La situation politique particulière que vit le Togo depuis qu’il a cessé d’être une colonie française en 1960 connait chaque jour de nouveaux rebondissements. Après la fin du multipartisme dans les années 1990 avec tout son cortège de drames sociaux, la décennie 2005¬2015 qui dans une certaine mesure constituait la période où les pouvoirs politiques avaient la capacité et surtout l’adhésion du peuple pour opérer une refondation de la nation togolaise a été simplement gâchée, galvaudée. Un groupuscule d’individus que le Chef de l’Etat actuel Faure Gnassingbé a qualifié lui¬-même de minorité a pris en otage le pays, soumettant tous les compartiments de la vie de la nation togolaise à une forme de vandalisme quasi total. Le Togo est saigné de toute part par certains de ses fils et filles qui, s’étant assurés d’une main mise totale sur l’appareil d’Etat continuent d’offrir le plus triste des spectacles que l’on peut connaitre : le déni de soi-même.
En effet, les différents engagements que les autorités actuelles du Togo ont pris se sont dans la grande majorité retrouvés sans application. L’exemple le plus vivant de cette façon de tourner le peuple permanemment en bourrique est le sort réservé à l’Accord Politique Global (APG) du 20 août 2006. Fruit d’un travail collégial des acteurs politiques et de la société civile, l’APG avait pour objectif de remettre le Togo sur les rails d’un nouveau départ en assurant les bases élémentaires d’un Etat. Malheureusement, Faure Gnassingbé et ses affidés mettront tout en œuvre pour faire échec à son application, allant jusqu’à le déclarer caduc une décennie plus tard. Face aux pressions incessantes dans la mise en œuvre des réformes institutionnelles et constitutionnelles selon l’esprit de cet accord politique, le pouvoir RPT-UNIR, dans une logique de diversion a donc fallu trouver un autre manège de diversion pour conserver le pouvoir : la Cinquième République.
La commission de réflexion sur les réformes : l’hypnose, la mauvaise foi
Après avoir délibérément empêché la mise en œuvre des dispositions de l’Accord Politique Global, le gouvernement togolais réuni en conseil des ministres le 03 janvier 2017, a procédé à la nomination des membres de la commission qui selon Faure Gnassingbé devrait se charger de réfléchir sur les réformes. Composée de personnalités à forte coloration politique du pouvoir en place, la commission mise en place par Faure Gnassingbé n’a à priori rein à présenter aux Togolais. Arthème Ahoomey¬Zunu ex¬Premier Ministre de Faure Gnassingbé, Adji Otèth Ayassor, ex¬Ministre des Finances de Faure Gnassingbé, Awa Nana Daboya, présidente du HCRRUN ne sont plus des personnalités à présenter. Kokoroko Komlan Dodji, Président de l’Université de Lomé, Kpodar Adama, Batchana Essohanam, Afandé Koffi Koumélio, Yabré Dago ont tous dans un passé récent clairement affiché leur soutien à Faure Gnassingbé dans le débat sur la limitation des mandats présidentiels. Et que dire de David Ihou, celui¬là même qui s’est donné comme devoir de passer ses journées sur les medias pour darder l’opposition togolaise ?
Il apparait donc au regard de la composition de celle¬ci que le vrai objectif qui lui est assigné n’est aucunement les réflexions relatives aux réformes comme on tente de le faire croire. Commencé par Dapaong le 31 juillet dernier, les premières informations qui filtrent des rencontres qu’organisent les membres de ladite commission avec les populations togolaises laissent transparaitre un projet bien ficelé de la part du gouvernement. Ces rencontres dites de consultations apparaissent à tout bout de champ comme des réunions de formatage des mentalités de sorte à les prédisposer à accepter tout ce qui serait servi par le parti au pouvoir dans les jours à venir. La population à laquelle on fait appel est généralement analphabète et donc ne maitrisant aucunement les enjeux de ces rencontres. Par ailleurs, les propos des membres de la Commission laissent entrevoir une position figée en ce qui concerne les réformes, ce qui n’est pas de nature à être un facteur favorable dans un exercice de consultations populaires. Qu’est-ce qui a provoqué l’hystérie d’Adji Oteth Ayassor lors de l’étape de Niamtougou alors que les intervenants ne faisaient que parler de la limitation du mandat présidentiel ? Comment peut¬on dans un exercice de consultation se permettre de faire accepter aux gens des positions sur lesquelles on reste arc¬bouté et dont on refuse systématiquement toute forme de discussion ?
Enfin, certains citoyens qui ont eu le courage de prendre la parole, soit pour exprimer leurs opinions soit pour démontrer des positions contraires à celles de la Commission subissent des menaces et des intimidations de toutes sortes. Le cas le plus palpable est celui du jeune David Nayo qui s’était prononcé en faveur de la limitation du mandat présidentiel lors de la rencontre du 03 août au Centre Culturel de Mango. Ce dernier pour avoir dit que Faure Gnassingbé ne devrait plus être candidat aux prochaines élections présidentielles, aurait reçu samedi dernier la visite du Chef Canton de Mango et de sa suite qui ont fait irruption à son lieu de service entrainant une suspension du citoyen en question de son poste. A quel jeu joue donc finalement cette commission dirigée par celle qui se fait appeler Médiatrice de la République si par la suite des concitoyens ayant donné leurs avis doivent faire l’objet de menaces barbares ?
Le gouvernement togolais avait indiqué en début d’année 2017 qu’«il fera preuve de pédagogie et d’ouverture en maintenant en permanence le dialogue avec les forces vives de la nation. Les ministres ont été ainsi invités à plus d’ardeur au travail et de synergie dans les interventions sur le terrain ». Sept mois après, le quotidien des populations ne s’est guère amélioré et même l’espace de liberté tend à se restreindre quotidiennement. A l’opposé des pères des indépendances en Afrique ou encore des chantres de la souveraineté africaine, il existe de nos jours une catégorie d’ « intellectuels » qui après avoir joui des bourses d’Etat qui leur ont permis de faire de hautes études, mettent leur génie au service de ceux qui ont choisi de faire souffrir leurs frères et sœurs , rejoignant de facto les bourreaux.
C’est à ce jeu que se livre actuellement le groupe conduit par Awa Nana et qui sillonne le Togo aux frais du contribuable. Que les populations le sachent bien avant : ce groupe n’a rien à dire si ce n’est d’œuvrer pour que Faure Gnassingbé continue par être au pouvoir le plus longtemps possible. Ce n’est ni Ayassor ni Ahoomey¬Zunu ni Ihou qui soutiendrait que la limitation des mandats présidentiels est une bonne chose. Au vu de cette situation, le rapport de cette tournée est déjà connu. Tout ce qui est mis en œuvre sous la forme de consultation n’est que du folklore.
Kossi Ekpé
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