Tribune : Le Togo, est-il devenu une république bananière ?

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Nouvelle tribune d’Ouro-Akpo Tchagnao. L’opposant questionne le fonctionnement des institutions togolaises. Il qualifie au passage son pays de république bananière. Lecture.

Par OURO-AKPO Tchagnao, président du Mouvement Lumière pour le Développement dans la Paix (LDP).

C’est une lapalissade si on dit que le Togo n’est pas un pays démocratique. Cependant, peut-on affirmer que le Togo est-il une république au vrai sens du terme, eu égard à la manière dont fonctionnent les institutions de l’État ?

La République est un ensemble de valeurs et de vertus, un mode d’organisation dans lequel le pouvoir est exercé par des représentants de la population, généralement élus et où le chef de l’État n’est pas héritier d’un trône et n’est pas le seul à définir le pouvoir d’Etat. C’est un système de gouvernance où la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce directement ou indirectement. Ce pouvoir s’impose à tous les citoyens en vertu du fait que, c’est au nom du peuple qu’il est exercé par délégation c’est-à-dire à travers un mandat conféré par le corps social qui est l’État ou le pays. C’est la respublica c’est-à-dire la chose publique.

Le président de la république garant de la Constitution, assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Et c’est là que réside la vraie problématique de la gouvernance d’Etat au Togo.

Selon l’article 58 de la Constitution togolaise, le président de la République est le chef de l’État. Il est garant de l’indépendance et l’unité nationale. .. du respect de la constitution et de la continuité de l’État. Avant son entrée en fonction, le président de la République prêtre serment devant la Cour constitutionnelle réunie en audience solennelle. Cela suppose que tous les membres de la Cour constitutionnelle, conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution et de la loi organique modifiées en 2019, devraient être présents au complet sans exception aucune.

Malheureusement, à l’occasion de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 22 février 2020 et de la prestation de serment du président de la république le 3 mai 2020, il s’est avéré que la cour constitutionnelle n’a jamais été au complet pour la simple raison que les deux membres qui devaient être désignés par le Sénat n’y sont pas, et cela n’a ému personne.

Plus grave, son président est décédé il y a quelques mois sans être remplacé et donc elle se retrouve sans « la tête ni la queue ».

Un mouvement de chaise musical est annoncé au sommet de l’Etat pour faire du cosmétique afin d’user et abuser de la volonté du peuple qui attend de voir. Tout ceci relève d’un manque de considération des valeurs de la république. Comme le dit un sage : « Il y a terreur parce que les valeurs de la république ont été remplacées par les valeurs du mépris et de l’inefficacité ; la volonté de liberté par la volonté de domination ».

Ce qui se passe au sommet de l’Etat, se passe malheureusement au niveau des citoyens lambda. Personne ne peut prétendre avoir raison dans notre pays aujourd’hui parce qu’il a la justice avec lui. Au contraire, dans la pratique quotidienne, la république est gérée par la force et c’est depuis très longtemps. On ne peut avoir raison que parce qu’on a la force avec soi. Ce qui est une entorse au bon fonctionnement de la République. Ce qui serait normal et conforme à la république c’est de faire en sorte que tous les citoyens puissent obéir par obligation et non par la force. C’est ça la République c’est-à-dire le respect de loi librement consenti.

Dans le cas contraire, toutes les bonnes graines sont détruites par la peur et par instinct de conservation comme dans une république bananière.

En effet, une république bananière est une république sous les apparences de la République et régie par des intérêts privés. Au regard du fonctionnement des institutions de l’État dans notre pays, telles que la Cour constitutionnelle comme présentée ci-haut, la Cour des comptes, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (la HAAC), la CENI, la HAPLUCIA et le HCRUN, de par leur composition, leur fonctionnement et le respect de le durée de mandat de leurs membres, on peut se poser la question suivante : est-ce que le pouvoir au Togo est-il exercé dans l’intérêt du peuple ou dans l’intérêt d’une minorité c’est-à-dire un clan ? Le pouvoir est-il exercé pour préserver les privilèges de certains contre les intérêts du peuple dans un mépris total des règles de la République ?

Au regard de leur fonctionnement, presque toutes les institutions de l’État sont dans une irrégularité sur la base des observations suivantes.

En effet nonobstant le constat fait sur la cour constitutionnelle, la cour des comptes en ce qui la concerne, est depuis son installation, dans l’irrégularité et son fonctionnement entaché d’illégalité.

Selon l’article 107 de la constitution togolaise, la Cour des comptes juge la conformité des comptes des comptables publics, elle assure la vérification des comptes des établissements publics et des entreprises publiques. D’une manière générale, elle assiste l’Assemblée Nationale et le gouvernement dans le contrôle de l’exercice des lois des finances.

Malheureusement, depuis l’installation des membres de l’actuel Cours des comptes, le premier président M. Jean Koffi EDOH n’a jamais prêté serment devant le chef de l’Etat comme prévu par la loi. Conformément à la pratique républicaine, le serment une fois reçue devrait permettre de lui donner « l’onction » pour agir au nom de la république et d’assumer ses fonctions conformément à ses prérogatives. En retour, il devrait par la suite recevoir le serment des greffiers de la chambre correctionnelle de la cour des comptes afin de la rendre opérationnelle comme prévoit la procédure judiciaire. Ainsi donc, la cour des comptes est restée à ce jour une portion congrue dont tous les rapports ne peuvent en aucun cas produire un effet de droit. Ce qui explique le fait que tous les rapports de la Cour des comptes, concernant la gestion de la délégation spéciale de la commune du grand Lomé en son temps, la Société Aéroportuaire de Lomé-Tokoin ( SALT) et tout dernièrement le rapport sur la gestion des Fonds Covid.

