Les tares teigneuses de la gouvernance de Faure Gnassingbé

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Le pouvoir en place, c’est cinq décennies d’un règne sans partage aux mains d’une race qui a relégué les valeurs humaines au dernier plan. Une telle longévité politique, c’est deux générations de formatage d’une opinion publique, de changement d’habitudes, d’hésitations sociales aux humeurs et goûts de ceux qui ont pris en otage les arcanes de la République. Dans un environnement où la contestation est crime, il faut faire selon le gouvernant, soit-il vertueux ou vil. Tout ce qui vient d’en haut est un repère, un modèle, une sainte écriture. Les seules bonnes manières sont celles qui militent pour la pérennisation de la gouvernance en place. Avec le père, les propagandistes diront qu’ ‘’on ne change pas l’équipe qui gagne’’, le fils dira ‘’Allons-y’’. Aussi longtemps qu’ils sont aux commandes, c’est le sens dessus-dessous. Le danger n’est pas la violence que la dictature fait aux principes de la société. Mais le temps faisant son œuvre, le danger se trouve dans le fait que les victimes commencent par croire que ce règne du vice est ce qui devrait être, la plupart n’ayant connu que ça, le vice remplace la vertu et personne n’y voit un scandale. Notre analyse s’attaque aux incurables tares de la gouvernance des Gnassingbé lorsqu’on parle de l’Homme, l’espèce humaine, l’être le plus sacré des œuvres de l’Architecte suprême. La bonne conscience est témoin de cette teigne que monsieur le Président traîne comme un marmiton et sa cuisine: le crime de sang, la dévaluation du caractère sacré de l’être humain de père en fils.


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La désacralisation de la vie humaine

Tout comme le colon à son arrivée, tout a commencé par un systématique lavage des cerveaux au Togo. Les pédagogues estiment à juste mot que « la meilleure façon d’apprendre c’est la répétition ». La répétition des crimes a banalisé le crime et celui-ci finit par rentrer dans l’inconscient du Togolais ordinaire. Le vice ne s’affiche plus par accident pour disparaître, c’est pour remplacer les vertus tout comme le colon blanc est venu remplacer de ses habitudes le mode de vie des Africains. Rien de surprenant en fait. Le colon dès qu’il a déposé ses bagages en Afrique s’est moqué de nos langues et on a adopté ses langues, il s’est moqué de notre religion et on a embrassé son Dieu, il s’est moqué de notre médecine, on a caché nos plantes. Bref, tout ce qu’il a apporté était bon pour remplacer nos habitudes ancestrales. Actuellement, la gouvernance cinquantenaire inonde de ses méthodes la vie de la cité et des Togolais commencent par croire que cette violation systématique du caractère sacré de l’homme, des principes élémentaires de la démocratie, cette gouvernance par l’impunité est aussi une mode de vie.

