Togo- Vie chère: Indicateurs, diagnostic et pistes de solutions

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C’est le phénomène de l’heure que vivent les Togolais. Inflation tous azimuts, érosion du pouvoir d’achat, difficultés à dormir au chaud, paupérisation galopante…Ses manifestations sur le quotidien des citoyens sont diverses et la situation va de mal en pis. Mais existe-t-il des pistes de solutions ? Oui. L’association Veille Economique a mené une étude diagnostique sur le fléau qui ressort les indicateurs, les causes profondes et propose des approches de solutions.

La vie chère est un phénomène social qui frappe depuis de longues dates tous les pays du monde, particulièrement ceux en développement. Mais elle a été exacerbée par la crise sanitaire, de même que la guerre en Ukraine, la flambée des prix des produits pétroliers et ses effets connexes. Le Togo n’en est pas épargné. L’association Veille Economique présidée par Dr Thomas Dodji Nettey Koumou a posé le diagnostic, sur la base des données scientifiques provenant d’institutions financières et monétaires internationales crédibles. L’économiste a rendu publics les résultats de ce document intitulé « Vie chère au Togo : Diagnostic –Approches de solutions », au cours d’une conférence de presse mardi dernier à la Maison de la Santé.

Indicateurs

Selon un rapport du FMI, Fonds monétaire international (Perspectives Economiques Régionales –Afrique Subsaharienne – Un nouveau choc et une faible marge de manœuvre) daté d’avril 2022 montrant la courbe de l’inflation, la hausse du niveau général des prix entre 2020 et 2022 au Togo est de 155,6 %, contre 140,9% et 29 % dans les espaces UEMOA et CEDEAO.

Les performances agricoles entre 2007 – 2018, à en croire les rapports sur la zone Franc de la Banque de France et l’évolution de la production agricole annuelle des pays de l’UEMOA entre 2007 et 2018 et l’analyse de la performance sur 12 ans, disent le Togo à (seulement) 57 % de croissance (2,2 % en 2007 et 3,5 % en 2018), pendant que le Burkina est à 65 % (3,6 % – 6,11 %), le Bénin voisin à 87 % (5,5 % – 10,32 %), la Côte d’Ivoire à 107 % (9,3 % – 19,4 %), le Mali à 164 % (4,3 % – 11,6 %), le Niger à 138 % (4,9 % – 11,8 %) et le Sénégal à 264 % de croissance (1,14 % – 4,17 %). Sur ces 12 années, le Togo aura donc eu la plus faible croissance au sein de l’UEMOA.

S’agissant du maïs, la base de l’alimentation dans notre pays et aussi dans la plupart des pays de l’espace, toujours selon les rapports de la Banque de France, le Togo n’a fait mieux que le Bénin (65 % de croissance, 0,9 % en 2007 et 1,5 % en 2018), avec 74 % d’accroissement de la production sur la même période (0,5 % – 0,88 %). Pendant ce temps, le Burkina Faso est crédité de 218 %  de croissance (0,53 % – 1,7 %), la Côte d’Ivoire 93 % (0,5 %– 1,05 %) et le Mali 485 %  (0,5 % – 3,4 %). Globalement, le Togo est toujours à la traine. Il va donc de soi que la vie chère y soit très ressentie.

Des causes de la vie chère

Thomas Koumou et Veille Economique en ont identifié des lointaines, mais aussi des proches.

Parmi les causes lointaines de la vie chère, ils pointent du doigt les politiques publiques -1 573,57 + 469,84 milliards de FCFA dans les travaux publics & infrastructures (90% dans les routes) contre 539 milliards de FCFA dans l’agriculture entre 2009 et 2022-, mais aussi l’endettement qui était de 767 milliards de FCFA en 2010 contre  2 768 milliards FCFA au 30 juin 2021.

Les incendies des marchés de Kara et de Lomé en sont aussi pour beaucoup dans la cherté de la vie au Togo, avec des pertes en fonds de roulement estimées à environ 72 milliards FCFA par an et aussi des pertes de centaines d’emplois dans le secteur informel.

Veille Economique reproche également aux gouvernants ce qu’elle appelle la vampirisation de l’économie togolaise avec l’affaire « trading » et la perte d’épargnes potentielles de plus de 28 milliards de FCFA, le bradage de certains actifs du pays – exemples des sociétés étatiques PAL,TOGO TELECOM, BTCI, NSCT et SGMT – et un mauvais business model dans le secteur minier du pays (10% de prise de participation maximale du Togo dans les capitaux de ces sociétés).

