Togo, Réformes et législatives de 2018 : Le travail que doit déjà commencer à faire l’opposition…

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2018 sera une année électorale au Togo. Les élections législatives auront lieu pour le renouvellement des députés à l’Assemblée nationale. Au niveau du pouvoir, on s’y prépare déjà, la preuve avec les descentes de cadres de l’Union pour la République (UNIR) sur le terrain, à la rencontre des populations. Mais au sein de l’opposition, on ne semble pas encore prendre la mesure de l’enjeu…Et pourtant la tâche est énorme, au regard des enseignements des élections passées. Il y a un travail de fond que l’opposition devrait avoir déjà débuté.

Togo, Réformes et législatives de 2018 : Le travail que doit déjà commencer à faire l’opposition…

Les législatives à nos portes

Selon les dispositions de la Constitution, notamment l’article 52, les prochaines élections législatives devant permettre de renouveler l’Assemblée nationale, doivent avoir lieu trente (30) avant l’expiration du mandat des élus actuels.  Les députés actuels ayant été élus au scrutin du 25 juillet 2013, le prochain est censé a priori avoir lieu au plus tard en juin 2018. C’est dire que banalement, il reste à peine un an avant cette échéance.

Un an, cela paraît beaucoup. On le sait, l’application des dispositions, même claires, est souvent l’objet d’interprétations, lorsque les intérêts politiciens du pouvoir sont en jeu. Comme en 2013, il n’est pas exclu que la Cour constitutionnelle proroge le mandat de l’actuelle Assemblée nationale, au nom de cette modification introduite en 2002, à savoir que les députés restent en place jusqu’à l’élection d’un autre Parlement, qui avait fait polémique à l’époque, et donc que les élections législatives n’aient pas lieu au plus tôt. Mais une chose est certaine, le scrutin est à nos portes. Un an, cela pourrait paraitre long et suffisant aux yeux de certains pour mener les activités qu’il faut.

Au niveau du pouvoir, disions-nous, on a déjà commencé à se mobiliser dans la perspective de ces législatives. Des cadres de l’Union pour la République (UNIR) sont constamment envoyés dans leurs circonscriptions pour entretenir les militants sur l’imminence de cette élection et la nécessité d’accorder la majorité absolue au parti et surtout à son champion afin qu’il exécute son programme sans accroc. Même si certaines composantes s’illustrent sur le terrain, ce n’est pas encore la prise totale de la mesure des enjeux au sein de l’opposition dans son ensemble. Et pourtant elle devrait déjà commencer un réel travail de préparation, au regard des enseignements du passé !

Poser très tôt les vrais problèmes

La tenue des élections au Togo a toujours donné lieu à des rixes entre le pouvoir et l’opposition autour des conditions d’organisation. Si l’opposition a toujours voulu voir les choses s’organiser dans la transparence et l’équité, ces vertus n’ont jamais guidé le régime qui a toujours préféré l’opacité, l’amateurisme et la précipitation, des conditions qui favorisent les fraudes et font donc les affaires du régime.

Depuis des décennies, les problèmes rencontrés sont les mêmes. Concernant les législatives, le tout premier a toujours été le découpage électoral inique, un paramètre qui a fait et continue de faire la majorité factice du parti au pouvoir. Alors qu’il est souvent dépassé en suffrages par l’opposition, le parti au pouvoir engrange souvent les 2/3 des sièges au Parlement à cause de cette iniquité du découpage électoral. La revue de cette question fait sans doute partie des réformes constitutionnelles et institutionnelles refusées par Faure Gnassingbé.