Dans la nuit du 03 au 04 mai dernier, le corps sans vie du chef du 1er Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) a été découvert dans son bureau dans le camp qu’il commande. Un chef corps d’une armée d’élite, abattu de sang froid dans son bureau, dans l’enceinte de sa garnison, par une nuit sous couvre-feu, dans un pays qui n’est pas en guerre, un pays qui se vante d’avoir pu au moins préserver la paix même si tout ressemble à un échec. Le Togo est vraiment un pays de toutes les expériences. Notre Rédaction saisit ici l’occasion pour s’incliner sur la mémoire de l’officier, que ses œuvres l’accompagnent. Pour faire toute la lumière sur «cet assassinat», il est mis en place une commission d’enquête à travers « l’arrêté N°001/PR/20 du 08/05/20 portant création d’une commission spéciale d’enquête administrative et de commandement pour élucider les circonstances de la mort tragique en service du colonel MADJOULBA Bitala ». Elle se compose de 9 personnes : le Gal Yark DAMEHANE, le Col MASSINA Yotrofeï, le lieutenant-colonel OKPAOUL Yaovi, le commissaire principal BOLENGA M., le Chef d’Escadron HODIN E., le Colonel MADJOULBA Calixte, le Col AKPOVY Guy, le Lieutenant-colonel Kadanga N., le commandant BOUE B. De sources bien introduites, le souci de faire la lumière sur cette nébuleuse est tellement fort que, à cette commission, trois Français, deux Israéliens et deux Ghanéens, tous experts en la matière ont été adjoints. Un délai de deux semaines a été donné pour que les conclusions des travaux soient prêtes. De nos sources, le travail est bel et bien achevé et les conclusions sont déposées sur la table du citoyen le plus Faure des Togolais. A la tête de cette commission se trouve le Gal Yark Damehame, ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Son mandat qui est de résoudre à tout prix ce qui est arrivé à l’officier de la BIR dans la nuit du 03 au 04 mai est donc achevé. La première partie d’une évidence que la monarchie veut présenter comme une énigme est résolue. Mais au Togo, une chose est de mettre les moyens pour faire ressortir une vérité, l’autre chose est d’en faire usage utile. Quand des individus proches du pouvoir de Lomé II, pour ne pas dire le régime lui-même, ont brûlé les marchés de Lomé et de Kara, des experts français y ont vendu leur savoir-faire pour que la vérité soit, et elle fut. Mais Jusqu’ici, les Togolais n’ont pu avoir droit à la transparence sur ce crime économique du siècle. La seule chose que la dictature a pu faire est de piocher à coup de liasses dans les présumés coupables, à l’époque inquiétés, arrêtés ou inculpés pour une présumée responsabilité des incendies. Présentement, eu égard à la mort de l’officier supérieur, la vérité est là au nez et à la barbe de Faure. Une vérité forcément encombrante dont on ne sait quoi faire. A cette vérité s’ajoute un cadavre que M. Kodjo Faure ne peut pas éternellement garder au froid. Avec ou sans la vérité sur les motivations du crime, il faut bien que la famille du défunt fasse quand même le deuil afin d’éviter qu’un membre soit assassiné deux fois s’il ne l’est pas déjà. Bien évidemment, au Togo, si la dictature a habitué les citoyens aux assassinats, les cadavres se suivent mais ne se ressemblent pas. Le régime, coupable ou non de la mort de l’officier, a peur de remettre son corps à Siou. Pour une dictature assise sur des crimes, Madjoulba ne sera pas le premier cadavre encombrant, peut-être c’est un de trop. « Tel père, tel fils », les cadavres encombrants, le régime en a eu à remplir les coffres des morgues. Ce crime et la gestion qui se fait du corps de la victime nous rappel bien d’autres. Le pouvoir est au soir de sa longévité. Fidèle à la loi de la nature, il veut finir tel qu’il a commencé. Témoins de l’histoire, les recherches qu’impose notre métier nous ont renseignés sur des pages sombres de la criminalité politique dont le régime est coutumier. L’histoire nous renseigne donc sur les conditions d’inhumation de feu Antoine Mayatchi, illustre homme politique. Nous sommes trop peu renseignés pour parler de ses qualités de politique. Le peu que nous avions pu racoler informe qu’il fut, à son époque, l’un des pions du pouvoir embryonnaire d’Eyadema. Il est arrêté officiellement soi-disant qu’il fait partie des deux cadres étatiques qui ont lancé la commande des silos de Togograin. Toutefois, l’aspect le plus sombre de ses démêlés avec le Baobab est que ce dernier flirtait avec la femme de Mayatchi. Il faut rappeler que les silos implantés au Togo dans le cadre du projet Togograin ont été des silos fabriqués pour les zones froides alors qu’il nous fallait des silos propres aux zones chaudes. Sur ce motif, il est détenu dans le bagne de Mango. Une nuit, il reçut trois sbires : l’officier-préfet Yoma Djouwa de Mango et deux autres dépêchés de Lomé. De nuit, le trio lui roua de coups jusqu’à ce que mort s’en suive entre des cris impuissants sous l’oreille médusée des codétenus des cellules voisines dont certains sont encore vivants. Le corps famélique et décoiffé de chair et achevé par les coups est encastré dans un cercueil et remis aux parents à Sokodé. Comme si cette humiliation et cette méchanceté ne suffisait pas, personne de la famille ne devait ouvrir le cercueil, moins encore chercher à voir le corps. Accompagné de soldats, il devait être mis sous-sol illico presto loin des regards sous bonne escorte. Ainsi on s’est débarrassé d’un collaborateur devenu adversaire. Aujourd’hui c’est l’affaire Madjoulba. Plus ça dure, plus le débat s’estompe sur le corps de l’officier assassiné. Pour ceux qui ont appris à connaître le régime en place dans ses pratiques, que demain des informations commencent par fuiter sur une certaine inhumation déjà faite loin des regards ne surprendra qu’un citoyen naïf. Pour le grand Siou, ce sera une deuxième mort d’un « digne fils ». De toute évidence, ceux qui gardent en mémoire le répertoire des crimes de la dictature togolaise ne seront aucunement surpris. Les lecteurs les plus curieux et qui sont habitués à nos colonnes peuvent se demander si le “Rendez-Vous’’ est en train d’utiliser les symboles de l’histoire pour donner une information vivante, suivez le regard. En tout cas, personne n’utilisera notre bouche pour manger le piment, à chacun sa conjecture, le temps seul détient le scoop. Si sa tendre Mère et sa sœur, à un jour d’intervalle, ont été inhumé à Siou, il est difficile de dire à l’heure actuelle si l’ex-chef corps de la BIR aura la chance un jour de connaître un deuil digne de son rang ou bien il est déjà déposé nuitamment dans l’anonymat le plus muet dans un coin de son village sous la cécité noire de la nuit loin des regards de ceux qui attendent pour utiliser son corps contre ses assassins. Question pour un champion.

