Le constitutionnaliste béninois était dans la danse depuis près d’une année. Mais ces derniers jours, Reckya Madougou est présentée par de nombreuses sources comme sa probable colistière. Une information non encore confirmée.
Sauf que face à Patrice Talon, il faut plus que Joël Aïvo et la conseillère spéciale du président togolais pour faire le poids. Même si cette aventure devrait leur permettre de disposer d’une conséquente cagnotte grâce à de nombreux mécènes pour se préparer à des échéances futures.
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A 47 ans, l’ex garde des sceaux du Bénin, jusque-là conseillère du président togolais entretient le flou. Dans un message posté sur sa page facebook ce 26 janvier, elle dévoile tout lentement le secret, insistant sur des appels qui lui viendraient de la jeunesse. « L’avenir doit et peut appartenir à ceux qui sont censés le subir : les jeunes » lance Reckya Madougou, citant un livre qu’elle a publié aux éditions L’Harmattan en 2007.
Ces derniers mois, profitant de la promotion de son dernier ouvrage, cette technocrate et spécialiste des finances inclusives a enchaîné des rencontres et échanges avec des jeunes, parrainant ici et là de nombreuses manifestations. Les rumeurs sont devenues plus retentissantes depuis que le président sortant, Patrice Talon à qui il est reproché d’avoir fait reculer la démocratie pendant son premier mandant, a révélé l’identité de sa colistière.
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Le président béninoise ira à la prochaine présidentielle, dont il a repoussé, contre les avis de constitutionnalistes, de 45 jours la date de tenue, avec l’actuelle vice présidente du parlement, Mariam Chabi Talata Zime. Un choix d’une femme qui peut avoir précipité le probable plan Aïvo/Madougou, d’autant plus qu’au delà du fait qu’il s’agit de deux intellectuels connus dans leur pays, le professeur d’université et l’ex ministre ont en commun de florissants contacts de chefs d’Etat sur le continent.
Le phénomène Aïvo
Il était sur le terrain depuis plusieurs mois, si ce n’est un an. Respecté professeur de droit, ce natif de Porto-Novo (sud est) multiplie des sorties ici et là au point de pousser Talon, trop casanier, à entamer une tournée de reddition de comptes. En réalité, une véritable précampagne.
Le président sortant est d’autant plus inquiet qu’une large partie des financements du putatif concurrent proviennent du puissant Nigeria voisin, avec qui le Bénin entretient de piteuses relations bilatérales. De nombreux proches de Buhari dont Yemi Osinbajo, son actuel vice-président, mettent la main à la pâte pour Aïvo.
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L’un des conseillers de ce dernier est chargé de mobiliser des hommes d’affaires du géant voisin au secours de l’ex doyen de la Faculté de droit et de science politique de l’Université d’Abomey-Calavi (2016-2019) qui n’ayant pas occupé de « juteux » postes dans le pays, dispose de peu de moyen pour battre campagne dans un Bénin où l’argent est le principal critère de crédibilité en politique. Joël Aïvo compte aussi sur des réseaux, au Niger et au Nigeria, de Yayi Boni qui, ces derniers temps, le lâche doucement en faveur d’un hypothétique plan B.
L’ancien président du Bénin ne trouve pas l’ex étudiant de l’Université Jean Moulin Lyon 3 « suffisamment reconnaissant » et s’agace de ses « excès de liberté ». Mais cela n’empêche pas le phénomène Aïvo de continuer à mobiliser de la foule, face au vide orchestré en face par Patrice Talon. En effet, grâce à de nombreuses dispositions exclusives, le président sortant s’est donné, par le biais d’acrobatiques réformes, le droit « de se choisir ses adversaires » comme le dénonce Komi Koutché, ancien ministre des finances.
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Dans une telle situation, l’outrecuidant juriste fait office de favori au sein d’une opposition en débandade et dont les ténors sont en exil en France. Soutenu par les jeunes et une grande partie de l’élite, le major de promotion DEA 2002 à l’Université Pierre Mendès Grenoble 2 peut aussi compter sur les « déçus » de la rupture qui sont « majoritaires dans le pays » selon Valentin Djenontin, un autre opposant en exil. Quoiqu’il arrive, et si le duo Aïvo/Madougou se met en place, il saura compter sur le bilan décrié de Patrice Talon.
