TOGO : Terrorisme, ajuster stratégie et communication pour limiter le cafouillage

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En quelques jours, au moins 6 attaques, peut-être le double, compte tenu du flou autour des événements. Le Togo est sous haute menace terroriste.

Si la situation sécuritaire s’est dégradée pour l’ensemble de la région, Paris avait prévu une flambée des attaques “qui se rapprocheront des zones urbaines“. Depuis, entre bavures et recrudescence des attaques terroristes, il est plus qu’urgent d’ajuster la communication de proximité et surtout, d’évaluer le soutien de Lomé à Bamako, une périlleuse option.

Faure Gnassingbé a dû mettre fin partiellement, ce matin, à sa participation aux évalas, lutte traditionnelle culturelle en pays kabyè, sa région d’origine, pour se rendre dans la préfecture de Tône. Depuis quelques jours, les attaques terroristes se sont amplifiées dans cette ultime préfecture du pays mitoyenne aux frontières du Burkina Faso. Les chiffres d’une trentaine de morts en 6 attaques qu’avancent les réseaux sociaux est sous-estimés selon de concordants témoignages et le bref passage aux fronts du chef de l’état montre qu’il ressent, à sa juste intensité, le danger. Mais pour faire face à la situation, il faut, au-delà de l’assurance aux troupes et de la mobilisation des moyens adaptés, ajuster la communication de proximité et réussir à déclencher, ce qui ne sera pas aisé, les fibres patriotiques chez les populations.

Expliquer ce qu’est l’état d’urgence sécuritaire

Depuis plusieurs mois, un état d’urgence sécuritaire a été décrété en conseil des ministres à Lomé et englobe une large partie du septentrion. Sauf que les populations concernées n’en savent rien. Ni dans le Kpendjal, ni dans l’Oti, ni à Dapaong, personne n’est allé expliquer aux habitants ce qu’est l’état d’urgence sécuritaire. En français facile, cela signifie qu’il faut rentrer chez soi tôt, avant la tombée de la nuit, qu’il faille éviter les rassemblements de foules (fêtes, funérailles, bals poussière…) et vider les marchés en fin d’après-midi. Mais aussi, être vigilants et signaler aux autorités toute présence d’étrangers suspects ou d’individus aux comportements douteux. Avant chaque attaque, des indics de terroristes s’informent auprès de populations. C’est à ces dernières d’alerter les forces de l’ordre et elles ne le feront pas sans avoir l’assurance que toute collaboration ne se retournerait pas contre elles. C’est pourquoi après avoir reconnu la bavure militaire qui a décimé 7 jeunes à Satigou, l’armée doit créer le climat de confiance par une assistance aux familles et au village, un dédommagement financier conséquent qui, s’il n’efface pas la douleur, permet de mieux tenir le coup et surtout, veiller à ne pas reproduire pareille pagaille. Entre temps, le moral des troupes est une urgence.

Moral de la troupe et panique du déserteur

Au Burkina Faso où j’ai réalisé de nombreux reportages pour des médias européens et surtout pour Aleteia sur les attaques terroristes contre les lieux de cultes chrétiens en 2018, les attaques ont vite fait de brouiller le moral des troupes. Conséquence, le pays des hommes intègres a assisté à quelques centaines de désertions en quelques semaines, fragilisant ainsi une armée qui manquait horriblement d’hommes. C’est pourquoi, au détriment des évalas et toutes autres activités, le chef de l’état doit se mettre à l’écoute de sa troupe militaire. Il faut sans délai mettre sur place un Conseil national de défense (Cns) qui se réunisse régulièrement, associer les populations aux renseignements par une proximité entre elles et les forces de l’ordre et mutualiser, par le relais des chefs traditionnels et leaders locaux, des concertations en vue de solutions venues de la base. Car les premières cibles, ce sont les populations, souvent les plus reculées. La meilleure solution ne peut venir que d’elle et de leurs collaborations ainsi que de la prise en compte de leurs objections.

Périlleux et énigmatique soutien à Bamako

Ces dernières semaines, Faure Gnassingbé ne cache plus son soutien à la junte militaire malienne. Si une telle posture peut être applaudie par les panafricanistes via réseaux sociaux interposés, elle apparaît comme une provocation à l’égard des terroristes du nord Mali et une “déssolidarisation” avec les autres pays membres de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (Cedeao). Les séjours récurrents du chef de la diplomatie togolaise en terre malienne n’ont pas besoin d’autant de publicité surtout que le contingent togolais placé sous la force onusienne au Mali est déjà une cible privilégiée des terroristes qui en tuent, à fréquence régulière, quelques soldats. En voulant trop miser sur la nécessité de renforcer son patriarcat sous-régional, la proximité entre Faure Gnassingbé et Assimi Goïta est très vite perçue comme une menace pour les terroristes qui n’hésiteront pas à frapper le Togo de plus en plus en plein cœur. Bamako qui peine à contrer ses adversaires sur son propre territoire n’aura aucun moyen d’aider Lomé en cas de vives épreuves terroristes et ce d’autant que le soutien à la junte n’apporte rien au Togo économiquement. Il s’agit d’un soutien sans doute “fraternel” et illusoirement diplomatique mais la solution passe par la régionalisation de la riposte avec les pays voisins.

Le Bénin, allié de taille et le ping-pong du désamour

Les relations refroidies entre Patrice Talon et Faure Gnassingbé ne facilitent pas la coopération régionale alors que leurs deux pays sont les plus attaqués ces derniers mois. Il faut mettre fin au ping-pong du désamour entre les dirigeants de deux pays au destin fortement lié. Le Bénin vient de signer une convention avec le Niger, pour compter sur son expertise et mutualiser la riposte régionale. Le Togo doit s’associer immédiatement et avec le Burkina Faso, mettre en place la possibilité de poursuivre les terroristes d’un territoire à l’autre sans un préalable accord, si ce n’est sur la base d’une simple information consécutive à l’action. Il est intolérable qu’un soldat béninois ou togolais ne puisse pas traquer un terroriste jusque dans le territoire nigérien ou burkinabé, cela fait de l’autre côté de la frontière une base arrière presque légale. Le Togo ne peut pas renforcer une collaboration sous-régionale sans rassurer ses voisins sur un réajustement idoine de sa position sur le Mali. Car si à Bamako, les attaques terroristes sont devenues régulières au point de s’apparenter à une actualité banale, au Togo, la panique et la psychose associée à l’inflation galopante, 6,8% en avril 2022 et estimée à plus de 7% pour juin, risquent d’ébranler une stabilité qui n’est que fragile et relative.

MAX-SAVI Carmel

Rédacteur en chef de Afrika Stratégies France

Source : icilome.com