Malgré toutes les malversations avérées ou supposées, aucun de ces rapports n’a pu produire un effet de droit. Pire, à ce jour le mandat des membres de la Cour des comptes est largement dépassé de plusieurs années et le chef de l’Etat ne dit rien.

Ainsi, on peut affirmer sans se tromper que la cour des comptes n’est pas seulement réduite en une portion congrue, elle est illégitime. De son côté le mandat des membres actuels de la HAAC est arrivé à terme il y a environ deux ans. Cependant ils continuent d’exercer leur mandat dans l’irrégularité, ce qui les rend illégitimes sans aucune justification de cas de force majeure.

De guerre l’as, un des membres, sous le coup de frustrations, ne supportant plus le conformisme outrageant devenu la règle imposée aux professionnels des médias, a dû quitter la barque non sans avoir fait du « bruit ».

La CENI de son côté, selon l’article 6 du code électoral qui tire son existence de l’article 11 de la Constitution, est une autorité administrative indépendante. À ce titre, elle dispose des prérogatives de puissance publique. Elle jouit d’une autonomie d’organisation et de fonctionnement. Cependant, l’article 12 de ce même code dispose que, la CENI procède avec le concours du ministère chargé de l’administration et d’autres services de l’État, un certain nombre de compétences partagées. Cette disposition est interprétée comme une inféodation et un moyen pour noyauter l’institution chargé d’organiser les élections au Togo par le gouvernement

Ce qui constitue à ne pas douter, les limites de son indépendance et donne l’apparence d’être un appendice du ministère de l’administration.

À ce jour, les membres de la CENI sont arrivés à la fin de leur mandat conformément à l’article 19 du code électoral, sans pouvoir présenter le chronogramme des tâches qui leur ont été assignées pour une bonne organisation des élections à venir.

Je rappelle que ces élections sont prévues pour cette année et annoncées par le chef de l’État dans son message à la Nation du 31 décembre 2022.

Ainsi, la CENI se trouve-t-elle donc dans l’irrégularité et devient illégitime pour organiser des élections sans contestation.

Quant à l’Assemblée nationale, des inquiétudes ne manquent pas pour ce qui concerne le respect de la durée de son mandat. En effet l’article 52 de la Constitution dispose que les élections législatives ont lieu dans les 30 jours précédents l’expiration du mandat des députés. En tout état de cause, les élections législatives consacrant la fin du mandat de la législature actuelle devraient avoir lieu au plus tard la fin du mois de décembre 2023. A ce jour, tout porte à croire que les élections législatives n’auront pas lieu avant la fin de cette année 2023 comme annoncé par le chef de l’État lui-même.

Pour ce qui concerne la HAPLUCIA, le HCRUN et la CNDH on a du mal à se rappeler des éléments constitutifs de leur fait d’armes, tout comme le début et la fin du mandat de leurs Membres. Les activités de ces institutions se résument au rôle de leurs présidents qui consiste à inaugurer des chrysanthèmes. Il s’agit plutôt dans la réalité, des institutions d’ornement à faire gagner des points pour le MCC et bénéficier d’un certain nombre de financement sans trop d’impact sur le quotidien des togolais.

Comme on peut se rendre à l’évidence, le caractère républicain de la gouvernance au Togo est un véritable cas d’école. Le Togo se présente comme une république hybride, surtout, avec la posture du chef de l’Etat constitutionnellement responsable devant le peuple qu’il méprise. Il se mue toujours dans le silence pour ne pas s’assumer. Il ne réagit jamais devant toutes les bavures et autres actions négatives qui engagent les institutions dont il est le garant. Pour ne rien changé, il ne change rien.

Ce qui constitue un véritable obstacle à la transparence et à la reddition des comptes dans la gestion du bien public.

Le manque de sincérité est devenu un fait divers et dont le gouvernement est devenu coutumier sous sa présidence. Au Togo, la transparence et le respect des lois qui régissent le fonctionnement de nos institutions n’est pas une culture. Les récentes imbrications qui ont conduit à la suspension du Togo a l’ITIE, la mauvaise gestion des fonds Covid sans oublier l’histoire des « pana papers », les affaires de pétrolegate qui ont défrayé la chronique et montrer à suffisance que la réédition des comptes n’est pas la chose la mieux partagée dans la gouvernance au Togo.

Le mal est devenu une épidémie.

Toutes les insuffisances ici relevées nous permettent de soulever un coin de voile sur un ensemble de pratiques devenues récurrentes avec la couverture du chef de l’Etat.

Il est inacceptable et politiquement pas correct que le chef de l’Etat se ferme toujours dans un silence coupable. Le dysfonctionnement des institutions de l’État est devenu une carence et engage la responsabilité de toute la classe dirigeante de notre pays. Ce qui dénote d’un gigantisme politique, une gouvernance en mode d’actions organisées rien que pour la conservation du pouvoir.

Personne ne peut plus douter, la responsabilité directe du chef de l’Etat est engagée et il ne peut pas se débiner. Il faut alors que le peuple togolais détenteur de la souveraineté dont il doit être fier, se réorganise pour faire du Togo une vraie République.

Que Dieu bénisse le Togo !

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Source : icilome.com