Un Etat hors-la-loi ?: De l’urgence d’un sommet extraordinaire de la CEDEAO

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Un Etat hors-la-loi ?: De l’urgence d’un sommet extraordinaire de la CEDEAO

A la mort de son père en février 2005, par une gymnastique inouïe que toute l’Afrique n’oubliera pas de si tôt, Faure Gnassingbé devint le nouveau président du Togo en lieu et place du président constitutionnel. Il déclarera plus tard que son père leur avait demandé de prendre garde à ne pas perdre le pouvoir, car il leur sera difficile de le reconquérir.

On a souvenance que peu de temps après la chute de Blaise Compaoré, un sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO avait eu lieu à Accra et au cours duquel la problématique de la limitation du mandat des chefs d’Etat dans l’espace communautaire avait été à l’ordre du jour. Tous les autres dirigeants ouest-africains avaient opté pour la limitation du mandat sauf deux spécimens : Faure Gnassingbé du Togo et l’ancien ogre gambien Yahya Jammeh.

De ces deux, dans cette communauté qui compte quinze Etats, il ne reste plus que Faure Gnassingbé qui a choisi de continuer à faire la honte du Togo et celle de la communauté dont d’ailleurs notre pays est l’initiateur. Aujourd’hui après la chute de Jammeh, il est inconcevable que le Togo qui est à l’origine de la fondation de la CEDEAO continue de faire cavalier seul en servant de mauvais exemple dans la sous-région.

A partir de l’instant où Faure Gnassingbé a cru normal et concevable d’assurer la présidence tournante de la CEDEAO, nous estimons que le moment est venu de saisir cette opportunité pour lui faire comprendre la nécessité impérieuse pour un pays comme le Togo qui a été le premier à concevoir le projet d’un tel regroupement, de se plier à l’uniformité politique en cours dans tous les quatorze autres Etats. Car cette dissonance fait bien désordre. Le tout n’est pas de courir à gauche et à droite au seul motif d’œuvrer pour des frontières sans barrière. Il faut penser à créer à l’intérieur de nos Etats, des conditions d’une stabilité qui garantisse un développement harmonieux.

Tout comme les responsables de la CEDEAO ont su mettre la pression pour obtenir l’alternance aujourd’hui en Gambie, il est de leur devoir d’user de la même pression pour que le Togo devenu depuis plus de 50 ans la propriété privée d’un clan, bref d’une seule famille, redevienne une république normale où la démocratie véritable puisse s’installer durablement pour le bien de tous les Togolais, et non plus cette démocratie de façade et du bout des lèvres.
Les Togolais ont certes, besoin d’une paix pérenne construite sur la satisfaction des citoyens eux-mêmes à partir de la bonne gestion des politiques et non cette paix factice et folklorique avec laquelle le pouvoir divertit les Togolais à travers des prétendus concerts pour la paix et patati-patata.

A l’heure où nous sommes, il n’y a que l’implication de l’ensemble des chefs d’Etat de la CEDEAO pour redonner espoir et sourire. Cette implication passera indubitablement par le rappel à l’ordre de ces velléitaires qui hésitent encore à donner le coup de pouce définitif dans leur pays pour que cessent des projets secrets de troisième mandat comme c’est le cas chez le soi-disant professeur qui tient en ce moment les rennes du pouvoir de Guinée-Conakry.

Le Togo devra cesser d’être un Etat hors-la-loi dont les dirigeants n’ont pas honte de faire de leur justice une justice à double vitesse inféodée au pouvoir et dont les justiciables et leurs avocats sont à chaque fois obligés de solliciter l’arbitrage de la justice communautaire pour jouir de leurs droits.

C’est une honte pour le Togo et les Togolais. Il peut arriver qu’une fois en l’espace de cinq ou dix ans par exemple la CEDEAO soit sollicitée pour trancher une affaire mal jugée au Togo. Mais lorsque cela devient fréquent et que ce n’est pas la même chose ailleurs dans la sous-région, c’est la preuve que la justice, le dernier rempart de la société ne fonctionne pas au Togo.

Le plus dramatique, c’est l’incendie des marchés de Lomé et de Kara qui s’est révélé à tous égards aujourd’hui comme une épouvantable conspiration de nos propres dirigeants politiques contre l’économie de leur propre pays avec curieusement des arrestations arbitraires et avec cela la complicité des premières autorités judiciaires. Tout cela, en vue de démobiliser l’opposition togolaise pour la perpétuation d’un régime. Quatre ans après, la justice n’a pas cru utile d’organiser un procès, puisque les vrais auteurs on les connaît et ils sont dans les rangs du pouvoir. Quel est donc ce pays où l’on choisit volontairement de tout détruire pour repartir à zéro ? La CEDEAO par amour pour les Togolais doit agir impérativement car on a affaire à des hommes et femmes qui s’amusent avec la destinée de tout un peuple et il y a bien longtemps que cela dure.

