Prestations exécutées en l’absence de contrats ou conventions dûment signés et approuvés par les autorités compétentes, marchés partiellement exécutés mais totalement payés, marchés non encore réceptionnés malgré l’expiration des délais d’exécution, manque de suivi des opérations de transferts monétaires NOVISSI, …
Ce rapport de la Cour des comptes qui désavoue la nomenklatura du Covidbusiness
On connaît les résultats du rapport de l’audit du Fonds de riposte et de solidarité covid-19 (FRSC), Gestion 2020, le fonds de concours créé par ordonnance n°2020-002 du 11 mai 2020. Mis en place par le gouvernement pour faire face de façon efficace aux effets néfastes de la pandémie, le FRSC est destiné au Financement de toutes les actions envisagées dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de riposte contre la pandémie du coronavirus. S’il a reçu le soutien des partenaires techniques et financiers tels que la Banque Africaine de Développement (BAD +FAD), l’Agence Française de Développement (AFD), la Banque Mondiale (BM – IDA), la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), l’Union Européenne (UE), le Fonds Monétaire International (FMI), l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), le moins que l’on puisse dire du contenu de ce rapport est on ne peut plus explosif, de par ses différentes observations et autres recommandations. Preuve, s’il en fallait une, que la bonne gouvernance n’est pas la chose la mieux partagée sous nos cieux. Dans ledit rapport effectué par la Cour des comptes, il n’y a pas que des points forts où il a été fait état de l’encadrement du « processus de mobilisation des ressources FRSC ainsi que leur utilisation dans le cadre des mesures de riposte, de résilience et de relance économique ». Les points faibles, il y en a, comme s’il en pleuvait. Au point qu’on peut se demander à juste titre comment en est-on arrivé à faire montre d’autant de laxisme dans la gestion de ces ressources.
Insuffisances criardes
Dès la « PRESENTATION ET ANALYSE DU DISPOSITIF OPERATIONNEL DU FRSC », plus d’un couac sautent aux yeux, notamment déjà dans le point 2.2 intitulé « l’Evaluation du dispositif du contrôle interne ». Le constat de la Cour est sans appel : « Ce dispositif comporte cependant quelques limites qui font appel aux observations suivantes : Observation n° 1 : Non-conformité de la nomination et des modalités de fonctionnement de la gestion d’avance de la CNGR COVID19 au Décret N° 2008- 092//PR du 29 juillet 2008 portant régime juridique applicable aux comptables publics. La nomination d’un gestionnaire d’avance à la CNGR implique l’ouverture d’une caisse d’avance avec un texte fixant les modalités de son fonctionnement (Conf. Décret N° 2008-092//PR du 29 juillet 2008 portant régime juridique applicable aux comptables publics, article 44, alinéa 5). La Cour a observé que l’acte de nomination du gestionnaire d’avance de la CNGR n’a pas respecté l’article 53 du décret sus-cité mais plutôt l’article 54 dudit décret.
De plus, la Cour a constaté que les modalités d’emploi de ces avances (fixation du plafond, justification de l’emploi des avances (Conf. Article 44 alinéa 5 du Décret 2008-092/PR)) n’ont pas été fixées. Il s’ensuit que : – Faute de plafond, le Coordonnateur National a donné procuration au gestionnaire d’avance de retirer des fonds quel que soit le montant, pour faire face aux besoins de la CNGR-COVID-19 ; – le Coordonnateur a donné procuration au gestionnaire des stocks pour retirer de l’argent sur ledit compte pour « faire face aux dépenses du comité de gestion de matériel et équipements sanitaires », en lieu et place du gestionnaire d’avance régulièrement nommé », note la Cour des comptes qui n’a pas manqué d’énumérer ce qu’elle appelle des «insuffisances » relevées dans l’application des textes relatifs à la gestion du matériel et équipements sanitaires. « L’arrêté n°2020-064/PM/RT du 24 juin 2020 relatif au comité de gestion du matériel et équipements sanitaire, indique en son article 3 que le comité de gestion est subdivisé en trois sous-comités : souscomité chargé de la gouvernance, sous-comité chargé de l’exécution comptable et sous-comité chargé du contrôle.
La Cour a constaté que le Comité de gestion établit régulièrement les bons de sorties mais ne tient pas une comptabilité d’inventaire conformément à l’article 7 du décret 2020-053/ PR». La non-conformité de la nomination et des modalités de fonctionnement de la gestion d’avance de la CNGR COVID19 au Décret N° 2008-092//PR du 29 juillet 2008 portant régime juridique applicable aux comptables publics, a été assortie de la recommandation de « prendre des dispositions pour mettre en conformité le fonctionnement de la gestion d’avance avec le texte en vigueur ».