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Une chose est certaine, le défunt officier ne s’est pas donné la mort, il n’est non plus mort de mort naturelle, quelqu’une ou quelqu’un a dû jouer un rôle pour que son séjour terrestre prenne fin cette nuit-là. Ce diable à la gâchette facile est désormais connu de Faure Gnassingbé depuis que le rapport est déposé sur sa table. La grosse inconnue est quel sort va-t-il réserver audit criminel qui a fait tomber le mythe d’un Togo pays de PAY?

Monsieur Faure Gnassingbé sait bien que protéger de tels criminels sous quelque raison que ce soit, c’est une question de vie ou de mort entre lui-même et ses protégés. L’impunité à ce stade de la criminalité, c’est fabriquer les Yoma Djouwa de la République. Inutile de vous rappeler que feu Eyadema a protégé Narcisse Yoma Djouwa jusqu’au jour où il s’est rendu compte qu’un chien mal dressé est aussi une menace pour son maître. Dès la survenu de cet crime, nombreux sont les Togolais qui ont pensé à un crime d’Etat. Un crime d’Etat, ça se gère par des raisons d’Etat. Toutefois, de la façon dont monsieur le Président va gérer la vérité autour de cet assassinat dépendra sa complicité ou son innocence vis-à-vis du regretté Bitala Madjoulba. De toutes les manières, de la transparence dépendra l’idée que le Togolais se fera du degré de désacralisation de la vie humaine dans son pays.

Fonctionnaliser la justice militaire ?

Dans le chaud contexte de la mort de Madjoulba et des tueries en cascades par des militaires, et à la lumière de documents confidentiels que l’œil de ‘’ Le Rendez-vous’’ a pu dévorer, du travail se fait pour, dit-on, « fonctionnaliser la justice militaire ». A la lecture de la loi N° 2016-008 du 21 avril 2016 portant nouveau code de justice militaire, les juridictions militaires ont refait surface avec un domaine de compétence matériel large qui voudrait qu’en toute circonstance, les compétences des juridictions militaires soient écartées au profit des juridictions de droits commun afin de mener à bien les enquêtes sur les violations graves de droits de l’homme et ne doit concerner exclusivement que les infractions strictement militaires. Dans la veine de cette loi, les juridictions militaires, tribunaux militaires et cours d’appel militaires ont pour compétence de rendre la justice militaire sous contrôle de la cour suprême du Togo. C’est juridictions étant toujours embryonnaires, un vide juridique assimilable à une quottions du crime par les gouvernants subsiste et donne carte blanche aux corps habillés sur la vie des citoyens. Pour pallier à ce vide, l’article 208 du nouveau code de justice militaire permet une solution provisoire à l’effectivité des juridictions militaires. L’article dispose que : « en attendant la mise en place des juridictions militaires, la justice militaire est rendue par : le tribunal de première instance de première classe de Lomé avec la participation effective des magistrats militaires nommés aux fonctions qui leur sont dévolues ; la cour d’appel de Lomé à laquelle sont dévolues toutes les attributions et prérogatives de la cour d’appel militaire ». Il va donc sans dire que ces cours feront office de juridictions militaires jusqu’à nouvelle ordre, ceci face à la répétition loisible de crimes commis des mains des corps habillés. Il est prévu à cette fin la nomination de magistrats professionnels militaires qui officieront à la fonction de Ministère public et d’instruction. Suivra la nomination des juges militaires, la nomination des greffiers militaires de la police judiciaires militaire. Il faut dire que le Togo dispose depuis des années de magistrats professionnels militaires nantis de diplômes de magistrat et d’autres hommes de droits militaires dans différents échelons de la justice. Sous le corps chaud de Bitala Madjoulba, en préparation pour juger ses criminels, du travail a été fait pour que fonctionne donc la justice militaire. Mais au Togo, entre les discours et les actes, c’est le parcours de Magellan. Les crimes sont encore en territoire conquis, la mort est banalisée et la vie humaine désacralisée.

