Togo, Répression des manifestations : Le Rubicon franchi, Des miliciens armés aux côtés des corps habillés !

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 A l’appel de la coalition de l’opposition, les populations devraient sortir hier pour manifester une fois de plus leur rejet de la gouvernance Faure Gnassingbé et exiger logiquement son départ.

Togo, Répression des manifestations : Le Rubicon franchi, Des miliciens armés aux côtés des corps habillés !

Mais les manifestations ne se sont pas déroulées comme programmé. Et pour cause, le déploiement massif des militaires et autres agents des forces de l’ordre aux différents points de rassemblements. Mais la particularité de la journée d’hier, c’était la présence des miliciens aux côtés des corps habillés. Et cela intervient malgré les appels et mises en garde de l’opposition à l’endroit des autorités sécuritaires de notre pays.

Des miliciens aux côtés des corps habillés

Les rues étaient censées gronder à nouveau sur toute l’étendue du territoire hier mercredi, à l’appel de la coalition de l’opposition. Les revendications restent les mêmes : retour à la Constitution de 1992, vote de la diaspora, réformes électorales, déverrouillage des institutions, départ de Faure Gnassingbé du pouvoir… Ces manifestations intervenaient dans le contexte de l’après-interdiction scélérate des marches en semaine par le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales. Mais elles n’ont pas eu lieu à Lomé comme d’habitude où les foules déferlaient tranquillement dans les rues. La raison, le déploiement massif des agents des forces de défense et de sécurité aux points de départ. Mais la particularité, c’était la présence de miliciens à leurs côtés.

C’est un secret de Polichinelle que le pouvoir avait recours à ses milices dans la mission de répression des manifestants de l’opposition. On savait que certains miliciens les infiltraient, provoquaient les corps habillés, commettaient des gaffes qu’on mettait sur le dos des militants ou leaders de l’opposition et engendraient la réaction de ces derniers. C’est aussi constant que ce sont eux qui ont commis des exactions dans la nuit du 7 au 8 septembre dernier. Jusque-là, tout se faisait en discrétion. Mais hier, rien ne s’est fait en catimini.

Ces miliciens du pouvoir étaient bien visibles aux carrefours, cagoulés pour certains et armés de bâtons, de machettes et autres armes blanches, et d’autres des bidons d’essence à la main. La nouveauté cette fois-ci, ils étaient aux côtés des corps habillés, comme en mission conjointe. Un autre groupe circulait à bord d’un véhicule banalisé sans immatriculation qui faisait la ronde de Lomé et ciblait surtout les points de rassemblement des manifestants. On parle d’une vingtaine de gros bras, pas du tout inquiétés par le dispositif militaire devant lequel ils passaient et faisaient des pauses.

D’aucuns diront qu’ils étaient simplement là à titre dissuasif, pour faire peur aux populations et les empêcher de se regrouper pour tenir les marches. Mais c’est clair qu’ils étaient missionnés pour assurer ensemble avec les corps habillés la répression. Certains déclaraient même, comme couverts d’un mandat officiel, ne pas laisser les opposants remettre en cause les institutions de la République. Et ils ont joint l’acte à la parole en violentant des militants de l’opposition et toutes personnes croisées. Dans certains quartiers, ils sont même entrés dans les maisons.

Institutionnalisation du recours aux milices

C’est ce qu’il faut lire dans cette présence de miliciens dans les rues ce mercredi. Déjà lundi nuit, ils se sont fait signaler dans l’incendie du siège du Parti national panafricain (PNP), en marge des manifestations de révolte des populations à Sokodé et à Lomé suite à l’arrestation de l’imam Al Hassan Mollah de la mosquée centrale de la ville de Sokodé. Des témoins en avaient vu habillés en noir aux côtés des agents des forces de sécurité et des militaires, descendre d’un véhicule pick-up et mettre le feu au siège de la formation de Tikpi Atchadam.

