Les togolais entament cette semaine avec une malheureuse nouvelle. l’État togolais n’est plus en mesure d’amortir le coût du gaz butane qu’utilisent désormais beaucoup de ménages, notamment en ville. L’on l’aura ainsi appris, juste au travers des échanges de courriers entre le gouvernant et les fournisseurs de ce produits aussi essentiel pour les ménages dans notre pays.
Même si pour l’instant, aucune explication n’a été donnée pour justifier ce regrettable désengagement de l’État, le citoyen responsable peut au moins se dire que ce n’est sûrement pas par cynisme ni sadisme qu’une telle décision a été prise, mais probablement parce que le souffle de l’État lui-même s’effondre, sa capacité à assumer ses charges régaliennes s’amenuise de plus en plus réduisant ainsi, sa marge de manœuvre en tant qu’État ayant pour principale mission, de veiller au bien-être des populations et à leur épanouissement progressifs à partir des ressources qui sont essentiellement mobilisées par les contribuables pour une telle cause.
Ce faisant, le Togo est pratiquement le premier pays à faillir clairement de ce point de vue de la subvention dans notre sous-région, ainsi le coût du gaz est le plus cher par ici que dans tous les pays de notre espace. Pour preuve, six kilogrammes de gaz butane coûte 2900 FCFA au Sénégal, 2000 FCFA au Burkina Faso, 2000 FCFA en Côte d’Ivoire et 3500 au Bénin, 2000 FCFA au Niger, pendant qu’il vaut plus double au Togo, en l’occurrence 5370 FCFA.
L’on se souvient qu’il en avait été de même de l’engrais chimique où il est vendu cette année à 18000 CFA au Togo, alors que les pays enclavés y compris le Mali, le vendent à 10.000 FCFA. Or la logique aurait voulu que dès l’instant où l’on parle de subvention, un tel produit coûte, en toute logique, plus cher dans un pays comme le Mali qu’au Togo du fait des coûts supplémentaires qu’engendre le transport par camions, sur des milliers de km avant de rejoindre ce pays.
Comment donc expliquer que les prix pratiqués dans un pays qui jouit largement de cet avantage d’un littoral, avec un port régulièrement vanté d’être le seul en eau profonde dans la sous-région, soient les plus insupportables possibles et même jamais égalés dans cette sous-région sur un tel produit essentiel pour l’agriculture?
Notre pays est-il en passe d’être l’épicentre de la spéculation et du désordre dans la fixation des coûts des produits à toutes les échelles de la vie sociétale ?Assurément pas. Le souci majeur réside dans l’incapacité de l’État à intervenir efficacement, comme les autres le font, pour subventionner et surtout contrôler tout le circuit aboutissant à la fixation des prix de tous ces produits sur le marché.
Cette incapacité est de toute évidence due à la faillite manifeste de l’État, à son manque de vigilance et sûrement aussi à sa mauvaise organisation dans toutes les strates de l’administration elle-même. Ce qui, malheureusement, pousse le citoyen à questionner la vision précise du dirigeant en lien avec l’avenir ou le devenir envisagé pour le pays et son peuple.
A ce niveau précisément, réside encore un vrai problème, d’autant plus que l’on n’est pas en face d’un régime nouveau qui est en train de se faire la main, mais d’un dont la longévité devrait servir la cause d’une expérience féconde et utile pour le citoyen. D’où le besoin pressant et urgent, me semble-t-il, de commencer à nous poser les bonnes questions sur nos choix politiques et notre style actuel de gouvernance du pays.
Il est clair qu’à cette allure, les propagandes politiques, le chiffres flatteurs sur la croissance économique, les affirmations gratuites, le faux-fuyant essentiellement destinés à berner le peuple ne servent absolument plus à rien, surtout qu’il est bien établi que c’est le résultat dans la vie du citoyen qui, au bout du compte, compte.
A cette échelle évidemment, la gouvernance actuelle de notre pays a du mal manifeste à fournir au peuple, des résultats probants, manifestes et émerveillants qui rendraient compte de l’engagement résolu du dirigeant à travailler corps et âme sur la cause entendue du peuple.
Cette situation survient alors que notre pays, observons-le, est désormais ceinturé de plus en plus par de bonnes nouvelles venant des voisins comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali…où notamment, les salaires des fonctionnaires ainsi que les allocations familiales, ont été revus à la hausse, où les subventions continuent d’avoir court sur presque tous les produits de première nécessité et à grande consommation, où ces États, vaille que vaille, font tout pour maintenir leur présence dans la vie du citoyen, poursuivent, malgré la mauvaise conjoncture, les grands chantiers d’infrastructures, garantissent les soins plus ou moins adéquats à leurs concitoyens etc.