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Oh scandale, oh assassin, oh crime !!!

Sur le Terrain des crimes, le Togo a déjà tout essayé. Le crime qui surprend le plus est le crime plus récent. Il fait jaser le temps de la surprise et des commentaires. Passé ce temps, le mal revient et répète dans son atrocité sous la protection d’un garde du corps féroce : l’impunité. En attendant une prochaine cible, le dernier crime que l’actualité a d’ailleurs commencé par oublier est donc celui de Madjoulba Bitala. Mais on se demande s’il n’avait pas eu pire avec le père. Dans une monarchie, on ne remplace pas les méthodes qui gagnent. « Jamais deux sans trois ». 25 mars 1993, nous étions encore sur les bancs quand un matin sous le drapeau, au camp RIT de Lomé, contrairement au cas Madjoulba où le diable a mis à profit une nuit profonde pour accéder au bureau de sa victime, le col TEPE Eugène a été lynché comme un voleur surpris par le jour sur le lieu d’une forfaiture. Paul TEPE, Kofi TEPE, Robert TEPE, membres de sa famille, feront les frais aux côtés du Général Mawulikplimi AMEYI et de l’aide du camp d’Eyadema le colonel AKPO Gnandi sans oublier la purge qui a suivi en exécutions extrajudiciaires d’au moins une vingtaine de corps habillés d’après les documentations d’Amnesty International. Si ceux qui ont arrosé de balles feu Gal Ameyi le prenaient, à tort, pour un complice de son neveu Tépé alors que c’est bien lui qui a vendu la mèche à Eyadema pour lui permettre de se sauver du mauvais endroit au mauvais moment, il est attribué au colonel TEPE une connivence avec l’attaque du camp RIT. Si cette connivence se confirme, n’existe-t-il pas une disposition civilisée qui punit un officier faillible ou de mèche avec l’adversaire? Hier, c’était TEPE, dans un camp, aujourd’hui c’est Madjoulba dans un autre camp sous le même régime aux mains de la même fratrie. Les crimes sont analogues par l’absence de la vérité sur les motifs, les auteurs et le sort réservé aux dépouilles. L’impunité règne en maître, les familles doivent prendre leur mal en patience si elles veulent faire le deuil.

Le jeune IDRISSOU Moufidou, un autre cadavre encombrant

Les crimes se suivent et se ressemblent dans leur gestion. Depuis le 19 août 2017, les crimes se sont multipliés, mais entre autres celui aussi qui a beaucoup fait couler encre et salive, il y avait l’assassinat du jeune IDRISSOU Moufidou originaire de Gandè dans la préfecture d’Assoli. Le crime était unique par le mode d’emploi, le type de victime choisi et le lieu de l’assassinat. Comme dans une partie de Safari, c’est en plein soleil au cœur de la capitale qu’un officier de l’armée togolaise s’est exercé à atteindre mortellement le jeune Moufidou par une arme à lunette. Sur son lieu de travail, l’enfant a été abattu en plein jour. Sans doute par un élément de cette race qui a le droit de vie ou de mort sur les citoyens Togolais et qui peuvent se payer le luxe de faire des enlèvements même en garnison. Pour le moment, aucune certitude n’est faite sur l’auteur de cet assassinat survenu il y a deux ans. Les témoignages ont attribué ce crime du jeune innocent au chef d’Etat-major actuel KADAGA qui a rejeté l’accusation. Même les jérémiades du Gal Yark pour entretenir un flou ont du mal à couvrir le crime et son auteur. La section togolaise d’Amnesty international s’y est invitée. Entre autopsie du corps, responsabilité du crime et volonté de vite faire disparaître les traces, un bras de faire est né entre les autorités togolaises et la branche togolaise d’Amnesty qui défend la cause de la famille. Le cadavre du jeune mécanicien de 11 ans est oublié à la morgue de Tsévié depuis que la famille a refusé de venir procéder à l’enterrement en catimini comme l’ont voulu ceux qui ont intérêt à faire disparaître les traces. Amnesty qui est habituée au bras de fer de ce genre avec la dictature conditionne l’enlèvement du corps par la famille à la reconnaissance du crime par l’officier mis en cause qui continue par se battre contre les témoignages ronflants. Depuis, en toute violation des principes de l’islam qui enterre dès la survenue du décès, la famille n’a pas pu faire le deuil de son fils. Mais plus ça dure, plus on se demande si, habitué à tuer deux fois leurs victimes, les assassins de la République ont envie, là encore, d’enterrer par la faveur d’une nuit, le corps de feu Moufidou dans un coin du village de Gandé sans informer sa famille comme il le fait quand bon lui semble. SOS, il est grand temps que le régime se prononce sur le crime du jeune homme et que le corps ait droit à une sépulture. Voilà encore une banalisation de la vie humaine. Après avoir tué, ils estiment que le sort à réserver aux dépouilles dépend toujours du bon vouloir des bourreaux.

