Togo / Vibrant Hommage de l’ANC à Patrick Lawson : « l’ANC et tous ses militants sont en pleurs »

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Hommage à un grand camarade et compagnon de lutte
Pé Boèvi Patrick Augustino LAWSON BANKU
Membre fondateur et 1er Vice-Président de l’ANC
(04/03/1952 – 23/10/2022)

Une grande douleur nous étreint et notre peine est profonde au moment où nous revivons une fois encore, cette cruelle séparation d’avec un grand compagnon de lutte.

La grande horloge du temps nous rappelle ainsi que nous ne savons ni le jour ni l’heure…

Notre 1er Vice-Président Patrick Lawson-Banku nous quitte donc, répondant en temps et en heure, à l’appel du Père Céleste, cet appel inéluctable, que nous attendons tous.

Chers Parents et Amis,

Mesdames et Messieurs les représentants des partis politiques,

Chers Camarades de l’ANC,

Mesdames et Messieurs

Merci à vous tous pour votre compassion et votre soutien, merci d’être venu raccompagner notre camarade, notre ami, notre frère.

L’ANC et ses militants sont en pleurs. Nous avons tous très mal.

Elle est donc particulièrement lourde, la charge qui m’incombe, de dire devant ce cercueil, au nom de tous les camarades du parti, un dernier adieu au Vice-Président Patrick Boèvi LAWSON-BANKU.

L’ANC et tous les combattants de la liberté perdent en effet un des leurs, un compagnon de lutte de la première heure, un grand homme, un patriote avéré, un militant résolument engagé dans la lutte contemporaine de libération de notre pays, un vrai pionnier de la lutte pour l’instauration de l’Etat de droit, de la démocratie et de la bonne gouvernance au Togo. Il aura été de tous les combats pour l’affranchissement de notre pays, du joug de la dictature.

Ardent défenseur de la conquête démocratique du pouvoir, Patrick LAWSON-BANKU aura été au cœur de tous les combats contemporains de l’ABLODE. Patrick, comme nous l’appelons familièrement, a pris part avec dévouement, courage et loyauté mais aussi avec dignité, détermination et générosité, à la longue lutte qui mène vers la justice et la liberté, vers le développement et le progrès social du Togo.

Co-fondateur et Coordonnateur Général du Mouvement Togolais pour la Démocratie (MTD), un mouvement de résistance à la dictature au Togo, créé dans les années soixante-dix, il était également Co-fondateur et Directeur de publication de l’organe de presse du MTD, ‘’Le Combat’’. Pendant les années de braise, il était dangereux de lire cette publication. Beaucoup de nos compatriotes ont été détenus, beaucoup ont perdu leur emploi, soit pour l’avoir lu ou pour l’avoir eu entre les mains.

Exilé politique dès 1978, Patrick Lawson revient au Togo, après l’amnistie générale en 1991, pour prendre part à la Conférence nationale souveraine la même année. C’est l’occasion pour lui de rejoindre sur le terrain, tous ceux qui jusque-là étaient contraints à la lutte dans la clandestinité. Il est aux avant-postes pour la création de l’Union des Forces de Changement (UFC), qui a tenu le haut du pavé de la lutte de libération de notre pays, jusqu’à cet accord funeste demeuré inexplicable.

Mais, homme de conviction, profondément attaché aux idéaux et aux valeurs intrinsèques de l’Ablodé, refusant de brader tant d’années de lutte âpre, c’est tout naturellement que Patrick Lawson participe à la création de l’ANC pour continuer la lutte.

Au congrès constitutif de l’ANC, le 10 octobre 2010, il est élu au Bureau National, au Comité Exécutif et au Comité Politique, en qualité de 1er Vice-Président, reconduit successivement au 1er congrès ordinaire du parti, en octobre 2014 et au 2ème congrès en octobre 2019.

D’avoir été avec nous au cœur de la création de l’ANC et d’y avoir accepté et assumé avec abnégation, de hautes responsabilités, furent déterminant pour la poursuite de notre lutte aux côtés du peuple togolais. Patrick confirmait ainsi qu’il était un homme de vérité et de sincérité, un homme juste et droit, un homme farouchement attaché à la vision moderne de l’ABLODE, celle de tout un peuple debout pour réaliser le changement réel des institutions et des hommes, sous le règne de l’Etat de droit.

