La Belgique s’excuse auprès des enfants métis de la colonisation

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Au nom du gouvernement belge, le Premier ministre Charles Michel a présenté, jeudi 4 avril, ses excuses aux enfants métis nés pendant la colonisation d’un père belge et d’une mère africaine. L’Eglise catholique belge avait fait de même en avril 2017. Certains de ces enfants ont été arrachés à leur famille et envoyés en Belgique où ils ont été considérés comme des étrangers. Une histoire méconnue, une « affaire d’Etat » pour certains.

Le gouvernement belge présente ses excuses. « Je reconnais la ségrégation ciblée dont les métis ont été victimes sous l’administration coloniale du Congo belge et du Rwanda-Urundi jusqu’en 1962 et suite à la décolonisation, ainsi que la politique d’enlèvements forcés y afférente. Au nom du gouvernement fédéral, je présente mes excuses aux métis issus de la colonisation belge et à leurs familles pour les injustices et les souffrances qu’ils ont subies. » Voici ce qu’a déclaré, jeudi 4 avril, devant la Chambre des députés, le Premier ministre belge Charles Michel.

Il a aussi reconnu que « la discrimination des métis a longtemps été dure », évoquant la souffrance vécue par ces enfants : «L’abandon émotionnel vécu durant l’enfance, le déracinement, les difficultés de l’ordre administratif et la nécessité d’assumer une double identité sans connaître ses origines ont sans aucun doute constitué un défi quotidien et une réelle souffrance.»

L’Eglise s’excuse

Mardi 25 avril 2017, l’Eglise catholique belge faisait un premier pas vers la reconnaissance de ces enfants. Elle présentait ses excuses aux enfants métis issus de la colonisation « pour la manière dont ils ont été traités par les ordres et les institutions catholiques », indique l’agence Belga qui rapporte les propos de l’évêque d’Anvers Johann Bonny à un colloque au Sénat sur la question métisse.

En mars 2018, la Chambre des députés adopte une résolution qui reconnaît la ségrégation dont les métis ont été victimes dans les colonies belges en Afrique, au Congo, au Rwanda et au Burundi particulièrement. Assumani Budagwa réagissait à cette occasion sur le plateau de TV5MONDE :

20 000 enfants métis
Ces enfants sont nés pendant la colonisation belge en Afrique. Ils étaient le fruit d’une union entre un père belge et une mère congolaise, rwandaise ou burundaise : 20 000 enfants seraient concernés. Nombre d’entre eux n’ont pas été reconnus par leurs pères belges à l’époque et envoyés dans des institutions religieuses comme le pensionnat des Soeurs à Save au Rwanda.

C’est le cas de Jeannot Cardinal, métis, qui a grandi en Belgique :  » Dans les documents que j’ai retrouvés il y a cinq ans, il y a deux documents que maman a signés de son pouce, parce qu’elle ne savait ni lire ni écrire. Le premier disait qu’elle était d’accord que je fasse des études en Belgique. Le deuxième, que je pouvais être adopté en Belgique. J’imagine qu’elle ne savait pas ce qu’elle signait ».

Une « affaire d’Etat »
Il s’est confié à Assumani Budagwa qui a enquêté sur cette page méconnue de l’histoire belge, « cette affaire d’Etat » comme il l’expliquait sur le plateau de TV5MONDE (voir la vidéo ci-dessus). Il en a fait un livre « Noirs, blancs, métis: La Belgique et la ségrégation des Métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi (1908-1960) ».

Lire des extraits de l’ouvrage.

A l’approche de l’indépendance, dans les années 1950, certains enfants métis ont même été arrachés à leur mère et envoyés en Belgique sans leur consentement. Le début d’un calvaire pour ces enfants vus comme des étrangers et victimes d’un déracinement total. Le gouvernement belge veut mettre de côté le « danger » que ces enfants représentaient, explique l’auteur Assumani Budagwa : « La plupart des puissances coloniales considèrent le métissage comme étant une menace aux intérêts coloniaux. Plus particulièrement, les métis sont considérés comme des dangers parce qu’il y a une ascendance européenne et une goutte de sang blanc. Cumulant disait-on, les tares des deux races, ils pouvaient être les ferments de la révolte. »

Retrouver ses parents en Afrique

Jeannot Cardinal n’est ainsi revenu au Rwanda qu’à 62 ans: « Et ce n’est qu’en 2009 que j’ai découvert qui j’étais vraiment. Je suis retourné sur la colline où je suis né, au Rwanda. Et là, des vieux m’ont raconté mon histoire. Mon père était un entrepreneur belge. Il vivait au Rwanda avec son épouse, une Française, avec qui il avait déjà un enfant. Puis mon père a rencontré ma mère, une Rwandaise. Je pense qu’elle travaillait pour lui. Ensemble, ils ont eu trois enfants. Je suis le cadet. Mon père est mort, peu de temps après ma naissance, et du coup, sa première épouse a repris le pouvoir dans la maison et nous a mis maman et moi dehors. »

L’association Métis de Belgique demande aujourd’hui à l’Etat belge de reconnaître ces enlèvements forcés ainsi que la discrimination dont ces enfants métis ont souffert.

En ce mois d’avril 2017, l’Eglise a enfin accepté d’ouvrir ses archives : « Les évêques ont appelé les institutions catholiques de Belgique, d’Afrique et de Rome à mettre toute documentation en leur possession sur les métis à disposition, afin de permettre à ces personnes de retrouver des parents en Afrique », rapportent nos confrères de l’agence Belga. L’histoire de ces enfants métis reste à écrire.

Source : www.cameroonweb.com