Des conteneurs de tilapia rentrent régulièrement sur le sol togolais. Un an après l’interdiction d’importation, les sociétés de vente de produits congelés sont toujours approvisionnées. Le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche continue de délivrer des autorisations de dépotage des conteneurs de tilapia. Ces autorisations violent l’interdiction prononcée depuis avril 2018.
16 avril 2018. Le gouvernement togolais annonce l’interdiction provisoire de l’importation du tilapia, dans un arrêté conjointement signé par le ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche et son collègue du Commerce et de la Promotion du secteur privé. « L’importation, la détention en vue de la vente, la mise en vente, la vente, l’exposition et la distribution à titre gratuit de poisson tilapia sauvage ou d’élevage, vivant, sous forme d’œufs, de juvéniles, de géniteurs ou de poisson tilapia mort sous forme congelée ou dérivé sont interdites sur le territoire national », lit-on dans l’arrêté. Le gouvernement a précisé que pendant la durée de l’interdiction, il sera procédé à la saisie et à la destruction de toutes les espèces de tilapia sauvage et ou d’élevage et produits dérivés de tilapia importés. La bonne nouvelle pour les consommateurs était que « le tilapia élevé ou pêché dans les eaux togolaises ne comporte aucun risque et peut être consommé sans crainte ».
Cette annonce, comme l’a souligné le gouvernement dans son communiqué, fait suite à l’alerte lancée le 26 mai 2017, soit un an plus tôt, par la FAO. L’Organisation onusienne en charge de l’alimentation et l’agriculture avait tiré la sonnette d’alarme sur la confirmation dans de nombreux pays de la présence du virus de lac du tilapia (TiLV), jugé mortel et affectant les tilapias. « Si ce virus venait à rentrer dans le pays, ça veut dire que les pisciculteurs vont perdre parce que quand ce virus rentre dans un bassin, c’est 90% à 100% de mortalité de poissons », avait souligné Dr Ibrahim Barry, Directeur de l’élevage par intérim. Le danger était vraiment grand.
Dans les rangs des consommateurs, la décision du gouvernement a été saluée. Dans un communiqué, la Ligue des Consommateurs du Togo (LCT) a insisté sur la nécessité de renforcer les contrôles aux frontières, car, disait-elle «comme toujours dans notre pays, certains commerçants véreux profitent des périodes d’interdiction pour s’enrichir à travers les réseaux obscurs et sous couverts, profitant de la porosité de nos frontières ».
Eh bien, à bientôt un an d’interdiction, des tonnes de tilapias continuent d’être régulièrement importés et déversés sur le marché au Togo. Nous en avons retrouvé dans plusieurs sociétés qui commercialisent les produits congelés, après l’alerte de certaines sources. Et visiblement, ce n’est pas via les détours que ces produits sont acheminés au Togo. Ils transitent directement par le Port autonome de Lomé, avec des autorisations dûment signées par les autorités en charge du secteur.
D’après les informations reçues auprès des sociétés où nous avons mené nos investigations, des dérogations ont été délivrées par le ministère en charge de l’Agriculture. « Notre stock ne date pas d’aujourd’hui. Nous avons reçu les marchandises depuis plusieurs mois quand nous avons sollicité une dérogation auprès du ministère. Des concurrents continuent par contre de recevoir des conteneurs de tilapia. Nous ne sommes pas les seuls à en disposer. C’est tout le monde qui importe », nous a confié une source proche d’une société spécialisée dans la vente des produits congelés.
Poursuivant les conversations, cette source nous informe qu’il y a quelques semaines, c’est-à-dire en février 2019, deux conteneurs appartenant à une société dont nous taisons l’identité ont été dépotés. Ils contenaient des tonnes de tilapia. Dans cette société, nous avons retrouvé des cartons de tilapia sur lesquels sont inscrits des dates de productions très récentes. Les intérêts économiques semblent donc prendre le dessus, au détriment de la santé des consommateurs.
Autre information relative à cette interdiction qui peine à être respectée près d’un an après la prise de l’arrêté, c’est que des rencontres auraient été organisées entre importateurs, producteurs et le ministère de l’Agriculture. Elles auraient eu pour conséquences de nombreuses dérogations signées et qui ont permis aux importateurs de poursuivre leurs affaires malgré l’interdiction.
Voilà ce qui pose problème. Comment peut-on comprendre que le ministère de l’Agriculture qui a, lui-même, prononcé l’interdiction d’importation, continue de délivrer aux importateurs des autorisations de dépotage des conteneurs de tilapia ? Une violation pure et simple de l’arrêté d’interdiction.
On a encore en mémoire le scandale des conteneurs de tilapias contaminés, mais qui ont été déversés sur le marché.
G.A.
Source : Liberté No.2871 du Lundi 04 Mars 2019
27Avril.com