S’agissant des causes proches, en fait des déterminants de la vie chère, il est identifié l’inflation importée ayant pour origines principales les conséquences de la crise sanitaire à Covid-19 : déséquilibre offre / demande de production – rallongement des délais fournisseur – désorganisation des chaines d’approvisionnement – augmentation des tarifs de transport (maritime, aérien, terrestre) etc. et comme facteur aggravant la guerre entre la Russie et l’Ukraine : hausse du prix des matières premières, notamment le pétrole, le blé. Mais aussi l’inflation locale engendrée par l’augmentation des taxes à l’importation (droits de douane), la réactivation des niches fiscales (Taxe sur les véhicules à moteur (TVM), l’augmentation des frais de péages, la taxe d’habitation (TH) ; la pluviométrie anormale en 2021 et potentiellement en 2022 engendrant l’insuffisance de la production agricole en 2021, la constitution de stock de sécurité par les agriculteurs, les anticipations des potentielles anomalies climatiques par les agriculteurs en 2022.

La faiblesse du pouvoir d’achat des Togolais est un facteur aggravant de la vie chère. En termes de revenu par habitant dans l’espace UEMOA, le Togo (1 662 dollars, 76 175 FCFA/mois) ne devance que le Niger (1 269 dollars, 58 000 FCFA), et dans la CEDEAO, le Libéria en plus (1 486 dollars, 68 000 FCFA). A toute fin de comparaison,  le PIB est de 3 423 dollars (156 888 FCFA/mois) au Bénin, 5 348 dollars (245 000 FCFA) au Nigeria, 5 455 dollars (250 000 FCFA) en Côte d’Ivoire, 5 636 dollars (258 317 FCFA/mois) au Ghana et 7 469 dollars (342 329 FCFA/mois) au Cap Vert. La hausse du prix du carburant sur le marché international et l’augmentation des prix à la pompe et leurs effets connexes en sont aussi pour beaucoup.

Approches de solutions

Pour endiguer le phénomène, Veille Economique propose des approches de solutions de court, mais aussi de moyen et long termes. Parmi les pistes à court terme citées, la nécessité de revoir à la hausse (75 %) le budget de l’agriculture (investissements directs) et le porter de 44,29 milliards FCFA actuellement à 77,50 milliards FCFA hors projets…Le budget des Travaux publics, faut-il le rappeler, est de 117,28 milliards FCFA.

Autre piste suggérée, l’annulation des hausses des taxes, notamment la baisse des droits de douanes sur les produits importés de première nécessité et des taxes des postes de péages, la réduction de la taxe d’encombrement et des taxes perçues dans les marchés – prorogation de la suspension actuelle du paiement des tickets de marché jusqu’à la fin de l’année -, l’augmentation de la subvention des produits pétroliers.

Une mesure qui ne manque(ra) pas de faire jaser, la baisse des salaires du Chef de l’Etat, du Premier ministre et des membres du gouvernement, de la Présidente de l’Assemblée nationale et autres députés, des  maires et autres responsables des institutions de la République, jusqu’à hauteur de 50 %. Thomas Koumou et son association proposent également la baisse des dépenses de l’Etat à travers la réduction des déplacements à l’extérieur,  l’annulation des sommets organisés sur ressources internes, mais aussi le renoncement à la tenue des élections régionales en vue qui devrait faire faire au Togo des économies potentielle de 12 milliards FCFA et permanente de 4 à 5 milliards FCFA.

A moyen et long termes, l’association propose comme approches de solutions à la vie chère la lutte contre la corruption, ce qui s’entend contre les détournements de fonds publics, l’évasion fiscale, l’accaparement des ressources de l’Etat par le biais de sociétés écrans, la restructuration de l’agriculture togolaise (facteurs de production – distribution de la production – redistribution des revenus issus de la production), l’inversion des priorités dans les politiques publiques, la promotion de la liberté économique en dehors de toutes considérations ethniques et politiques et le changement de business model au Port Autonome de Lomé, dans les secteurs bancaire et minier.

Augmenter le pouvoir d’achat des Togolais, le niveau de consommation des ménages et des entreprises, arrêter d’implémenter des politiques publiques de pays riches dans un pays à faible revenu tel que le Togo sont autant de leviers sur lesquels il conviendrait d’agir, croit fermement Thomas Koumou. Ses conseils seront-ils suivis par les gouvernants ? Rien n’est moins sûr. Le Président de Veille Economique «espère qu’ils vont appliquer les approches de solutions » proposées. « (…) Nous ne pouvons pas les obliger à améliorer les conditions de vie de nos compatriotes. Je pense qu’en toute responsabilité, ils doivent pouvoir mesurer la situation actuelle qui prévaut dans le pays et prendre le taureau par les cornes et pouvoir appliquer un certain nombre à même de permettre à nos compatriotes de mieux vivre, en tout cas de traverser cette crise avec moins de souffrance et de misères », a-t-il indiqué.

Source: L’Alternative

Source : icilome.com