Une importante pluie a anticipé le creusage de la tombe du Franc des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA), la monnaie coloniale contre laquelle l’économiste et homme politique Kako Nubukpo a pris un bâton de pèlerin depuis quelques années.
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» L’improvisation économique en Afrique de l’Ouest » – » Du coton au franc CFA « , » Sortir l’Afrique de la servitude monétaire « , » À qui profite le franc CFA ? » et récemment » L’Urgence africaine » etc. sont autant d’ouvrages qui décrivent la consécration de l’économiste à l’étude d’une monnaie qui tient à cœur la France colonisatrice des temps passés et des temps modernes.
« Du » FCFA à l’ECO : quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest ? », était la question autour de laquelle Kako Nubukpo et d’autres économistes ont réfléchi à Lomé, du 26 au 28 mai 2021. De la rencontre, l’opinion semble avoir retenu plus d’interrogations que de réponses dans les lignes des 24 points autour desquels s’articule la déclaration de Lomé.
La vieille problématique
Accusé d’être une monnaie trop forte imposée aux populations pauvres de certains pays d’Afrique au nom d’une prétendue stabilité monétaire, le FCFA est, selon la plupart de ses pourfendeurs, un instrument de manipulation au service de la France contre l’Afrique.
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La parité fixe adossée à l’Euro, l’implication aux allures d’ingérence de la France et même sa fabrication par et dans la même France où des matières premières à l’impression, l’industrie du FCFA représente une véritable opportunité pour le maître gourou qui s’affuble toujours de tous les noms d’ange gardien à l’endroit des pays dont il semble pourtant tirer une importante manne pour sa luxueuse survie.
C’est bien au dépens de ces pays du Sud dont elle exploite goulument les ressources minières et tous les secteurs économiques porteurs via ses multinationa les à l’instar de Bolloré, Total, EDF etc. De quoi provoquer l’ire de l’intelligentsia africaine depuis quelques années dont Kako Nubukpo, essentiellement engagé dans la lutte pour l’émancipation économique de l’Afrique.
« La France ne laissera jamais tomber le FCFA », avait-il prévenu dans une présentation, quelques jours avant la conférence de Lomé. Mais précision utile, Kako Nubukpo présente le profil d’un réformateur du FCFA quoiqu’on n’en sait finalement pas de quel bord, il se réclame lui-même, réformateur ou anti- F CFA ?
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Afrique montre à quel point ceux qui ont voulu s’émanciper de cette monnaie ont subi des représailles souvent mortelles de ce pays européen qui, des guerres jusqu’aux crises économiques, doit finalement une bonne partie de sa survie à des recours abusifs à l’Afrique, de la chair à canon en passant par le pillage des ressources.
Le décor tout planté, on peut aisément comprendre la hauteur du risque d’avoir réussi à créer une mobilisation générale de l’opinion africaine et internationale sur le FCFA, cette seringue qui, au lieu d’injecter un antibiotique contre la pauvreté, sert à aspirer le sang de quelques pays africains.
Et si plusieurs ont essayé par le passé, Kako Nubukpo a séduit les médias et les activistes tout en leur servant un argumentaire quelque peu imbattable pour démonter le FCFA dans le débat économico-intellectuel. De son éclipse passage au gouvernement du Togo (alors ministre de la prospective) à son évincement de la Francophonie sans oublier les postes juteux auxquels lui-même a renoncé pour rester en accord avec ses principes et son combat, il serait ingrat de mettre en doute sur toute la ligne l’intégrité du Prof Kako.
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Mais il est téméraire, cet homme si doué et tant convoité pour son savoir dans les institutions internationales qui, met pourtant en danger sa carrière et son bien-être, pour penser à l’intérêt général et se préoccuper d’une jeunesse africaine qui préfère s’attarder autour des matchs de CR7 et organiser des fêtes bien arrosées que de grouiller d’intérêt sur les questions de gouvernance et de développement.
Cette jeunesse bien dommage, se lime dans l’angle de consommateurs patentés, un vrai bétail électoral qui ne sait que réciter à longueur de journées : « cherchons l’argent d’abord » pendant qu’à leurs nez et barbes, les jeunes libanais, français et chinois s’arrachent des milliards à des postes juteux dans des sociétés nationales clés que leurs gouvernants dont ils admirent l’habillement, ont bradées à de grandes multinationales.
Que retenir des travaux de Lomé ?
Sur la base de ce que les parties prenantes ont appelé « la déclaration de Lomé », les participants aspirent à une monnaie motrice de la transformation structurelle de l’espace ouest africain dans un principe de solidarité par la mutualisation des échanges. Le plus important est de savoir que ces experts réunis trouvent plus pragmatique de miser sur une monnaie commune pour la CEDEAO vue les hétérogénéités structurelles qui prévalent dans les pays concernés.
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En effet, ce choix devrait permettre de mieux organiser les pays pour atteindre les critères de convergence nécessaires pour une monnaie unique dans la région. Pendant ce temps, les monnaies nationales dont le FCFA pourraient continuer d’être utilisées. D’où le constat, qu’on n’est pas encore sorti de l’auberge.
Contrairement à la phrase de Kako Nubukpo à l’entame du colloque, on n’a peut-être pas réussi à creuser la tombe du FCFA. Au-delà de la communication insuffisante sur les retombées du colloque, il faut rappeler le caractère trop scientifique des échanges que personne n’a encore eu le temps de traduire dans un langage courant, à la portée des populations dont on décide du sort.
Et pour aller plus loin, relever qu’aucune réponse adéquate n’a été adressée à la critique de Nathalie Yamb qui s’interrogeait sur l’opportunité d’un colloque sur une monnaie qu’on veut proposer à l’Afrique de l’Ouest sans pour autant mettre les scientifiques issus des milieux anglophones de la même région, eux qui pilotent depuis belle lurette leurs propres monnaies avec lesquelles ils s’en sortent bien mieux sans l’aide d’un quelconque guide éclairé comme l’est la France pour les francophones.
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Ou encore, certains observateurs de déplorer que la question « quel développement en Afrique » n’a pas été abordée dans les orientations pour la nouvelle monnaie, cet Eco on ne sait plus s’il aura la couleur de MacronOuattara ou s’il sera CEDEAO comme le veut de tout son cœur, le professeur Kako Nubukpo.
L’autre critique formulée sur les états généraux de l’Eco est l’absence d’une feuille de route, d’objectifs et des stratégies à réaliser, des dates précises, des échéances, des conditions pour l’atteinte de ces objectifs. Mais à la place, la déclaration décrit simplement ce que sera le système dans l’avenir et pour preuve on y trouve beaucoup de verbes au futur dans ladite déclaration.
Pour finir, le citoyen lambda se demande comment les pays anglophones dont les économistes et intellectuels n’ont participé aux débats à Lomé, encourageront leurs dirigeants à adouber cette déclaration ?
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Au demeurant, luttons-nous pour sortir du FCFA ou pour l’obtention d’une monnaie commune dans la CEDEAO pendant que nos différentes monnaies nationales dont le FCFA auront le vent en poupe ? » That is the question » ! Toutes choses qui font dire à une bonne partie d’observateurs que le colloque de Lomé a été une grosse désillusion.
Canal D No 092
Source : Togoweb.net