La disparition d’un homme d’une si grande envergure est pour nous une perte inestimable. Mais l’œuvre de l’homme, son héritage politique, sa vision contemporaine de l’Ablodé, demeurent et ne peuvent que renforcer notre détermination à réaliser le changement réel auquel aspirent les populations togolaises, quoi qu’il nous en coûte.

Pour la paix au Togo, pour la véritable réconciliation nationale et la cohésion sociale, Patrick fut de tous les dialogues politiques. De Ouagadougou à Colmar, en passant par Rome, Paris, Abuja et Lomé. Il s’est toujours illustré avec mesure et constance, apportant des contributions constructives et structurantes, rigoureusement en adéquation avec les intérêts des populations, mais que le pouvoir en place, réfractaire au changement et au respect des principes de la démocratie et des droits humains, a toujours rejeté dans le seul but de conserver indéfiniment et indument le pouvoir.

Par deux fois en 2007 et en 2013, il sera élu Député à l’Assemblée nationale.

Au cours de notre longue lutte, Patrick aura également enduré, au péril de sa vie, tout comme bon nombre d’entre nous, les affres de la dictature. Les brimades, la violence politique, l’arbitraire et les humiliations. Patrick et moi avions régulièrement fait l’objet d’arrestations arbitraires et d’incarcérations à la Sûreté nationale, au commissariat de police ou à la gendarmerie. Nous avons été ces trente dernières années, des compagnons de misère. Un duo téméraire aux mains nues, malmenés impunément, comme tant d’autres, par le système répressif du parti Etat. Quelques illustrations :

Le 05 mai 1992, Patrick a échappé miraculeusement à la mort à Soudou (préfecture d’Assoli), lorsque le convoi de l’UFC dont il faisait partie, a été attaqué à l’arme de guerre, par un commando des Forces Armées Togolaises (FAT), dirigé, selon le rapport de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), par le capitaine Ernest Gnassingbé, fils du chef de l’Etat de l’époque, Gnassingbé Eyadéma. Le bilan de cet attentat est effroyable, 4 morts, dont le Dr Marc Atidépé et 4 blessés graves dont le président de l’UFC, qui sera exfiltré et transporté dans des conditions rocambolesques au nord du Bénin où il a pris l’avion personnel du Président Houphouet Boigny pour Paris. Il s’en sortira après un long séjour hospitalier.

Le 16 août 1998, c’est un détachement des FAT qui prend d’assaut le domicile de Patrick. Notre Vice-Président n’a la vie sauve qu’en escaladant le mur mitoyen pour se réfugier dans la maison du voisin, aidé par notre fidèle Apollinaire qui se trouvait sur les lieux ce jour-là et qui a dû emprunter la même voie pour échapper aux assaillants. Malheureusement pour les deux fugitifs, le mur mitoyen était haut et sécurisé par des tessons de bouteilles qui ont lacéré le thorax et l’abdomen de Patrick ainsi que les bras de son compagnon d’infortune. Les deux s’en tireront avec de nombreux points de sutures. Tout dans la maison de Patrick a été saccagé, vandalisé ou emporté : véhicule, meubles, argenterie, hifi, télé, électroménagers, ainsi que les pièces d’identité et autres documents. C’est le Général Seyi Mémène, alors Ministre de l’Intérieur, qui, quelques semaines plus tard, fera restituer les papiers d’identité, par la gendarmerie.

Je dois rappeler qu’avant l’attaque du domicile de Patrick ce jour-là, ma propre maison, puis celle d’Amah Gnassingbé, ont été prises d’assaut, à l’automitrailleuse et à la roquette, avec des dégâts matériels considérables.