Sous Faure Gnassingbé et en douze ans, les Togolais ont l’impression qu’il ravit la vedette à son géniteur qui a passé trente-huit ans à la tête du pays. Aucun sens de la retenue et toutes ses actions sont calquées sur la provocation. Comment peut-on justifier que Faure se permette de décorer des gens qui ont commis des crimes et faire leur promotion ? Le cas Major Kouloum, principal personnage présumé coupable qui avait endeuillé en 2005 la ville d’Atakpamé qui a eu à payer le plus lourd tribut. Faure Gnassingbé est en train de ravir la vedette à son géniteur ; nous n’en voulons pour preuve que, sous ce dernier, malgré ses nombreux crimes, il ne s’était pas fait complice en son temps de l’incendie d’un quelconque marché. Cette performance, Faure l’a réalisée en huit ans de gouvernance. Il dénonce le pillage des deniers publics mais aucun des pilleurs connus de tous n’est arrêté jusqu’à ce jour. Ses ministres pilleurs se pavanent dans la république et narguent les peuples après avoir détourné les fonds pour la construction des routes.

L’actuel chef de l’Etat, après avoir commandé une enquête à la CNDH sur les tortures et obtenu le résultat, un résultat qui reflète la réalité des faits, fait lui-même partie de ceux qui n’ont pas apprécié le travail. D’où le départ en exil du président de la CNDH. Il s’est inscrit dans la logique de fouler au pied tous les accords, notamment l’APG salué en son temps par la Communauté internationale bien qu’ayant promis de veiller à sa stricte exécution. La CVJR qui a fait un travail extraordinaire et dont le rapport lui a été remis en 2012, il a toutes les peines du monde à mettre en application ses recommandations. Or, si depuis cinq ans, Faure traduisait dans les faits les conclusions et recommandations de cette commission et depuis 2006 appliquait à la lettre le contenu de l’APG, il y a longtemps que cet accord que ses partisans déclarent aujourd’hui caduc, ajouté aux travaux de la CVJR auraient permis de tourner définitivement les pages sombres du pays.

Faire couler le sang des citoyens, rien de mieux pour Faure Gnassingbé, Gilbert Bawara, Boukpessi, Yark Damehane et consorts. Voilà pourquoi lorsque l’opposition et le peuple se mobilisent pour mettre la pression en vue des réformes salvatrices pour le pays, le pouvoir trouve nécessaire de proférer des menaces contre le peuple et l’opposition accusant à tort d’honnêtes citoyens d’être des terroristes œuvrant pour le compte des djihadistes. Voilà pourquoi chaque fois que l’opposition organise des marches pacifiques pour exiger d’arrêter les diversions et passer aux réformes institutionnelles et constitutionnelles, le pouvoir verse dans la provocation en organisant des contre-manifestations tendant à perturber la paix sociale. Ce n’est pas le rôle de dirigeants responsables. La dernière trouvaille a consisté pour le pouvoir à tenter d’interdire les manifestations en semaine juste après que lui-même venait de s’y livrer. Le but, c’est encore de faire de la provocation en procédant en un tournemain à la violation des textes de loi régissant les manifestations publiques, procédant ainsi indirectement à la confection d’un plan pour faire encore des victimes.

N’est-ce pas curieux que ceux qui ont fait incendier deux grands marchés publics du pays, détruisant l’économie du pays dont les acteurs peinent à se relever, disent vouloir protéger le bon déroulement de tous les types d’activités professionnelles ? N’est-ce pas eux qui ont refusé pendant des semaines voire des mois, de satisfaire les travailleurs et surtout des agents de santé dans leurs justes et légitimes revendications, sans oublier les enseignants dont les élèves sont restés plusieurs semaines à la maison par leurs fautes, qui trouvent subitement qu’il faut permettre à tout le monde de vaquer à ses activités ?

En tout état de cause, la CEDEAO doit prendre ses responsabilités et amener le plus tôt possible Faure Gnassingbé et ses amis à retourner au bon sens, la chose la mieux partagée au monde. Faure ne doit pas s’arc-bouter à ce que lui a dit son père et refuser de faire les réformes. Le Togo n’est pas la propriété d’une famille.

Nicolas S.

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