Togo/UNATROT : Les dessous d’une crise alimentée par des intérêts personnels

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L’Union nationale des transporteurs routiers du Togo (UNATROT) ne veut-il plus du président Séna Fombo élu le 12 novembre dernier ? C’est en tout cas ce que déclarent des délégués préfectoraux et régionaux. Réunis lundi dernier à Lomé, ils disent avoir suspendu le président et confié l’intérim à son adjoint Jean Yawovi Homeku. Mais sous cette nouvelle fausse crise, se cache une lutte pour la conservation d’intérêts personnels.

La crise se poursuit donc après un court moment d’accalmie obtenu par le ministre Affoh Atcha-Dédji en charge des Transports routiers, ferroviaires et aériens. Pour comprendre cette crise qui sévit à l’Unatrot, il faut remonter à quelques années dans le passé. Face à la mauvaise gestion du syndicat imputée à Amah Aklesso, président de l’Unatrot, des transporteurs se réunissent et créent le Groupe Progrès Transports dont le but est d’impulser une nouvelle vision au secteur du transport à travers une gestion saine et efficace.

Après quelques sorties médiatiques, Progrès Transport assigne devant les tribunaux le bureau dirigé par Amah Aklesso. Ce dernier est accusé de violations des statuts et du règlement intérieur de l’Unatrot en voulant procéder à une élection sur des bases régionalistes avec des délégués dont le mandat est arrivé à expiration depuis une décennie voire plus. C’est ce qu’ils appellent « la présidence tournante ». Malgré les tergiversations de la justice togolaise, Progrès Transports a pu obtenir, à deux reprises, l’interdiction du congrès électif annoncé par le président Amah Aklesso.

Le Groupe Progrès transports était en passe de gagner le procès quand le ministre des transports intervient et propose un règlement à l’amiable. Les négociations ont abouti au retrait de la plainte portée par Progrès Transports qui a fait une grande concession en acceptant que la présidence de l’Union soit attribuée à un natif des Plateaux comme le voulait Amah Aklesso. « C’est cet accord qui a permis l’élection de Séna Fombo, le 12 novembre 2022, à la tête de l’Unatrot », confie une source proche du dossier. La passation des charges a eu lieu le 02 décembre 2022, après le retour au bercail de Amah Aklesso qui était au Qatar dans le cadre de la Coupe du monde.

Dans l’accord signé avec le bureau sortant et Progrès Transports, il est dit qu’après l’élection du président et ses adjoints, les tractations vont se poursuivre pour la mise en place d’un bureau consensuel complet. Un délai de six mois est également accordé au nouveau président pour effectuer les réformes nécessaires au bon fonctionnement du syndicat, entre autres, le renouvellement des instances préfectorales et régionales.

Deux semaines seulement après sa prise de fonction, Séna Fombo est contesté. En réalité, cette nouvelle crise qui s’ouvre au sein de l’Unatrot est le fruit de la recherche d’intérêts personnels par certains membres. Ce qui révolte les délégués, ce n’est pas Séna Fombo lui-même, mais sa volonté de s’écarter du bureau sortant qui voulait placer à la tête de l’Unatrot un pion. « L’élection s’est déroulée de telle sorte que, contre toute attente, le dauphin de Amah Aklesso en la personne de Jean Yawovi Homeku n’a pas été élu président, mais Vice-président. Or, si ce dernier est à la tête de l’Unatrot, la faitière que Amah Aklesso a créée aura les pleines ressources pour continuer de fonctionner. Mais avec une autre personne, les vannes sont coupées », explique notre source.

