Gouvernance: Quand l’alternance pacifique en Afrique devient un piège

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L’Afrique est en proie aux autocrates présidents à vie. Ils font plusieurs décennies au pouvoir et n’envisagent aucune vie au-delà du fauteuil présidentiel.

Du Cameroun au Tchad en passant par la Guinée Equatoriale, le Gabon, le Togo, la Côte d’Ivoire, la Guinée, c’est un véritable drame qui remet littéralement en cause le développement de l’Afrique. Fort heureusement, dans une certaine mesure des éclaircies ont apparu en Angola en 2017 et en Mauritanie en 2019. Mais la gestion d’après de l’alternance négociée dans ces deux pays appelle à des questionnements de fond qui se résument à la problématique des garanties des dictateurs pour passer la main.

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dos Santos et Abdel Aziz face à la justice

Jose Eduardo Dos Santos (78 ans) a dirigé l’Angola d’une main de fer pendant 38 ans et 15 jours soit du 21 septembre 1979 au 25 septembre 2017. Pendant que beaucoup de ses concitoyens pensaient qu’il allait mourir au pouvoir, il avait décidé de ne plus se représenter à la présidentielle de 2017. En lieu et sa place, il a désigné son ministre de la Défense le Général João Lourenço pour l’élection présidentielle du 23 août 2017. Néanmoins il avait souhaité conservé la gestion de son parti le Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola (MPLA) jusqu’en 2022. Même si les Angolais n’ont pas connu l’alternance dans sa plénitude, un autre en dehors de Dos Santos devient le président de leur pays.

Mais très tôt, le départ volontaire du vieux Santos tourne au vinaigre pour son clan. En mars 2018, dos Santos, en lutte quasi-ouverte avec son successeur Lourenço, annonce sans concertation, la tenue d’un congrès du parti entre décembre 2018 et avril 2019. Au cours de ce congrès, dos Santos quittera la présidence du parti et le parti déterminera son prochain chef. Le congrès se déroule finalement le 8 septembre 2018 et Lourenço est élu président du MPLA à 98,59 %. dos Santos ne dispose alors de plus aucun poste politique de poids.

En mars 2018, José Filomeno dos Santos est inculpé de fraude, détournement de fonds, trafic d’influence, blanchiment d’argent et association criminelle mais laissé libre sous contrôle judiciaire. En septembre, il est incarcéré.

Jugé depuis fin 2019, le fils de l’ancien président angolais, José Filomeno dos Santos, écope de cinq ans de prison.

C’est le coup de grâce pour la famille dos Santos. Au terme d’un procès qui a duré plusieurs mois, la justice angolaise l’a condamné, vendredi 14 août dernier. Très attendu, ce jugement illustre la chute de l’ancienne famille présidentielle autant que la volonté de rupture du successeur de dos Santos, João Lourenço.

Ni l’avocat de celui qui est surnommé « Zenu », ni sa famille n’ont réagi dans l’immédiat. La peine est inférieure aux réquisitions du ministère public, qui avait demandé une condamnation d’au moins sept ans.

La demi-sœur de Filomeno, Isabel est aussi passée à la trappe. Joao Lourenço s’est débarrassé sans ménagement de tous les proches de son prédécesseur au nom de la lutte contre la corruption, qui cadenassait l’Etat et ses entreprises publiques. Selon la justice, Isabel dos Santos est soupçonnée, avec son époux d’origine congolaise Sindika Dokolo et leur conseiller financier portugais, Mario da Silva, d’avoir détourné plus d’un milliard de dollars d’argent public.

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Sindika Dokola a dénoncé une « espèce de vendetta ». « On voudrait réécrire l’Histoire, trouver des responsables d’une situation économique difficile. Cela me semble très manipulateur », a-t-il regretté. Jose dos Santos est contraint à l’exil.

En Mauritanie, on assiste à une situation similaire. Le Général Président Mohamed Ould Abel Aziz qui a passé le témoin le 1er août 2019 à son dauphin désigné l’autre Général Mohamed Ould Ghazouani vit de sales jours. L’ancien président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, était toujours en garde-à-vue. Il a été arrêté lundi 17 août dernier en fin d’après-midi par des policiers de la brigade chargée de la répression crimes économiques. Cette arrestation fait suite à la remise à la justice du rapport de la commission d’enquête parlementaire portant sur des crimes économiques durant la décennie passée par l’ancien homme fort de Nouakchott au sommet de l’Etat. Les avocats de Ould Abdel Aziz contestent la légalité de la procédure ayant conduit à son arrestation.

Mohamed Ould Abdel Aziz a été arrêté à la veille d’une conférence de presse qu’il voulait organiser à Nouakchott. Ses proches parlent d’un enlèvement par la police politique. Selon ses avocats, qui l’ont rencontré, il a refusé de répondre aux enquêteurs à la direction de la sureté de l’Etat. Ils enquêtent après la remise d’un rapport parlementaire en janvier dernier à la justice. Un dossier qui concernait la gestion des revenus pétroliers, la vente de domaines de l’État à Nouakchott ou encore la liquidation d’une société publique qui assurait l’approvisionnement en denrées alimentaires.

Me Takioullah Eidda, un de ses avocats, conteste la légalité de l’arrestation de l’ancien président. « Ould Abdel Aziz ne peut être questionné sur tout ce qui touche à sa gestion de président de la République, des affaires de l’Etat, de la chose publique que devant la Haute Cour de Justice et seulement en cas de haute trahison suivant la procédure que cette haute cour fixe », affirme-t-il. Et d’ajouter : « La procédure appliquée à Ould Abdel Aziz actuellement est en dehors de tout ce cadre ».

L’ex-président Aziz avait ignoré début juillet une convocation de la commission parlementaire.

En réponse aux avocats de Ould Abdel Aziz, le Parquet Général a déclaré dans un communiqué que « la procédure de l’enquête ayant abouti à son arrestation est conforme aux lois. »

Toujours dans le cadre de cette enquête, la justice mauritanienne a ordonné le gel des avoirs bancaires de personnalités citées dans le rapport de la commission parlementaire.

Pourtant selon plusieurs voix expertes de la politique en Mauritanie, le passage de relai entre Ould Abdelaziz et Ould Ghazouani est à voir comme la première étape d’un tandémocratie à la Poutine et Medvedev », stratégie réfléchie pour répondre à la contrainte de la constitution actuelle en créant les conditions d’un retour prochain de l’ancien président au plus haut sommet de l’État. Déjà parmi les putschistes d’août 2005, le Général Aziz a également piloté le coup d’Etat du 06 août 2008 avant d’être élu président le 05 août 2019. Malgré tout, il n’est plus libre de tout mouvement.

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Comment éviter le piège dos Santos et Aziz

Les successeurs de dos Santos et Abdel Aziz avaient axé la gouvernance sur la lutte contre la corruption. Et il est presque illusoire que leur prédécesseur soit exempt de ce fléau. Mais il n’en demeure pas moins vrai que sans leur aval, le changement à la tête de l’Angola et de la Mauritanie aussi ne serait possible. Autant, on ne devait passer sous silence la gestion peu orthodoxe sous leur règne, il convient de rappeler que leur sort sert plutôt d’alibi à d’autres dictateurs qui préfèrent mourir au pouvoir. Il faut dès lors traiter leur dossier avec circonspection. Malgré tout, la bonne gouvernance est la meilleure garantie de retraite politique paisible.

Kokou Agbemebio

Source : Le Correcteur


Source : Togoweb.net