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C’est dans ça que lutte un peuple debout

Quand le vent du 19 août 2017 a soufflé au Togo, les éléments du camp BIR, Brigade d’Intervention Rapide, de Lomé étaient en bonne place parmi les bourreaux qui jetaient leur dévolue sur des manifestants à mains nues. Même s’ils ne sont pas assez rapides pour mettre la main sur les criminels qui visitent les bureaux de leurs premiers responsables, ils étaient ultra rapides pour prêter mains fortes aux policiers et gendarmes au temps forts des manifestations. C’est bien le défunt Madjoulba qui trônait à la tête de ce camp à l’époque. Nous vous publions un témoignage qui avançait que quand certaines forces de l’ordre conduisent les manifestants dans les brousses et autres lieux de torture, les scènes d’exactions étaient filmées pour assurer les maîtres bourreaux du fond de leurs bureaux, que les chiens lâchés contre les manifestants jouent sévèrement leur rôle. A l’époque, l’on pensait que la mort pour un délit d’opinion, c’était seulement pour les autres. Personne ne pensait que même les murs des garnisons étaient lézardés et que ça pouvait arriver partout même dans les Brigades d’Intervention, quelque rapides soient-elles. Pour quel motif l’assassinat de Madjoulba a-t-il été perpétré ? Personne ne le saura jamais. Les proches de la victime diront qu’il n’est plus sur la même longueur d’onde que la dictature même si certains estiment, à raison d’ailleurs, que c’est trop facile comme réponse si on sait qu’il n’est pas donner à n’importe qui d’accéder à un aussi haut niveau de commandement. Bref, si après avoir accédé à tous ces échelons, quelqu’un a pu diriger un camp comme la BIR pendant au moins six ans, c’est qu’il est un fidèle des fidèles, les mauvaises langues diront un zélé des zélés. Dire qu’une telle personnalité tombe aussi facilement et que la vérité peine à pointer le nez, c’est que le Togo a une spécificité. Décidément, on peut se permettre de dire que dans les monarchies, lorsque le trône est menacé, la cour ne reconnait plus ses princes, tout le monde peut être immolé. Oui, si la lumière n’est pas faite et que le crime de Bitala n’est pas puni, c’est que le Monsieur a été immolé pour que survive le régime. Le Togo est risqué pour tout le monde. Quand nous avion commencé ce dossier, on s’est d’abord dit « de quoi on se mêle ». Mais il faut que l’opinion sache ce qui se passe dans l’armée pour savoir ce que vit le Togolais lambda, vous et nous. Il faut posséder certaines réalités pour être convaincus que le Togolais revient réellement de loin. Même s’il en a qui ont traversé des guerres civiles, de toute l’Afrique, nous parions que les citoyens d’aucun pays n’ont été autant martyrisés, brimés, trichés et des vies humaines banalisées comme au Togo.