Courant 2000, une délégation de l’UFC en tournée dans la région de la Kara se rend à Guérin-Kouka, préfecture de Dankpen. Cette délégation est composée de Patrick Lawson, 2ème vice-président, Jean-Pierre Fabre, secrétaire général,

Adrien Alassène Bozinambo président fédéral Tchaoudjo et Mama Moumouni, vice-président fédéral Tchaoudjo, ancien député CUT élu à Kabou (Bassar) en 1958. Sur le chemin du retour, la délégation est interceptée à Kabou, par les forces de défenses et de sécurité et conduite à la gendarmerie de Kara, sans aucune explication. Elle ne fut libérée qu’après cinq heures de détention, lorsque, alerté en pleine réunion du Comité de Suivi de l’Accord Cadre de Lomé (ACL), le 1er Vice-Président Akitani Bob a menacé de se retirer et d’organiser une conférence de presse pour informer l’opinion et dénoncer cet abus contraire à l’esprit de l’ACL.

Le 02 juin 2003, vers 08h00 du matin, Patrick et moi avons été kidnappés sur l’avenue de Duisbourg, alors que nous nous rendions chez Léopold Gnininvi pour discuter du scrutin présidentiel de la veille. Nous sommes menottés et conduits à la Sûreté Nationale où nous restons détenus toute la journée, privés d’eau et de nourriture, avant d’être présentés, toujours menottés, vers 22 h 00, au juge d’instruction qui nous inculpe pour trouble à l’ordre public, avant de nous libérer. Naturellement, nous n’avons jamais été jugés.

Tout comme les inculpés que nous sommes depuis bientôt dix ans dans l’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara.

En novembre 2010, au comble d’une volonté manifeste d’arbitraire et d’humiliation, le Député des Lacs Patrick LAWSON-BANKU et 8 de ses collègues, dont moi-même, sommes « révoqués de notre mandat parlementaire » en violation de la Constitution. Les 9 députés furent abusivement exclus de l’Assemblée Nationale, alors que tous avaient été régulièrement élus à l’issue des élections législatives de 2007.

En évoquant ces exactions, je ne puis m’empêcher de rappeler l’attaque du siège de l’UFC, le 26 juin 1998, par les forces de défense et de sécurité, qui ont passé à tabac tous les dirigeants et les militants qui se trouvaient sur les lieux, fracassé le crâne notamment à Bob Akitani (paix à son âme), à Isabelle Améganvi et à Dorian Olympio, saccagé et incendié les locaux, bureaux, meubles, archives et emporté le matériel de secrétariat et les ordinateurs. Patrick et moi, venions de quitter les lieux ce jour-là, pour conduire en ville une grande manifestation de protestation contre le hold-up électoral en cours.

Je ne puis m’empêcher non plus, de rappeler les violences policières déchainées contre nous au cours des séances de prières, au siège de notre parti en 2010 et au temple de l’Eglise Méthodiste Salem de Hanoukopé. De même que les violences policières déployées pour empêcher la tenue du congrès devant entériner la sanction pour faute lourde décidée à l’encontre du leader de l’UFC, après son acte solitaire d’abdication.

Chers Parents et Amis,

Mesdames, Messieurs,

Toutes ces évocations et rappels, pour vous dire le caractère hostile, dangereux voire mortel de l’environnement dans lequel les dirigeants de l’ANC y compris Patrick LAWSON-BANKU, ont mené à ce jour la lutte de libération de notre pays.

Il fallait avoir du courage et de la ténacité. Il fallait faire preuve d’audace. Il fallait avoir un sens élevé de l’abnégation voire du sacrifice. Voilà pourquoi il était mal venu, indécent et malhonnête, de tenter de jeter l’opprobre sur la réputation des premiers responsables de l’ANC dont Patrick LAWSON-BANKU, en les traitant de judas et de corrompus. De mettre en cause, par le mensonge et le dénigrement, la dignité, la sincérité et l’intégrité de l’ANC et de ses dirigeants, qui mènent une lutte acharnée, âpre et difficile, contre un régime qui opprime le Togo et le peuple togolais depuis des décennies, un régime pour lequel l’organisation d’élections inéquitables à échéances régulières suffit pour se prétendre démocratique.

Ensemble avec Patrick, nous pardonnons. Nous avons pardonné ces égarements. L’ANC a pardonné mais n’oubliera pas. Nous n’oublierons jamais.

Il reste évident que le combat noble et ardu pour la démocratie et l’Etat de droit, ne saurait jamais s’accommoder de montages diffamatoires, destinés à bafouer délibérément l’honneur et la dignité des combattants, en prenant soin de ménager le pouvoir oppresseur.

