Aucune annonce formelle n’est encore faite en termes de date ou de préparatifs. Mais Faure Gnassingbé et le pouvoir RPT/UNIR entendent organiser un référendum, et c’est un secret de Polichinelle. Des institutions africaines y poussent aussi les Togolais. Ce qui dope les gouvernants en place. Au sein de la masse populaire, certains s’étonnent que l’opposition s’y oppose. Si un référendum est une forme de consultation du peuple admise en démocratie, dans le contexte actuel du Togo, ce serait un suicide et surtout un sacrifice de l’alternance espérée depuis un demi-siècle.
Un référendum dans les cordes
C’était déjà en projet au sein du pouvoir, et ses porte-voix avaient fait des déclarations dans ce sens, suite au vote, le 19 septembre dernier, par les députés RPT/UNIR, du projet de loi inique portant révision constitutionnelle, après rejet des quarante-huit (48) amendements de l’opposition parlementaire et en l’absence de ses élus. Bien que le peuple réclame le retour pur et simple à la Constitution de 1992, Faure Gnassingbé est résolu à imposer ses desiderata et compte bien organiser un référendum à l’issue connue d’avance. Le pouvoir a trouvé des soutiens de taille en la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Union Africaine (UA) et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) qui, dans un communiqué conjoint rendu public le mercredi 4 octobre dernier, demandent au gouvernement togolais de fixer la date du référendum. Les trois organisations estiment que l’adoption du projet de loi constitutionnelle est « une étape importante pour mettre le Togo en conformité avec les normes démocratiques reflétant les meilleures pratiques en Afrique de l’Ouest » et « appellent le gouvernement à fixer une date pour l’organisation du référendum sur le projet de loi constitutionnelle ».
Faure Gnassingbé et le pouvoir RPT/UNIR ne devraient pas attendre meilleur soutien. Ils sont évidemment dopés par cette sortie des trois organisations qui ressemble d’ailleurs à un soutien ostentatoire au régime de Lomé, tramé par le fameux Chef Bureau Afrique de l’ouest et Sahel de l’ONU, le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas dont le parti pris en faveur du Prince est un secret de Polichinelle ; il avait d’ailleurs, dans une intervention sur les ondes de BBC, donné son aval à un référendum. Faut-il le rappeler, Faure Gnassingbé est le président de la CEDEAO et ne saurait se faire hara-kiri ; Marcel de Souza, le Président de la Commission de la CEDEAO est son beau-frère ; c’est tout le pôle de décision de l’institution ouest-africaine qui est donc entre les mains de la fratrie et alliés. Le pouvoir de Lomé acclame des deux mains et se met dans les dispositions d’esprit idoines pour organiser ce référendum. Mais dans les rangs de l’opposition, on n’entend pas les choses de cette oreille.
Au sein de l’opinion, certains Togolais qui n’ont pas les capacités intellectuelles pour appréhender les vrais enjeux, sont confus et commencent à reprocher cette posture à l’opposition. « On a demandé la limitation du mandat, le scrutin à deux tours, et on les a eus. Pourquoi alors les leaders de l’opposition refusent d’aller au référendum pour qu’on vote tout ça ? ». Voilà de façon schématique la question qui taraude l’esprit du commun des citoyens. Si le référendum est une forme normale de consultation de la population sur un sujet, tout comme les élections traditionnelles, dans le cas de celui envisagé au Togo, les enjeux sont bien particuliers. Il s’inscrit dans le moule global de la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord politique global (APG), avec pour objectif de tracer les sillons de l’alternance au pouvoir dont la confiscation a été identifiée par les parties prenantes aux discussions comme le nœud de la crise politique pluridécennale. Mais un référendum dans les conditions actuelles serait suicidaire pour cet idéal.
OUI ou NON, Faure gagnant à tous les coups
Au cours de ce référendum, il s’agira d’adouber en votant OUI, ou de rejeter en votant NON, la loi portant révision constitutionnelle adoptée par les députés RPT/UNIR le 19 septembre dernier et qui concernait (sic) trois (03) articles : le 52 consacré à la durée et à la limitation du mandat des députés et des sénateurs et où il est spécifié qu’il est de cinq (05) ans, « renouvelable une seule fois » ; le 59 relatif à la durée du mandat du Président de la République et à sa limitation dont la nouvelle mouture stipule : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans renouvelable une seule fois. Le Président de la République reste en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de son successeur élu » ; et le 60 qui consacre le mode de scrutin à deux tours. Un 4e article a été ajouté en catimini par le parti au pouvoir, après qu’il a rejeté les quarante-huit (48) amendements formulés par l’opposition et devant faire revenir à la Constitution de 1992 et surtout la phrase : « En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats » à l’article 59. Il s’agit du 158 où on lit à l’alinéa 2 : « Les dispositions des articles 52 et 59 ne sont pas applicables aux mandats réalisés et en cours du Président de la République et des députés». C’est ici que se trouve tout l’enjeu du référendum projeté.
Voter OUI, c’est consacrer le pouvoir à vie à Faure Gnassingbé, car les dispositions de cet article 158 s’appliqueront. Ainsi, à la fin de chaque quinquennat, ce mandat échu et l’autre en cours ne compteraient pas pour lui. A titre d’illustrations, les deux premiers quinquennats déjà effectués (2005-2010 et 2010-2015) et ce 3e mandat en cours ne seront pas pris en compte et Faure Gnassingbé aura le droit de briguer un 4e en 2020 ; en 2025, on fermera les yeux sur les trois mandats passés ainsi que le 4e en cours et il lui sera permis d’en briguer un 5e ; en 2030, les quatre mandats échus et le 5e en cours ne seront pas pris en compte et il pourra postuler à un 6e, ainsi de suite…Il s’agit donc d’une remise automatique et éternelle du compteur à zéro pour le Prince, qui se représentera aussi à la magistrature suprême autant de fois qu’il voudra, d’une légitimation par le peuple de ses envies de s’éterniser au pouvoir.
Voter NON implique que les Togolais refusent la limitation des mandats parlementaire et présidentiel proposée aux articles 52 et 59, puis le scrutin à deux tours, dans la nouvelle loi portant révision constitutionnelle adoptée par le pouvoir RPT/UNIR le 19 septembre dernier. Conséquence, les populations légalisent par référendum la Constitution du 31 décembre 2002, et donc le scrutin à un seul tour comme appliqué depuis lors, et la non limitation du mandat présidentiel…
Au demeurant, dans les deux cas, Faure Gnassingbé sort gagnant de ce référendum, et le peuple togolais sacrifierait ainsi l’alternance au pouvoir. Voilà la supercherie qui se cache derrière ce référendum mijoté et qui tient tant à cœur au RPT/UNIR. Ce n’est donc pas pour rien que Gilbert Bawara déclarait : « Nous irons jusqu’au bout en organisant le référendum à une date qui sera fixée prochainement »…
Tino Kossi
Source : Liberté
27Avril.com