Pour s’autoriser une tautologie, afin que s’éternise le règne du père en fils, l’armée est et reste le bras armée contre les Togolais. A la lumière des informations à notre possession, nous pouvons dire sans risque que le crime contre Madjoulba est en train d’être passé par perte et profit, le crime prend le boulevard du silence comme beaucoup d’autres avant lui. D’abord dès l’assassinat de l’officier, des morts suspects d’éléments habillés se sont multipliés. De nos sources, il y a même des désertions dans le rang de ceux qui se savent avoir occupé des positionnements qui peuvent faire d’eux des témoins encombrants de prêt ou de loin cette nuit des longs couteaux. Ôter la vie à un être humain est devenu banal, quand pour couvrir un crime, les criminels se paient le luxe d’être une menace aux témoins gênants, c’est que le mal a poussé les racines et il est en territoire conquis. Les conclusions de la prétendue enquête risquent d’attendre longtemps même si les faits parlent d’eux-mêmes. Par souci de préserver le pouvoir, le régime a tellement multiplié les crimes de sang que la vie humaine n’est plus sacrée. Plus on s’enlise dans les crimes d’Etat et assassinats, plus le citoyen non avisé, et Dieu sait qu’ils sont nombreux, est porté à croire qu’il existe effectivement une catégorie de Togolais qui a un droit de vie ou de mort sur une autre catégorie.

A peine deux mois de couvre-feu ont suffi aux forces de l’ordre pour faire plus de morts que la crise sanitaire elle-même. En tout cas, dans la période couverte par cette mesure sécuritaire appelée couvre-feu, si les morts du covid-19 a ralenti, les bavures militaires ont multiplié les cadavres. Les exemples, on peut en avoir à loisir.

La mort par des corps habillés à Adakpamè de feu Dodji. Le corps de ce jeune homme est retrouvé sans vie avec un œil fauché. Les corps habillés sont passés par là. Une enquête est ouverte, la famille et l’opinion attendent la fumée blanche du ministre de la sécurité.

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Les circonstances de la mort du jeune Mohamed, un jeudi 21 mai 2020, à Avédji sun city. Mauvaise conduite ou manœuvre sans avertissement, le regretté Mohamed n’est plus en vie pour répondre. Nous ne voulons pas savoir quelle était cette infraction qui vaut la vie à un débrouillard père de deux enfants. Le jeune est pris en sandwich. Dans les échanges, les soldats n’ont trouvé mieux que de sortir les cordelettes, pire, un couteau pour menacer la victime. Le comble, l’un d’eux tire à bout portant sur le pauvre qui est abandonné dans une mare de sang. Qu’est-ce qui peut justifier que trois soldats soient obligés de se servir de coutelas et cordelettes, pire d’une arme à feu, contre un civil lors de ce qui est un banal contrôle de routine si ce n’est la banalisation de la vie humaine ?

Quand, à Avepozo, la périphérie Sud de Lomé, une femme à terme s’obligée à courir au point de faire une chute fatale parce que des militaires arrivent, c’est que les militaires ont pu banaliser la mort au point où leur présence est synonyme d’insécurité publique.

Avoir la gâchette facile contre les civils est devenu un signe de virilité militaire, le permis de tuer est la tenue kaki, l’arme, la ceinture et le couteau sont des jouets contre les citoyens au gré de l’humeur du corps habillé. Au Togo, la dictature après avoir tout essayé a fini par arriver à la conclusion qu’il faut martyriser le peuple pour l’obliger à se taire devant les travers d’une gouvernance à vue. Plus on les fatigue, plus on les exile, plus on les tue, moins ils vont parler, moins ils vont contester, moins ils vont s’agiter. Quelques assoiffés de liberté qu’elle soit, plus elle végètera dans le martyre, plus la population s’affaiblira et elle n’aura plus confiance en elle-même et se trouvera incapable de résister. Mais au Togo, la lame qui sert à coiffer le militaire est la même qui sert à coiffer le civil. Ce dernier crime dans un camp est la preuve que ce qui se dit de la purge militaire dans les camps au gré des moments n’est pas un conte de fée. Autant on vise à planter une peur panique dans les civils, autant on projette la même chose dans l’armée. L’objectif visé est que le togolais, civile ou militaire, ait trop peur de partager sa haine contre la dictature et sa soif de liberté. D’où il faut tuer le plus possible et le plus souvent que l’occasion s’y prête afin d’obtenir une population terrifiée à l’idée même de résistance populaire. Mais la dictature oublie que tout peuple est toujours ce qu’il cache. Le racisme a eu la peau dure aux USA, il remonte des premiers jours de la découverte de ce continent. Les suprématistes blancs se croient tout autorisé au point où ils peuvent tuer en live au nom de la race. Le dernier crime contre Georges Floyd n’avait rien d’inédit s’il n’avait pas eu l’occasion d’être filmé. La mort de cet Afro-Américain avait été vécu en direct, une vieille pratique a eu enfin l’occasion d’être filmée. La suite, tout le monde la connait.