La rupture, un bilan en double teinte
A Cotonou, ce mois de décembre, les béninois n’affluent pas dans les bars comme d’habitude en cette période de fin d’année. « La rupture a cassé notre portefeuille et détruit le panier de la ménagère » s’offusque Lionel. A 38 ans, ce jeune entrepreneur a vu son chiffre d’affaire baisser de plus de 80% en 5 ans. Tout comme un grand nombre de béninois, cet ancien enseignant converti aux affaires se plaint d’une « circulation ralentie de l’argent ». Un concept typiquement béninois auquel rétorque le président sortant « chacun a son salaire, l’argent qui ne circule pas, c’est l’argent sale ».
Une riposte qui est loin de convaincre dans un pays où le secteur informel et notamment ce qu’on appelle là bas « la débrouillardise » occupe plus de 2/3 de la population. Mais point d’effort pour le constater, les infrastructures constituent le principal axe de l’action gouvernementale. Routes, centres de santé, établissements scolaires, stades de sports, presque tous les secteurs sont concernés dans ce pays de 12 millions d’habitants aux ressources aléatoires.
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Conséquence, la dette du pays a atteint 48,7% du PIB en septembre 2020 dont 53,4% constitue la dette extérieure. L’ancien chef d’Etat Nicéphore Dieu Donné Soglo dénonce « un naufrage » en comparant les dettes souscrites en 5 ans à celles des deux décennies précédentes.
Mais ce qui aurait le plus marqué ce quinquennat, c’est la reculade démocratique. Les libertés publiques sont restreintes, Amnesty international dénonce « une chasse à l’opposition » et Reporters sans frontière (Rsf) a fait perdre au Bénin 17 points lors de son dernier classement sur la liberté de presse, le classant à la 113e place.
Même l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a dû retirer cet ancien modèle démocratique de la liste « des pays sûrs » pour permettre à la France de recevoir plus aisément ces béninois obligés de fuir leur pays pour des raisons purement politiques.
Et alors que le président Talon tient les principaux acteurs du processus électoral (la Commission électorale et la Cour constitutionnelle notamment), il devrait partir favori pour la présidentielle du 11 avril 2021. Il dispose d’une marge de manœuvre assez souple sur l’issue, par diverses manipulations et fraudes.
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JA et RM, le duo gagnant ?
Aïvo et Madougou, le duo gagnant ? Pas vraiment et pour plusieurs raisons. D’abord, il faut que l’ex garde des sceaux du Bénin qui est encore conseillère du président Faure Gnassingbé, veuille se joindre au professeur Aïvo. Elle n’en a pas fait l’annonce officielle. Le président togolais ne l’y autoriserait pas si cette décision peut mettre à mal ses relations avec son homologue du Bénin. Ensuite, aucun des deux (Aïvo et Madougou) n’a réussi à se construire une véritable image d’homme ou de femme d’Etat.
Joël Aïvo est sans doute l’un des meilleurs constitutionnalistes de l’Afrique francophone et avant d’être limogée par Yayi Boni, Reckya Madougou aura été une ministre remarquée et dont la compétence est incontestable. Mais cela ne suffira pas pour gagner une présidentielle au Bénin.
Même si cette tentative peut permettre au duel de se préparer pour des victoires futures. Membre influente du gynécée qui rode autour du président togolais, Madougou peut compter sur l’aide financière de Faure Gnassingbé mais aussi sur des coups de mains d’autres chefs d’Etat notamment Alassane Ouattara et Macky Sall dont, grâce à son poste de conseillère à Lomé II, elle s’est rapprochée ces dernières années.
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Que ce soit le Niger, le Burkina Faso ou le Nigeria, Aïvo a des accès pointus dans plusieurs palais présidentiels africains. Cette aventure, perdue d’avance face à un Patrice Talon qui fera feu de tout bois pour s’arroger un second mandat, peut permettre tout de même de mettre de l’argent de côte pour d’autres tentatives, notamment en 2026.
Encore faudrait-il qu’au-delà de son immensité intellectuelle pour Aïvo et de son remarquable charme pour Madougou, le couple démontre qu’il est une alternative crédible. Ce n’est pas encore le cas mais il peut y parvenir.
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Source : Togoweb.net