Il y a aussi les décisions prises par le président Séna Fombo qui vont à l’encontre des intérêts personnels des délégués. En effet, dans un communiqué en date du 15 décembre 2022, le nouveau président de l’Unatrot a informé les délégués du lancement du processus de renouvellement des bureaux régionaux et préfectoraux. « La tenue du dernier Congrès Ordinaire de l’UNATROT le 12 novembre 2022, vient d’ouvrir une nouvelle page dans la vie de notre grand mouvement syndical qui nécessite des réformes sur plusieurs plans. Pour permettre à tout un chacun de jouer sa partition dans cette nouvelle dynamique, il nous faut dans un bref délai, procéder au renouvellement des délégués préfectoraux et régionaux et ce, conformément à nos textes. Pour ces raisons, le Bureau National de l’UNATROT invite tous les transporteurs de toutes nos préfectures et régions de constituer leur dossier de candidature pour briguer les différents postes de délégués pouvant nous permettre de mettre en place nos bureaux des sections préfectorales et régionales. Les dossiers doivent parvenir au siège national de l’UNATROT à Lomé avant le 15 Janvier 2023 à travers les délégués sortants qui sont également libres de déposer leurs dossiers s’ils veulent. Vu l’importance qu’accorde le Président à ce communiqué, il souhaite que les futurs candidats puissent prendre les dispositions qui s’imposent pour constituer et déposer leurs dossiers dans le délai imparti », dit le communiqué N°2.

En d’autres termes, les délégués qui jouissaient de certains privilèges vont se retrouver sevrés s’ils ne parviennent pas à obtenir un renouvellement de leur mandat à l’issue des élections. Les délégués frondeurs avec lesquels Amah Aklesso a voulu organiser le congrès sentent visiblement la fin de leur « mangement ». Il convient aussi de préciser que contrairement à ce qui est raconté, pas un seul des délégués réunis en assemblée générale pour suspendre le nouveau président n’a de mandat en cours. Tous jouent la prolongation depuis des années. Et c’est l’une des anomalies dénoncées à l’époque par Progrès Transports.

L’autre communiqué publié le même jour, le 15 décembre 2022 concerne le poste de Djéréhouyé dans la préfecture de l’Ogou. « Pour permettre à l’UNATROT de bien servir ses membres transporteurs et faciliter par la même occasion la fluidité et la sécurité des marchandises, le Bureau National de l’UNATROT rend opérationnelle la reprise de son contrôle de routine sur toute l’étendue du territoire national en général et sur le site de DJEREHOUYE dans la préfecture de l’Ogou en particulier, à compter de ce samedi 17 décembre 2022 », dit le communiqué. Et d’expliquer : « Ce contrôle permet à l’UNATROT de s’assurer du respect régulier des transporteurs des conditions prévues par nos textes en vigueur au plan national et international. Des dispositions sont prises par nos services techniques pour la mise en application de la réglementation. Tout transporteur contrevenant se verra contraint à la rigueur de la loi ».

En parcourant les décisions prises lors de cette assemblée générale par les délégués, on comprend aisément qu’il s’agit d’une lutte pour conserver des intérêts personnels. Tout en fustigeant l’élection du président, les délégués adulent son adjoint et lui confient l’intérim. Pourtant, les deux hommes ont été élus dans les mêmes conditions. Pourquoi faire confiance à l’un et dédaigner l’autre si derrière leurs têtes, le diable n’est pas tapi?

En plus, les délégués disent avoir mis en place un comité qui devrait s’approcher de la faitière, entendez Amah Aklesso, pour avoir son accompagnement. En d’autres termes, l’ancien président est parti sans vraiment partir. Ce que nombre d’observateurs ne savent pas, c’est que l’Unatrot est elle-même une faitière des organisations syndicales des transporteurs routiers du Togo. Mais sentant son départ approcher, Amah Aklesso crée en décembre 2020 la Faîtière Patronale Togolaise des Transporteurs Routiers (FP2TR) dont il occupe la présidence jusqu’en 2024. Et à travers Jean Yawovi Homeku, il se dit assuré de continuer de diriger l’Unatrot, même étant absent.

Dans cette crise, en dehors des délégués qui luttent pour la conservation de leurs pains, les autres transporteurs issus de Progrès Transports disent soutenir le nouveau bureau et le président Séna Fombo. Au siège de l’Unatrot, ils avaient lu une déclaration dans laquelle ils dénoncent le désordre que tentent de semer les délégués.

Liberté Togo

Source : icilome.com