Le crime a eu l’occasion d’être filmé au Togo

Même dans les camps, le crime se vit en live, pour autant cela ne signifie pas que les victimes sont abêties par le criminel. Depuis l’épisode de la CEDEAO, le Togolais savent désormais qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Dans les grands ensembles territoriaux, il faut toujours une terre de non droit pour expérimenter les vices. Le Togo y joue ce rôle au grand avantage des autres pays de la CEDEAO voire de l’Afrique. Personne n’a intérêt à voir le Togo devenir un territoire normal. Il faut bien que cette bande de terre soit dirigée par le grand banditisme, les trafics, la corruption, le crime afin qu’elle serve de transit pour la drogue et autres pratiques répréhensibles. Il vous souvient que ces derniers moments, toutes les saisies record de cocaïne dans le monde ont un lien avec le Togo. Il faut bien que notre pays soit une terre d’incertitude pour que sa Mer en eaux profondes continue par servir aux mélanges toxiques, aux transbordements les plus incestueux. Le Togo doit demeurer ce qu’il est pour continuer à être la porte d’entrée de tous les vices sur le continent noir. Ni l’Amérique qui se montre avant-gardiste dans le combat contre les différentes drogues, ni la France qui bombe le torse contre le terrorisme, moins encore les chefs d’Etat de la CEDEAO qui étaient devenus les transporteurs de mallettes dans la crise togolaise, aucun partenaire n’a intérêt à normaliser le Togo moins encore le voir décoller. Inutile de vous rappeler que pour corrompre une race d’opposants togolais et les autres acteurs de la récente crise, les voisins ont donné la preuve que notre pays est un orphelinat pour la sous-région.

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A partir du moment où la dictature a eu la garantie que la communauté internationale peut se taire sur ses dérives, elle est rentrée dans une logique de politique de la terreur institutionnalisée. Elle cultive alors le crime à grande échelle. Elle est prête à aller jusqu’au bout contre tout ce qui, civile ou militaire, peut se mettre en travers de sa longévité. C’est ainsi que ces derniers moments, Faure et ses affidés ont versé leur dévolu sur les zones à forte contestation et la purge militaire. Ce qui a été expérimenté sur les populations de Sokodé, Bafilo et Mango s’apparente assez trop à une extermination, un génocide subtil contre un groupe ethnico-religieux sans que cela n’émeuve personne. La mort d’homme sous la main des militaires formés à la tâche y était devenue banale. Les séances de bastonnades des Togolais qui occupent ces régions du pays sont devenues une discipline dans la formation militaire. Sokodé, Bafilo et Mango sont des centres de stage de perfectionnement de la torture. On dirait qu’il existe désormais un corps de l’armée formé à la bastonnade. Les bourreaux qui passent les populations à taba, qui tuent, violent et exilent les populations ne sont pas forcément ces militaires qu’on voit le jour. Souvent cagoulés en noir, ils se déplacent d’une ville martyre à l’autre au gré des besoins et se reposent dans les camps le jour après la chasse nocturne contre les femmes, les hommes, les enfants, vieux et vieillards. Leur fougue du mal n’épargne aucun être et « si quelqu’un est incapable de bastonner un enfant, un vieillard, un malade ou de voir un être humain mourir, il ne devrait pas appartenir au commando ». Les moyens militaires contre une population aux mains nues obligée d’être en exil dans son pays natal : telle est la réponse à une soif de liberté. Ce qui s’est passé à Sokodé, Bafilo et Mango était un génocide à huis clos. Ces régions étaient des zones où il était devenu fréquent de découvrir des corps méconnaissables en décomposition dans les brousses périphériques parce que la colère militaire est passée par là sans que l’autorité en fasse un écho. Les dégâts humains sont grands. La vie de l’homme, en attendant un mot plus dur, a été « désacralisée ».

Abi-Alfa

Source : Le Rendez-Vous No.350 du 29 juin 2020

Source : Togoweb.net