Membre fondateur du Mouvement des Forces vives « Espérance pour le Togo », Prof Maryse Quashie a toujours pris une part active aux débats sur les sujets sociopolitiques au Togo. Dans cette tribune, cette universitaire à la retraite a effectué une analyse constructive en faisant un rapprochement entre l’actualité en France marquée par les Gilets Jaunes et l’actualité togolaise du moment.
Depuis plusieurs semaines, les Gilets Jaunes, font l’actualité en France. Etrange, n’est-ce pas, que dans un pays où la démocratie est en vigueur depuis si longtemps, un pays où la population a en principe les moyens d’exprimer ses revendications, les citoyens en soient arrivés à créer un autre mouvement en dehors des partis, des syndicats, associations de consommateurs, et autres regroupements, en plus de la presse écrite et parlée, parce qu’ils pensent que tous ces canaux ne suffisent pas pour qu’ils se fassent entendre! Et parce qu’ils ne sont pas encore satisfaits le mouvement continue et semble s’amplifier… Les violences du samedi 1er décembre 2018, font partie de ce mouvement même si les autorités disent que c’est le fait de casseurs professionnels. En effet, le profil des personnes en garde à vue a montré que de simples citoyens ont participé aux casses, et quoi qu’on en dise, les casseurs font partie des mécontents de la société française… Et surtout, ils justifient leur violence par le fait qu’ils n’ont pas été entendus.
Au Togo, nous sommes tout à fait dans le schéma contraire, lorsque la population veut se faire entendre, les moyens déployés pour l’en empêcher sont énormes, la violence étant du côté des autorités. En effet, depuis des mois, des voix s’élèvent dans les partis politiques, mais aussi dans les organisations de la société civile, dans la hiérarchie des églises, pour que soient organisées, pour le bien de tous, des élections dans un climat qui ne soit pas source de violences ultérieures. Aucune réponse jusqu’à présent, sinon que le gouvernement persiste et continue à décider tout seul et à organiser des élections comme si lui seul était concerné par ces élections. Son silence, son indifférence, son entêtement, constituent une violence faite à ceux qui s’adressent à lui.
Sinon, comment décoder cette attitude de personnes qui veulent briguer les suffrages de cette même population ? Cela ne correspond-il pas à une façon de dire « Laissez-les faire, ils se fatigueront un jour. Nous avons vécu cela plus d’une vingtaine de fois dans ce pays ! » ?
Mais ce gouvernement n’a même pas assez de patience pour s’en tenir à cela, il est pressé d’arriver à ses fins, alors il semble ajouter « Faisons leur peur, il suffit d’envoyer les forces de l’ordre les mater…De cela aussi nous avons l’habitude. Il y aura des protestations des défenseurs des Droits de l’Homme, puis on oubliera… ».
Ceux qu’on traite de cette manière, doivent se sentir profondément méprisés, considérés comme moins que des sujets de droit. Pourtant, cela peut durer le temps où le citoyen croit qu’il peut encore sauver quelque chose… Mais un jour, il se sent dos au mur, il n’a plus rien à perdre, car que vaut la vie lorsqu’on n’a plus de dignité humaine ! Le citoyen n’est-il pas alors en situation de légitime défense ? Dès lors, certains se disent qu’ils n’ont d’autre choix que la violence. Comment dire alors à ceux-là que la violence n’est pas une riposte proportionnelle à la violence d’un gouvernement ?
Mais alors qu’elle pourrait être une riposte proportionnelle de la population à la violence du gouvernement ? Tournons encore nos yeux vers les Gilets Jaunes. Au bout de plusieurs semaines de mobilisation, les Gilets Jaunes ont trouvé que la réponse du gouvernement français n’est pas en proportion avec ce qu’ils demandent ; il est donc prévu que le mouvement se poursuive…
De plus, lorsqu’on regarde les images de ce mouvement des Gilets Jaunes, on voit qu’il est composé de jeunes et de personnes âgées, de personnes qui n’étaient pratiquement jamais descendues dans la rue. Bref, des citoyens ont pensé qu’il ne leur restait que ce moyen de se faire entendre. Ils ont estimé que leurs revendications étaient assez importantes pour que des travailleurs perdent des journées de salaire, pour que des retraités remettent en question leur tranquillité, et surtout pour continuer à le faire tant que satisfaction n’aura pas été obtenue. Ils se sont sentis assez concernés non pas seulement pour soutenir ceux qui s’impliquent mais pour descendre eux-mêmes dans la rue ; ils se sont sentis responsables de l’issue du mouvement. Chacun a cru que sans sa participation personnelle, le mouvement n’atteindrait pas ses objectifs. Chacun a donc choisi de faire sa part.
Nous citoyens togolais, pourrons-nous montrer la même détermination ?
Pour répondre, il faut d’abord se demander qui est concerné par ce qui se passe actuellement dans notre pays, ou mieux qui se sent concerné ? Qui oserait dire qu’il n’est pas concerné par son pouvoir d’achat rogné jour après jour, par l’angoisse de ne pas pouvoir boucler ses fins de mois ? Qui ne vit pas dans l’inquiétude sur la possibilité de se soigner correctement ? Qui n’a jamais vu la misère à sa porte dans son quartier, dans son village ?
Si on ne vit pas soi-même dans cette misère, si on n’a pas de problème de pauvreté, alors on doit au nom de la solidarité s’inquiéter pour son frère qui la vit, on doit s’en indigner car
« Quand quelque chose vous indigne comme j’ai été indigné par le nazisme, dit Stéphane HESSEL, alors on devient militant, fort et engagé. On rejoint ce courant de l’histoire et le grand courant de l’histoire doit se poursuivre grâce à chacun de nous. Et ce courant va vers plus de justice, plus de liberté mais pas cette liberté incontrôlée du renard dans le poulailler. Ces droits, dont la Déclaration Universelle a été rédigée en 1948, sont universels. Si vous rencontrez quelqu’un qui n’en bénéficie pas, plaignez-le, aidez-le à les conquérir. »
Alors allons-nous nous tenir cois et rester muets tandis qu’il s’agit de plusieurs centaines de milliers de personnes qui sont privées de ces droits ? Ne serons-nous pas suffisamment indignés pour nous mobiliser, un jour, plusieurs jours, plusieurs semaines et mois, s’il le faut, ne tiendrons-nous pas le cap pour aller jusqu’au bout ? Et allons-nous rester planqués à attendre que d’autres parlent, que d’autres manifestent, n’allons-nous pas chacun faire notre part pour amener notre pays vers ces horizons où se lèvent les soleils de la justice pour tous ?
Quelle sera notre réponse personnelle, proportionnelle à notre degré de responsabilité et d’indignation devant les événements actuels?
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