Coup d’État décrié au Mali: la part du Togo

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« Mali : Ouattara, Gnassingbé, Condé… Entre Bah N’Daw et Goïta, comment les présidents se positionnent. » (Jeune Afrique)

Après avoir lu un tel titre paru dans l’hebdomadaire Jeune Afrique après le deuxième coup d’état du Colonel Assimi Goïta au Mali, le lecteur étranger qui n’est pas au parfum de ce qui se passe sur le plan politique dans les autres pays de la sous-région, croirait que les présidents cités par Jeune Afrique seraient tous des exemples de démocratie et de bonne gouvernance dans leurs pays respectifs; et qu’ils seraient tous à même de donner des leçons à la junte malienne. S’il y a des chefs d’état de fait pour lesquels on peut parler d’une relative longévité au pouvoir et qui sont peut-être à leur troisième mandat, on oublie très souvent comment certains d’entre eux sont arrivés au pouvoir, comment ils s’y maintiennent, et comment surtout ils malmènent leurs peuples et leurs oppositions pour ne jamais partir.

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Nous voulons parler ici de notre pays le Togo avec son permanent drame politique depuis plusieurs décennies, depuis qu’une famille s’est installée au pouvoir il y a pratiquement un demi-siècle, depuis que Faure Gnassingbé est arrivé, et que sous sa gouvernance la République est en train de perdre peu à peu ses attributs. Nous voulons évoquer l’hypocrisie et la mauvaise foi qui consistent pour nos donneurs de leçons de la fameuse communauté internationale à promettre une chose et à faire son contraire, quand il s’agit de leurs intérêts. Nous voulons indexer surtout les puissances occidentales représentées chez nous, et qui sont plus informées que nous sur les nombreuses violations des droits de l’homme commises quotidiennement par le régime avec lequel elles collaborent. Nous voulons accuser surtout la France pour son mépris des peuples africains et des Togolais, pour son soutien au régime liberticide de Faure Gnassingbé, pour son racisme pour le fait de nous maintenir en permanence en esclavage à travers des pouvoirs fantoches qui n’ont aucune base populaire.


Ils accusent aujourd’hui le Mali, la junte militaire malienne d’être à l’origine de l’instabilité politique dans ce pays du désert; ils accusent Assimi Goïta d’être revenu pour la deuxième fois pour commettre un coup de force en faisant arrêter le président Bah N’Daw et le Premier Ministre Moctar Ouane. À première vue l’observateur non avisé conclurait à une armée malienne qui ne saurait pas ce qu’elle cherche, ou encore qui serait assoiffée de pouvoir. Mais à voir de près et en adoptant une analyse posée et en tenant surtout compte de ce qu’une armée togolaise, par exemple, fait subir aux populations togolaises pour que le régime de terreur s’éternise au pouvoir, on pourrait conclure que l’armée malienne, au moins pense à l’avenir politique et à l’avenir tout court des Maliens, en revenant de temps en temps sur la scène politique pour corriger le tir quand les politiciens dits professionnels s’écartent de la bonne ligne. De IBK (Ibrahim Boubacar Kéïta) jusqu’à Bah N’Daw et son premier ministre Moctar Ouane, personne n’a été détenu par les militaires de façon exagérée et pendant ces deux prises de pouvoir par les hommes en armes il y eut à peine effusion de sang. L’armée malienne ne se comporte aucunement comme en territoire conquis et est ovationnée par les populations. Par contre au Togo chaque apparition de la milice tribale tenant lieu d’armée est synonyme de peur et de tueries sans aucune chance qu’une quelconque poursuite aboutisse.

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Nous ne sommes pas entrain de faire l’apologie des coups d’état, mais nous disons que dans la situation politique actuelle de beaucoup de pays du continent africain, et surtout des pays à problèmes comme notre pays le Togo, il peut y avoir des situations où un coup d’état, qui n’aurait pas pour objectif les règlements de comptes personnels, serait le bienvenu. Nous voulons insister sur le fait qu’offrir une tribune à Faure Gnassingbé et le présenter comme un donneur de leçons au Mali par exemple ou ailleurs, alors qu’il n’a jamais été capable de faire ses devoirs de maison, est une insulte à l’intelligence humaine et un signe que les responsables politiques africains sont trop hypocrites, égoïstes et ne savent pas ce qu’ils veulent. Depuis 2005 nous vivons au Togo les effets néfastes d’un coup d’état permanent. Faure Gnassingbé refuse de partir alors qu’il n’a qu’une base électorale minoritaire. Il se maintient au pouvoir à force de terreur sur son peuple. L’opposition est interdite de façon tacite, puisque toutes manifestations contre le régime, toutes réunions politiques ou même syndicales sont interdites et sévèrement réprimées par les forces de l’ordre au service du dictateur. Inutile d’ajouter que les opposants ne peuvent plus faire leur travail d’opposants et sont contraints à l’exil ou envoyés pour longtemps derrière les barreaux s’ils ne se tiennent pas tranquilles.


Depuis 1990 les milliers de tués au Togo sont à mettre sur le dos de ce que nous appelons armée togolaise. Il y eut même chez nous ce que certains avaient désigné par épuration ethnique dans les camps militaires. Oui, des soldats et officiers supérieurs, pour leur appartenance ethnique ou pour leur supposée sympathie avec l’opposition, furent pourchassés et sauvagement assassinés par leurs frères d’armes. Jusqu’à ce jour aucune poursuite des familles n’a abouti et des avocats qui défendaient de telles causes furent obligés de laisser tomber ou de s’exiler pour sauver leur peau. Le dernier assassinat d’un officier supérieur, s’il vous plaît, dans un camp militaire, dans son bureau, est celui de Toussaint Bitala Madjoulba, Colonel de son état, commandant du 1er Bataillon d’Intervention Rapide (BIR). Surpris par derrière et égorgé le 03 mai 2020 apparemment par un ou des habitués du crime au sein des FAT, les tueurs courent toujours par la volonté de ceux à qui le crime profite.

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Pour nous résumer et conclure, un régime comme celui du Togo qui bâillonne son peuple et qui semble apparemment stable, est dangereux; non seulement pour sa propre population, mais pour la stabilité de toute la sous-région. Un tel régime se maintient au pouvoir par la terreur et constitue une bombe à retardement qui, tôt ou tard, finira par créer la catastrophe. Les représentants du G5 au Togo, (France, Allemagne, USA, Union Européenne et PNUD) le savent mieux que nous, et en fermant les yeux sur les nombreuses violations des droits de l’homme et sur la persécution des opposants par le régime Gnassingbé, pour venir demain jouer aux sapeurs-pompiers et aux donneurs de leçons, quand il sera trop tard, est irresponsable et surtout méprisant pour les Togolais. Un pays comme le Mali, aujourd’hui à la Une à cause de la fréquente intrusion des militaires sur la scène politique n’est pas forcément le danger de l’avenir en Afrique de l’ouest. Des régimes comme celui du Togo, à voir de près et sans hypocrisie, ne sont-ils pas plus dangereux et à surveiller comme du lait sur le feu?

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : Togoweb.net