Patrick, mon camarade, mon compagnon de lutte,

Nous étions différents. Mais proches. Nous n’avons pas le même tempérament. Mais nous savions et nous comprenions avec franchise et loyauté, que même à travers nos divergences occasionnelles, transparaissait toujours l’intérêt de la lutte et du parti. Et nous nous complétions parfaitement pour l’harmonie de la direction du parti. C’était l’essentiel. Je puis dire avec fierté que la force de notre action politique tient pour beaucoup du consensus à toute épreuve auquel nous parvenons toujours sur les questions cruciales.

Et voilà que tu nous quittes, comme au milieu du gué. Mais je t’entends nous réaffirmer que notre vraie force est la vision indélébile et inaltérable de l’Ablodé qu’ont légué les pères de l’indépendance et fondateurs de la nation togolaise.

Oui, l’ANC se rassure et se réconforte à l’idée qu’aujourd’hui encore tant de compatriotes ont foi en cette vision et la soutiennent fermement. Ils sont également et ils font également notre force.

Oui cher Patrick,

Je les vois ici, rassemblés en grand nombre autour de ta dépouille mortelle. Ils sont venus nombreux te dire un dernier adieu et prier pour que Dieu Tout-Puissant t’accueille dans son Royaume de lumière et t’accorde le repos éternel. Ils sont venus en grand nombre te témoigner leur affection et te dire combien tu comptais pour nous au sein de ce parti dont tu es membre fondateur.

En leur nom à tous, y compris au nom de ceux qui n’ont pu faire le déplacement, je m’incline avec déférence devant ton cercueil. Nous saluons ta loyauté, ton courage, ta sagesse, ton sens élevé de l’honneur, de la dignité, de l’intégrité et de l’amour de la patrie. Le vide que tu laisses ne sera jamais comblé car on ne remplace pas Patrick LAWSON-BANKU. Naturellement les instances de l’ANC connaitront une adaptation conséquente qu’inspirera très certainement le riche héritage politique que tu laisses au parti et aux jeunes générations.

Tu aimais rappeler aux militants, l’idéal, la foi et les valeurs que les pères de l’indépendance et fondateurs de la nation togolaise nous ont inculqués pour poursuivre leur lutte qui est désormais la nôtre. Nous ne devrions pas nous attendre à voir l’aboutissement de cette lutte mais nous devons veiller à transmettre à notre tour, aux jeunes générations, le même idéal, la même foi et les mêmes valeurs pour qu’elles continuent de se battre en vue de réaliser le changement auquel aspire notre pays, le Togo.

L’ANC par ma voix, t’exprime sa reconnaissance et sa gratitude pour l’ensemble de ton œuvre politique qui a contribué et contribuera pendant longtemps encore, à l’orientation de son action et de ses activités.

En ces moments de profonde douleur et d’affliction, nous te rendons, l’hommage que mérite ton héroïque combat. Nous réitérons à ton épouse Zéna, à tes enfants Rodney et Junior, à tes sœurs et frères, ainsi qu’à toutes les familles, LAWSON et de SOUZA, nos sincères condoléances.

Puis-je me permettre d’associer à cet hommage, tes camarades tombés hier, le Vice-Président Abdou Kérim AGRIGNAN de Tchaoudjo, le Conseiller Spécial Crosby Quist, le Conseiller Chargé de Mission Marcus CODJO, le Conseiller Maire des Lacs 3 Claude MIKEM, tous les Présidents Fédéraux et les Militantes et Militants emportés au cours des dernières années.

Adieu à toi Patrick, Adieu à toi Camarade et Compagnon de lutte !

Au nom du parti, au nom de tes camarades, je t’adresse pour la dernière fois le salut patriotique des pères de l’indépendance et fondateurs de la nation togolaise, en te disant :

Patrick, ABLODE !… ABLODE MLIGO !…

Vice–Président Patrick LAWSON-BANKU, ABLODE GBADJA !…

Je vous remercie !

Lomé, le 26 novembre 2022

Le Président National de l’ANC,
Jean-Pierre FABRE

Source : 27Avril.com