connaissons aujourd’hui, est une conquête de la civilisation qui s’est substituée à l’honneur et à la vengeance puis à la loi du Talion. Au niveau du droit, le Togo est sur la pente dangereuse d’une grave régression civilisationnelle.
Voudrait-on encourager les Togolais à recourir à la vengeance qu’on ne s’y prendrait pas autrement. C’est ce qui arrive malheureusement quand les citoyens n’ont plus confiance en leur justice. La vengeance, la justice populaire ne sont pas la justice, ce sont des crimes.
Avec ces dirigeants de fait, la justice est-elle possible au Togo, pays de l’impunité politique ?
Ayayi Togoata APEDO-AMAH
Source : icilome.com