Les insuffisances relevées dans l’application des textes relatifs à la gestion du matériel et équipements sanitaires, elles, sont assorties de recommandations portant sur la tenue régulière de la comptabilité des matières conformément aux dispositions du décret 2020-053/PR du 2 juillet 2020 et la formalisation et l’opérationnalisation des sous-comités avec des cahiers de charge bien établis. A partir de là, impossible de tourner une page sans qu’on ne remarque la moindre malversation, le moindre pas de clerc. Et la liste est longue : exécution de dépenses dans le nonrespect des règles de procédure de contrôle et de justification en matière de la dépense publique, opérations financières effectuées dans le non-respect des modes de paiement requis, rémunérations sans aucune base juridique payées aux membres des comités et à certains personnels dits d’appui, gestion du FRSC qui souffre d’une absence de coordination entre les actions des différents institutions, ministères, coordinations et comités, mauvaise application de l’arrêté N°2020- 026/PM/CAB du 31 mars 2020 portant réquisition d’hôtels pour faire face à l’épidémie de COVID19, vice de procédure dans la réquisition des structures d’hébergement au sens de la réglementation en vigueur, réquisitions irrégulières de structures d’hébergement, non création du comité technique chargé de la liquidation des indemnités, paiements sans garantie d’acquit libératoire, non-respect de la procédure de demande de cotation par les autorités contractantes, mauvaise application par les autorités contractantes de la procédure d’entente directe qu’elles ont utilisée, absence de description des spécifications techniques, prestations exécutées en l’absence de contrats ou conventions dûment signés et approuvés par les autorités compétentes, marchés ou conventions attribués aux entités inéligibles à la candidature de la commande publique, marchés partiellement exécutés mais totalement payés, marchés non encore réceptionnés malgré l’expiration des délais d’exécution, marchés exécutés avec retard ou non exécutés, date de clôture de l’audit, établissement de procès-verbaux non conformes, documents de la commande, non reversement du reliquat des transferts dans les caisses de de l’Etat, paiement des transferts monétaires aux personnes inéligibles au démarrage de l’opération, manque de suivi des opérations de transferts monétaires NOVISSI, non-conformité des modalités de transfert de fonds sur les comptes de TOGOCOM et MOOV Afrique-Togo au décret N°2020-053/PR, non-respect de la procédure de reddition des comptes prévue par le décret N° N°2020-053/PR, paiement de dépenses sans base juridique, la non mise en application de l’article 13 du décret 2020-053/PR du 2 juillet 2020.
Côté Mesure de résilience, ayant trait aux dépenses relatives au programme Novissi, à la prise en charge de la tranche sociale des factures d’eau et d’électricité, à la subvention du prix du blé et à l’achat du riz, le rapport estime à 13 169 951 746 F CFA la somme des deux volets du programme, d’autant que le Programme Novissi comporte d’une part les dépenses du Programme de transferts monétaires lui-même et les dépenses pour la mise en œuvre et le fonctionnement du programme d’autre part.
Là encore, des zones d’ombres subsistent : « Pour l’examen de ce programme, la Cour a adressé par lettre N°458.21/CC/PC du 27 octobre 2021 au Ministre de l’économie numérique et de la transformation digitale, une demande de production des états consolidés de l’exécution du programme NOVISSI au 31 décembre 2020 », a fait savoir la Cour, ajoutant : « Faute de réponse, la Cour, par lettres N°491.21/CC/PC et 492.21/CC/PC du 25 novembre 2021, a demandé aux Directeurs généraux de Togocom et MoovAfrique Togo la production des pièces justificatives de l’exécution des transferts monétaires effectués par chacune des sociétés. Ces derniers non plus, n’ont pas donné suite.
Le seul document obtenu dans ce cadre, est un fichier Excel transmis par la DGTCP le 20 décembre 2021 soit pendant la période d’adoption du présent rapport. Cette situation n’a pas permis à la Cour de procéder à un examen approfondi de ce dossier. Toutefois, les commentaires et observations préliminaires ci-dessous sont Formulés : – Au total 1.048.576 transferts ont été exécutés du 08/04/2020 au 11/05/2020 alternativement par Tmoney et Flooz pour un montant de : 12 220 470 250 F CFA ; – La gestion du programme NOVISSI a dégagé, sauf erreur ou omission un reliquat de 779 529 750 F CFA ».
Cet audit du Fonds de riposte et de solidarité covid-19, Gestion 2020 a le mérite d’avoir mis à nu des malversations qui suintaient déjà dans les manœuvres des tenants et aboutissants de ce que bien des Togolais appelaient déjà Covid business. L’arrivée de Covid a été une occasion pour beaucoup de gens de se remplir les poches avec l’avidité qu’on ne voit guère plus que chez les hommes qui n’ont plus de conscience. Ainsi va le Togo des Gnassingbé.
Le Correcteur N° 1085 du 7 février 2023
Source : 27Avril.com