Trente fois plus petit en taille mais égal au Québec en matière de population, le Togo secoue l’Ouest africain depuis l’été. Des milliers de Togolais, soutenus par 14 partis d’opposition, descendent régulièrement dans les rues et leur ras-le-bol ne s’essouffle pas. L’étau se resserre sur le président Faure Gnassingbé.
Ancienne colonie française prise en sandwich entre le Ghana et le Bénin, le Togo est passé des mains de l’Hexagone à celles du général Gnassingbé Eyadema – feu le père de l’actuel président – à la suite du coup d’État de 1963. «Une monarchie qui s’ignore» : c’est ainsi qu’on décrit le règne d’un demi-siècle des Gnassingbé.
En 1990, les Togolais ont pris les rues de la capitale, Lomé, pour protester contre la dictature. Le soulèvement s’est soldé par l’adoption, en 1992, d’une nouvelle constitution porteuse d’espoir.
Or, la Constitution a été modifiée pour permettre à la dynastie Gnassingbé de poursuivre son règne. L’ONU rapporte que la passation du pouvoir du père au fils, en 2005, a coûté la vie à plus de 500 Togolais. L’année suivante, un nouvel accord politique a été signé pour rétablir le calme, mais les promesses sont une fois de plus restées lettre morte.
La nouvelle jeunesse, fille de celle qui s’est enflammée en 1990, brandit donc à son tour un poing protestataire. Cette fois, la révolte ne se limite pas à Lomé : c’est le pays tout entier qui se soulève et résiste.
Les Togolais revendiquent l’application de la Constitution de 1992: des élections multipartites, une limite de deux mandats pour les élus et un scrutin à deux tours. Pour plusieurs, son effet doit être rétroactif, de manière à empêcher Gnassingbé de se présenter en 2020 et en 2025, pour un quatrième, voire un cinquième mandat.
Après un long silence, voyant que la révolte ne s’évanouirait pas d’elle-même, le président a promis, en novembre, des mesures d’apaisement. Outre la libération de 40 prisonniers politiques, il s’est engagé à ouvrir le dialogue avec les oppositions.
Pour Jean-Pierre Fabre, chef de l’Alliance nationale pour le changement, le pouvoir du président est illégitime et seule l’annonce de son départ pourrait permettre un dialogue. Mais c’est une exigence que le parti au pouvoir juge excessive.
L’Union européenne, l’Union africaine et les ambassades américaine, française et allemande ont «accueilli positivement» les mesures d’apaisement et incité les Togolais à «demeurer pacifiques». Une incitation reçue comme l’outrage qui s’ajoute à l’injure, alors que la population dénonce la répression menée par les forces de l’État, celui-ci l’accusant de flirter avec le terrorisme.
Les voisins du Togo craignent qu’une crise sociopolitique ne nuise à la stabilité de la région. Comble de l’ironie, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO), censée intervenir dans de tels cas, a pour président… Faure Gnassingbé.
Les foyers d’incendie se multiplient d’ailleurs sur tout le continent, notamment au Zimbabwe, où Robert Mugabe vient d’être déraciné après 37 ans au pouvoir. Feu de Bengale de l’Ouest, le Togo continue donc de s’enfiévrer et refuse de se laisser engourdir par des promesses.
Manal Drissi
Source : Journal Metro (Canada)
27Avril.com