Comment donc devant de telles réalités et au regard de l’énorme potentiel ou des inouïes potentialités dont regorge notre pays, un citoyen sensé ne va-t-il pas au moins s’interroger sur ce qui ne va vraiment pas dans notre pays, le Togo, aussi petit en populations et en surface, mais immensément riche en atouts?
Tout au moins, l’on peut aisément imaginer qu’il y’a forcément chez nous, un sérieux problème de gouvernance qui obstrue et empêche la création optimale de richesse, ou alors, un vrai souci dans la gestion de cette richesse par le gouvernant lui-même. Ceci est d’autant plus vrai qu’il suffi d’observer un peu l’État dans lequel notre administration se trouve, où des vieux retraités détiennent encore les postes stratégiques de l’État, avec encore plus grave, plusieurs cas de cumuls curieux de fonctions.
Peut-on espérer une administration dynamique, fertile en initiatives et en idées lumineuses avec des acteurs parfaitement déchargés de leur sève vitale et constamment plongés des habitudes routinières infructueuses, alors que pullulent, partout dans le pays, des jeunes pleins de fougue et d’énergie qui sont quasiment désœuvrés? L’on nous dira sûrement que ceux-ci ont de l’expérience, sans même questionner la nature et le contenu de cette fameuse expérience. De quelle expérience ont-ils si depuis des décennies, notre administration n’a jamais émerveillé par ses performances et son rendement ? Ils ont donc l’expérience de l’inefficacité, de la médiocrité et des mauvaises habitudes qui sapent continuellement le projet de construction d’une administration solide qui promeut le vivre ensemble et la création du bien commun ?
Comment l’Etat peut-il manquer de tomber en faillite au moment où il est autant miné, à plusieurs égards, par la corruption, les détournements de deniers publics, la complaisance, l’inefficacité et même le népotisme où le citoyen n’y rentre que s’il peut compter sur un frère, un parent ou ami haut perché dans le circuit de cette administration? Est-il un secret pour quelqu’un que dans notre administration publique, le service est pour beaucoup d’agents, une vraie sinécure où l’on ne fait rien, mais il est payé à la fin du mois pendant que d’autres se vident dans un harassant travail contre pratiquement rien de conséquent comme revenu mensuel?
Quelqu’un peut-il douter du gaspillage de nos ressources dans l’appareil de direction du pays, à travers des choix non inspirés par le besoin d’épanouissement du citoyen, mais bien plus par le souci de propagande, de folklore et du m’as-tu vu qui donne davantage le sentiment que nos dirigeants tiennent plus à paraître plutôt que d’être?
Que gagne en vérité notre pays à user des ressources du contribuable pour organiser des sommets creux, à faire voltiger nos ministres dans presque tous les pays du monde à la quête de relations infructueuses, ou à nous fourrer dans des affaires régionales ou sous-régionales dont nous n’avons même pas la solution ?
De quelle manière nos gouvernants espèrent-ils doter notre pays d’une résilience effective, alors qu’aucun travail sérieux n’est fait à l’interne, pour initier, puis booster la production aussi bien agricole que d’autres produits impérativement nécessaires pour la vie du peuple ?
Au regard de tous ces manquements qui se dégagent d’eux-memes dans presque tous les compartiments de l’État et qui expliquent, pour une large part, sa faillite actuelle, il importe, à compter de maintenant, de revoir les priorités de l’État, ses orientations, son rapport avec le peuple et le regard que le dirigeant porte sur le citoyen lui-même, étant entendu que toutes les ressources de l’État ou presque, viennent précisément de l’œuvre du citoyen.
Nous savons tous que la vocation de toute société est l’évolution à tous points de vue et quand, par la force des choses, par un manque de lucidité et de pragmatisme dans les choix politiques, un pays entier entame une marche à reculons, avec un essoufflement progressif de sa propre vie et de celle de son peuple, le dirigeant se doit de commencer à changer de paradigmes dans sa propre gouvernance en questionnant au mieux, le génie intérieur.
Il n’y a clairement pas d’issues honorables et salutaires possibles en marge d’une telle démarche qui permet, opportunément, de capitaliser le potentiel endogène, les intelligences existantes à l’interne et d’en tirer meilleur profit, en vue de redonner de la vitalité et du dynamisme à la gouvernance même de l’État.
Car à ce niveau inquiétant d’essoufflement, la complaisance ne peut plus être tolérée dans la gestion des affaires du pays, le jonglage, l’amateurisme et la navigation à vue non plus. Autrement, le bilan que vont nous dresser nos dirigeants risque d’être leur boulet qui va de fait inscrire notre pays dans le registre des médiocres dont les performances dans toute la sous-région et même dans l’Afrique entière, restent encore piètres malgré nos longues années de pseudo expérience dans la gouvernance d’État.
Luc Abaki
Source : icilome.com