Crise dans les hôpitaux publics togolais : vers la fin de la paralysie ?

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Les agents du secteur de la santé poursuivent depuis plusieurs semaines des grèves à répétition au Togo. Pour la première fois depuis le début du mouvement, les syndicats réclament le départ du ministre de la Santé. Malgré quelques mesures mises en place, la situation dans les structures sanitaires publiques se dégrade chaque jour un peu plus.

Alors que le climat politique reste agité au Togo, notamment avec l’appel de la coalition de l’opposition à de nouvelles marches contre le président Faure Gnassingbé, le climat social reste lui aussi fortement perturbé. Depuis près de trois semaines en effet, les agents du secteur de la santé multiplient des grèves à répétition, un mouvement entamé en début d’année et qui concerne également le secteur de l’éducation. À Lomé, l’activité est ainsi paralysée dans plusieurs hôpitaux publics.

Le 26 mars, des dizaines de femmes enceintes avaient manifesté leur colère en bloquant la circulation à hauteur du Centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio de Lomé, plus importante structure sanitaire publique du pays, pour réclamer la satisfaction des doléances des grévistes et un retour à la normale dans les hôpitaux du pays.

Une action qui a eu peu d’écho, puisque la situation semble depuis se durcir. Le 4 avril dernier, une centaine de grévistes ont ainsi manifesté bruyamment devant les locaux du ministère de la Santé pour réclamer la démission du titulaire du portefeuille, le professeur Moustafa Mijiyawa. La crise semble désormais dans l’impasse.

Un groupe de travail mis en place

Pour résoudre « durablement » la crise que traverse le secteur de la santé, le gouvernement a créé ce 4 avril une cellule de réflexion composée de représentants de plusieurs ministères (Santé, Fonction publique et Finances) et des syndicats du personnel hospitalier. Le groupe de travail mis en place par le Premier ministre Komi Sélom Klassou a pour mission de réfléchir et de proposer, d’ici à la fin avril 2018 au plus tard, des solutions aux points suivants : le statut particulier du cadre du personnel médical, paramédical et technique de la santé publique, le personnel du budget autonome, des avantages accordés par l’État pour l’ancienneté et la nécessité de protéger les travailleurs du secteur.

Une initiative qui est loin de convaincre le principal syndicat du secteur de la santé. « Nous savons très bien comment ces commissions fonctionnent. Il existe plusieurs exemples de commissions de la sorte dans le passé, dont les travaux n’ont servi à rien », explique Atchi Walla, secrétaire général du Syndicat des praticiens hospitaliers du Togo (Synphot), organisme notamment à l’origine du mouvement. Le groupe de travail a néanmoins démarré ses travaux vendredi dernier, avec les représentants des syndicats.

On est loin de la grève sèche décrétée il y a deux semaines par les syndicats », témoigne un patient

Dans les différents centres de santé, la situation s’améliore progressivement, sans revenir pour autant à la normale. « On est loin de la grève sèche décrétée il y a deux semaines par les syndicats », témoigne un patient rencontré au CHU Sylvanus Olympio. Si un service minimum est assuré dans les différentes structures sanitaires publiques de la capitale, la crise perdure.

De multiples revendications

Les revendications des grévistes sont diverses et « concernent essentiellement les problèmes liés au personnel », affirme le professeur Atchi Walla, le secrétaire général du Synphot. Si, d’après les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 25 personnels de santé sont nécessaires pour 10 000 habitants, le compte n’y est pas au Togo, selon lui. « Aujourd’hui, avec les effectifs actuels, nous sommes autour de 5 personnels de santé pour 10 000 habitants au Togo », déplore-t-il. Le syndicaliste pointe également les problèmes liés au statut des agents, dont plus de la moitié ne sont pas des fonctionnaires.

Au cours des dix dernières années, le secteur de la santé est celui qui a eu le plus d’attentions de la part du gouvernement », souligne le ministre de la Santé

Le manque d’infrastructures et de moyens consacrés aux hôpitaux sont également au centre des revendications. De son côté, le ministre de la Santé, le professeur Moustafa Mijiyawa, ne nie pas les problèmes rencontrés par les structures publiques de santé, mais il relève que les difficultés actuelles résultent plutôt d’une mauvaise gestion des ressources humaines, financières et matérielles et de l’insuffisance qualitative ou quantitative des ressources allouées aux hôpitaux.

« Au cours des dix dernières années, le secteur de la santé est celui qui a eu le plus d’attentions de la part du gouvernement », souligne ainsi le professeur Moustafa Mijiyawa, qui maîtrise bien les enjeux du secteur pour avoir dirigé pendant plusieurs décennies le service de Rhumatologie du CHU Sylvanus Olympio et l’École Nationale des Auxiliaires Médicaux (ENAM) de Lomé.

Des solutions en vue ?

Ces derniers mois, les autorités togolaises sont de plus en plus critiquées pour l’état des hôpitaux. Des nombreuses images du CHU Sylvanus Olympio circulent sur Internet et montrent des équipements vétustes. Le manque de matériel est également relevé par les agents et les patients, qui réclament du gouvernement la construction de centres de santé de référence.

Depuis 2017, le gouvernement a entrepris un processus de contractualisation des hôpitaux publics pour, selon le ministre de la Santé, assainir la gestion de ces structures, les équiper et en construire de nouveaux. « Pour un État, s’endetter pour construire un hôpital de 50 milliards, ce n’est pas difficile, mais le gérer et le rendre opérationnel c’est beaucoup plus difficile », explique Moustafa Mijiyawa, qui relève cependant que les premiers résultats de la phase expérimentale de la contractualisation sont encourageants.

En attendant, la crise perdure et pénalise des milliers de malades qui ne peuvent se soigner dans les cliniques privées de la place.

Jeune Afrique