Il y a par ailleurs la problématique du fichier électoral. Il est souillé et comporte plein d’anomalies savamment introduites pour fausser l’équité et la transparence du jeu électoral. Il est l’objet de manipulation. Si la pratique voudrait que le fichier électoral soit régulièrement actualisé, c’est d’ailleurs l’une des recommandations phares des missions d’observation électorale dans notre pays, le pouvoir n’a jamais réservé de suite à cette prescription. Et malheureusement, c’est souvent à la veille (sic) des élections que l’opposition pose le problème, du moins hausse le ton là-dessus et demande un audit. Et en face, le régime invoque le prétexte de l’indisponibilité de temps, occulte cette réclamation légitime, fait le forcing, ou à la rigueur accorde une concession qui ne saurait concourir à éliminer les irrégularités. On se rappelle le cas de 2015 où, en lieu et place d’un audit réclamé, c’est une consolidation du fichier électoral qui a été accordée par le pouvoir ; un travail effectué avec l’aide de l’Organisation Internationale de la Francophonie, mais qui n’a pas apporté grand-chose à la transparence du scrutin.

En outre il y a la problématique de la commande du matériel électoral, de la conduite unilatérale du processus, de l’authentification des bulletins de vote, de l’indélébilité de l’encre, etc. Autant de problèmes que l’opposition devra poser déjà, au lieu d’attendre de le faire au dernier moment et ainsi fournir le prétexte au pouvoir de les évacuer…

Mobilisation urgente de la population

S’il y a un constat malheureux qui est fait depuis plusieurs élections, c’est bien la démobilisation des populations. Les Togolais sont de plus en plus nombreux à ne plus croire aux élections comme moyen d’assurer l’alternance au Togo, et donc à ne plus se donner la peine de se rendre aux urnes et accomplir leur devoir civique. Le pic a été enregistré lors de l’élection présidentielle de 2015 où la campagne anti-élection faite par certaines composantes de l’opposition et de la société civile au motif de l’absence de la mise en œuvre des réformes, sous des motivations cachées, a eu son effet sur les esprits faibles. La démobilisation s’est ressentie au niveau du taux de participation, autour de 52 %, que le pouvoir a vite fait de gonfler à l’aide des fraudes, des bourrages d’urnes et autres.

La démobilisation, elle est générale sur toute l’étendue du territoire, aussi bien dans les supposés fiefs du pouvoir que dans les zones acquises à l’opposition. Mais c’est à ce dernier niveau qu’elle est plus prononcée, et c’est ici qu’il y a un véritable travail de mobilisation des populations à faire par l’opposition dans son ensemble. Les législatives à venir sont importantes pour l’avenir politique du pays. Le régime cherche à acquérir la majorité absolue pour pouvoir effectuer les réformes selon les humeurs de son champion Faure Gnassingbé. On le sait, il veut s’offrir les moyens de s’éterniser au pouvoir, et une majorité absolue pouvant lui permettre de faire passer le projet de réformes taillé sur mesure de sa commission d’« intellos » serait du pain béni. Dans le sens contraire, une majorité absolue de l’opposition – un rêve ? – pourrait impacter énormément l’avenir politique du pays.

« Il y a urgence d’une mobilisation du peuple par l’opposition. On sait que toutes ses composantes ne sont vraiment pas  préoccupées par l’avènement de l’alternance, certaines ont des agendas cachés, notamment celui d’aider Faure Gnassingbé à conserver le pouvoir et en tirer les dividendes. Ce travail revient fondamentalement au CAP 2015 qui constitue le phare de cette opposition et est dans une dynamique avec le Groupe des Six partis qu’il faut encourager. Leurs leaders doivent sortir de leurs bureaux, prendre d’assaut le pays pour sensibiliser les populations et surtout donner une orientation claire. Il faut qu’ils soient constants dans leur prise de position. Ils ne doivent pas dire une chose aujourd’hui et faire son contraire demain. Ils doivent éviter des incantations du genre « pas de réformes, pas d’élections » », fait observateur un analyste, et d’ajouter : «S’ils comptent aller aux élections, qu’ils le disent clairement et envoient un message fort aux populations qui sont désabusées par le sort des élections. S’ils ne veulent pas y aller, il faut qu’ils l’expriment aussi et disent clairement ce qu’ils vont faire (…) ».

A bon entendeur…

Source : Tino Kossi, Liberté No.2437 du 15 mai 2017

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