La justice est utilisée par certains magistrats à des fins lucratives. Ce n’est plus un secret. Seulement, il existe des limites à ne pas franchir, surtout lorsqu’il est question non seulement de viol, mais de viol sur une enfant mineure. A Kara, nous avons eu vent d’un cas de viol dont un expatrié s’est rendu coupable. Mais déposé à la prison civile de ladite ville, ce dernier recouvre sa liberté, après avoir graissé des pattes. L’auteur aurait déboursé 2,5 millions FCFA, mais contacté, le juge d’instruction parle de…500.000 FCFA pour « garantie de représentation ». Reste à savoir si des garanties ont été prises pour s’assurer de cette représentation.
Le nouveau Code pénal est sans pitié pour les cas de viol sur mineure, et tous les magistrats le savent, qu’ils soient du Parquet. L’article 215 de la Loi N°2015-10 du 24 novembre 2015 portant nouveau Code pénal est formel: « Lorsque le viol est commis sur une personne particulièrement vulnérable, en raison notamment de sa minorité, son âge avancé, un état de grossesse, une maladie, une infirmité ou une déficience physique ou psychique, l’auteur est puni d’une peine de vingt (20) à trente (30) ans de réclusion criminelle ». Et le législateur n’a pas considéré l’état de santé du violeur.
A Kara, une enfant qui était avec sa mère ou sa parente dans un hôtel où cette dernière travaillait, aurait été violée par un vieux vicieux, le sieur Lembere Erhard Kurts, un Allemand. L’affaire s’est passée en février dernier.
Lorsque nous avons eu vent de l’information, nous avons joint le Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de la ville, Setekpo Virgile en ces termes : « Nous avons appris une affaire de viol de mineure par un Allemand en février et qui serait reparti dans son pays ». Le Procureur nous a rappelé, mais pour nous dire qu’il ne parle pas au téléphone, et que nous devrions-nous déplacer jusque chez lui à Kara si nous voulons en savoir davantage. C’était le 26 avril dernier.
Trois jours plus tard, non satisfait de l’attitude du Procureur qui n’était pas coopératif, nous avons rebondi auprès du juge d’instruction, Komlan Komlanvi. « Excusez-nous de venir à vous par ce moyen, mais un parent d’une enfant violée en février nous a informé que le sieur Lembere Erhard Kurts, le pédophile, a été libéré contre 2,5 millions FCFA sans qu’une instruction ne soit ouverte contre lui. Nous sommes obligés de venir à vous, au nom de la transparence ». Il nous a rappelé de suite pour nous résumer la situation, nous invitant à nous déplacer si possible au cas où nous souhaitons consulter le dossier.
A en croire le juge d’instruction, le violeur souffrirait de maux dont les produits ne seraient pas disponibles sur le marché. Ces produits auraient même été cherchés dans une pharmacie de la capitale, en vain. Et que pour s’assurer qu’il se présentera lors du procès, la justice lui aurait fait verser une caution de représentation de 500.000 FCFA avant de le libérer.
Il est connu que dans les procédures judiciaires, on accorde une liberté provisoire à des prévenus. Mais dans le cas dont il est question, une fillette a vu sa virginité volée par un vieil homme sans scrupule. Et étant un expatrié, le moindre mal serait qu’on rassure l’opinion en exhibant le passeport du violeur comme garantie supplémentaire, ce qui l’empêcherait de fuir vers son pays ou ailleurs.
Le juge d’instruction parle de 500.000 FCFA de caution de représentation, mais nos sources indiquent plutôt un montant de 2.500.000 FCFA. Ce qui serait plus plausible. Pour une bonne raison. Un magistrat nous confiait que la pratique qui veut que des magistrats empochent une certaine somme, mais déclarent une somme inférieure dans les caisses des tribunaux, est monnaie courante. « Je me rappelle que cette année, un substitut a reçu 300.000 FCFA de caution sans délivrer de reçu au parent du prévenu, mais a déclaré 100.000 FCFA au greffe du tribunal. En plus, de par la gravité du délit de viol présumé, il est impensable que seulement 500.000 FCFA soient réclamés ; c’est une des situations dans lesquelles des juges profitent pour se lécher les bras et non les doigts ». Cette possibilité est d’autant plus plausible que même l’association par laquelle l’affaire a éclaté, est devenue brusquement atone et semble ne plus être concernée par ce dossier. Ajouté à la mutité du Procureur de la République, à l’heure de l’accès à l’information, tous les doutes sont permis sur le montant réellement perçu. Autant dire qu’on ne saura peut-être jamais le montant réellement perçu, à moins que l’Inspection générale ne soit mise sur l’affaire, sur instruction du ministre d’une part, et que des immixtions de nature politique ne viennent entraver la procédure.
Nous avons adressé une correspondance à l’Ambassade d’Allemagne et cherché à rencontrer son premier responsable pour savoir si le coupable – étant donné qu’il a avoué les faits – était toujours au Togo. « J’ai appelé pour solliciter un rendez-vous avez son Excellence M. L’Ambassadeur, et il m’a été demandé de décliner l’objet. Nous avons des informations portant sur des mœurs et qui impliquent un de vos compatriotes, Lembere Erhard Kurts. Nous voudrions savoir si l’intéressé est toujours au Togo ou s’il est reparti. Très important svp », avons-nous écrit. Parce que nous estimons que la représentation du pays du violeur, très présente sur les questions de protection des enfants et des droits de l’homme, devait connaître cette affaire et savoir ce qu’un de ses ressortissants a réalisé comme prouesse durant son séjour au Togo. « L’Ambassade d’Allemagne a bien reçu votre E-Mail ci-dessous portant demande de RDV auprès de son Excellence Monsieur l’Ambassadeur d’Allemagne au Togo et vous en remercie. Cependant l’Ambassade d’Allemagne au Togo tient à vous préciser qu’elle n’est pas habilitée à donner des informations, du fait de la protection des données, sur les personnes entrant et sortant du territoire Togolais. Aussi l’Ambassade n’a pas le devoir d’annoncer les entrées et sorties des citoyens allemands. L’Ambassade d’Allemagne au Togo vous propose de vous tourner vers les autorités togolaises, DGDN, par exemple », nous a répondu Aline Kuakuvi, l’assistante. Comme quoi, au nom de la protection des données, on ne peut pas fournir d’informations sur un ressortissant impliqué dans une affaire de mœurs.
Le viol d’enfant est un phénomène que dame Suzanne Aho, épouse Assouma et Adjointe au maire de la ville de Lomé aurait fait le serment de combattre de toutes ses forces pour le compte des Nations-Unies. Mais voilà que ceux qui devraient l’aider à enrayer ce fléau cautionnent le mal contre… Se posera alors la question de l’institution qui devrait se pencher sur ce dossier. Car le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a de moins en moins de côte, étant donné qu’un cas de corruption d’une extrême gravité s’est produit sans qu’il n’ait levé le petit doigt ; simplement parce que c’est le premier responsable qui était le mis en cause. Le ministre Pius Agbétomey pourra-t-il gérer ce cas de viol pour rassurer tous ceux qui veulent encore croire en lui ?
Pour rappel, des juges de ce même tribunal se sont tristement déjà illustrés il y a quelques mois, mais apparemment, la hiérarchie aurait passé par pertes et profits cette autre affaire. Comment quoi, s’il y a une justice universelle, le Togo a aussi sa justice…
Bon à suivre…..
Abbé Faria
Liberté No.2921 du Mercredi 15 Mai 2019
Source : Togoweb.net