Dans le cadre des manifestations des 18 et 19 octobre, les indiscrétions alertaient déjà sur la mobilisation par le pouvoir en place de ces semeurs de mort à déverser ces mercredi et jeudi aux trousses des manifestants de l’opposition. Prenant la menace très au sérieux, les leaders de la Coalition de l’opposition ont interpellé le ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Cette fois-ci, ce n’était pas par simple communiqué. Ils se sont donné la peine de se rendre personnellement au ministère pour le faire de vive voix. Mais ils se sont entendu dire que le maitre de céans n’était pas là, et c’est le Secrétaire Général qui les a reçus. Connaissant la personnalité de Yark Damehame, trop poli (sic) à l’endroit des responsables de l’opposition, il n’a pas sûrement « eu le temps » pour eux. Qu’à cela ne tienne, Jean-Pierre Fabre, Brigitte Adjamagbo-Johnson et les autres lui ont laissé leur message, afin qu’il prenne ses responsabilités pour empêcher ces milices de nuire. Mais il s’en est visiblement moqué.

Confirmation à demi-mot de Yark

Interpelé hier sur une radio de la place au sujet de la présence de ces miliciens dans les rues, le Col Yark Damehame a tenté de brouiller les pistes, après avoir utilisé le plus clair du temps d’intervention à pester contre un député de l’opposition qui avait déclaré que son nom signifie dans une langue « mensonge », et le ministre de le traiter de « menteur » et de « minable ». Qu’à cela ne tienne, il a reconnu être alerté de la présence de gens cagoulés dans les rues, promettant au passage vérifier l’information. Une confirmation à demi-mot de leur présence sur le terrain. « Je viens de traverser Atikoumé. C’est vrai, quelqu’un vient de m’envoyer un message me disant qu’il a vu des gens cagoulés armés de bâton. On ne doit pas arriver jusque-là. Je vais faire vérifier, et si c’est avéré, on va voir la provenance de ces jeunes », a-t-il déclaré.

Il s’est employé à charger proprement les leaders de l’opposition :«S’ils veulent être responsables de ce pays, ils ne peuvent pas se comporter comme cela. Ils encouragent les gens à défier l’autorité vde l’Etat. Dans quel pays on peut trouver cela ? Dans quel pays ? ». Avant de revenir sur la question : « Je vais faire vérifier et on va voir d’où viennent ces jeunes. C’est ça la République. Elle appartient à tout le monde. Personne n’a le monopole de la rue ». Plus loin, le journaliste a demandé s’il promettait que ces miliciens allaient être sommés de quitter les lieux après sa vérification. Et par extraordinaire, la communication a été coupée. Mais dans ses propos, le ministre a fait l’apologie de la violence et des exactions commises sur les populations aux mains nues par les forces de défense déversées en masse leurs trousses. Comme pour justifier ce recours aux miliciens, il reproche aux leaders de l’opposition de ne pas condamner les prétendues agressions de manifestants sur les corps habillés, occultant royalement le fait que ce sont ces forces de répression qui provoquent les contreréactions des populations assimilables à l’autodéfense. Il faut être dupe pour attendre une quelconque suite à cette promesse du ministre de vérifier cette présence des miliciens. Tout au plus, il sera servi à l’opinion des balivernes.

Ces propos de Yark Damehame ne sont qu’une suite logique du parti pris ostentatoire du pouvoir en faveur des forces de répression. Dans ses sorties, il oublie très souvent les morts, blessés et autres victimes de sa soldatesque envoyée aux trousses des manifestants et qui assure bien la tâche, et jette son dévolu sur les populations aux mains nues. Comme ce passage du communiqué mensonger pondu suite à l’enlèvement par une horde de militaires – et non les forces de l’ordre et de sécurité – de l’imam de la mosquée centrale de Sokodé ce lundi à 18h 30 après coupure du courant et présenté comme faisant suite à une prétendue réquisition du Parquet : « (…) Des bandes organisées et structurées se sont livrées à des actes de violence inouïe, de pillage, de vandalisme et de destruction de biens publics et privés à Sokodé, Bafilo et dans certains quartiers de Lomé ». Ce soulèvement légitime provoqué par le pouvoir est curieusement présenté comme des « actes à visée terroriste » qui « tendent notamment à déstabiliser les institutions de l’Etat et à semer la terreur au sein de la population ». Et au gouvernement de promettre que « les auteurs et les commanditaires de ces actes qui ne visent qu’à compromettre l’unité nationale seront recherchés et poursuivis conformément à la loi ». Mais pendant ce temps, les corps habillés qui tirent à balles réelles sur les populations aux mains nues et tuent même des enfants à cause de la boulimie d’un seul homme sont…applaudis.

Tino Kossi

Source : Liberté

27Avril.com