L’ancien métallo devenu président du Brésil passera-t-il par la case prison? Mercredi 5 avril, la Cour suprême a donné son feu vert à l’incarcération de Luiz Inacio Lula da Silva, aujourd’hui âgé de 72 ans.
Pour celui qui nourrissait toujours une ambition de retour au pouvoir, la chute est d’autant plus vertigineuse qu’il était donné en tête des intentions de vote pour la présidentielle d’octobre, huit ans après son départ avec un taux de popularité record. Début mars, l’ancien chef de l’État admettait dans un entretien à l’AFP penser « tous les jours » à la prison, mais il ajoutait : « Je n’ai pas peur et je ne suis pas inquiet ».
Même s’il a été rattrapé par les méandres du plus grand scandale de corruption de l’histoire du Brésil, Lula reste perçu comme « près du peuple » et dispose encore d’un réservoir de voix considérable, notamment dans les régions pauvres du nord-est, dont il est originaire. Celui qui a longtemps incarné l’image d’un pays conquérant et ouvert sur le monde se dit victime d’un « pacte diabolique » visant à l’empêcher de revenir au sommet.
En juillet, son ennemi intime, le juge anticorruption Sergio Moro, l’a condamné à neuf ans et demi de prison pour avoir obtenu un triplex en bord de mer de la part d’une entreprise de bâtiment en échange de contrats publics. Une peine alourdie à douze mois et un an en appel, à la mi-janvier.
Success-story
Rien ne prédisposait à un tel destin ce cadet d’une fratrie de huit enfants, né le 6 octobre 1945 dans une famille d’agriculteurs pauvres du Pernambouc, dans le nord-est. Enfant, Lula a arpenté les rues pour cirer des chaussures dans l’espoir de ramener un peu d’argent à la maison. Il a 7 ans lorsque sa famille émigre à São Paulo pour échapper à la misère.
Vendeur ambulant, puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perd l’auriculaire gauche dans un accident du travail. À 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes et en devient le président en 1975. Il conduit les grandes grèves de la fin des années 1970, en pleine dictature militaire (1964-1985).
Fondateur du Parti des Travailleurs (PT) au début des années 1980, Lula se présente pour la première fois à l’élection présidentielle en 1989 et échoue de peu. Après deux nouveaux échecs, en 1994 et 1998, la quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Il est réélu en 2006.
Premier président brésilien issu de la classe ouvrière, il a mis en œuvre d’ambitieux programmes sociaux, en bénéficiant des années de croissance portées par le boom des matières premières. Sous ses deux mandats (2003-2010), près de 30 millions de Brésiliens sont sortis de la misère.
Sa success-story a conféré au Brésil une stature internationale de premier plan, lui permettant de décrocher l’organisation des deux plus grands événements sportifs planétaires : le Mondial de football, en 2014, et les jeux Olympiques, en 2016 à Rio de Janeiro.
Échecs douloureux
Idéaliste mais pragmatique, il est passé maître dans l’art de tisser des alliances parfois contre-nature ou de se débarrasser d’amis devenus gênants. En 2005, il a décapité toute la direction PT, impliquée dans un scandale d’achat de votes. Cela ne l’a pas empêché de terminer son second mandat avec un taux de popularité de 87 %. Mais, paradoxe, Lula est aussi franchement détesté par une partie des Brésiliens.
Sa tentative de retour aux affaires en tant que ministre de sa dauphine, Dilma Rousseff, en mars 2016 avait été un échec qu’il avait mal vécu, tout comme la destitution de celle-ci pour maquillage des comptes publics en août de la même année.
En février 2017, Lula a dû affronter une épreuve intime avec la mort de son épouse, Marisa Leticia, son premier soutien durant quarante ans de lutte. En octobre 2011, il avait déclaré avoir souffert d’un cancer du larynx après son départ du pouvoir.
Source : www.cameroonweb.com