Ce 29 février 2024, dans le début d’après-midi, un mort, un jeune homme d’à peine 29 ans. Il avait rejoint la prison civile de Dapaong, la veille, en provenance de la préfecture de Tandjouaré (fief du tout puissant ministre Yark). Cette énième mort, la troisième en l’espace de 24 h, est une mort de trop. Elles viennent s’ajouter à une série de mort par suffocation constatée, depuis le mois de février. Mais, comme dans une caserne de torture, personne n’en parle; de peur d’être pris pour cible. Des cadavres qui s’enregistrent suite aux luttes féroces contre les comas et des suffocations diurnes et nocturnes.
La nuit qui se couche sur la tanière des lions des Savanes, s’accompagnera encore des grincements, des cris, des tortures, des comas, et des morts. Pour ceux qui sont chez eux, tout se passe bien. Mais pour les prévenus, les condamnés, chaque fin de jour, marque le début d’une mort potentielle, dans les bâtiments de la prison. A chaque coup de cloche annonçant la fin de la fameuse journée du détenu, à partir de 16H30, s’accompagne avec la fameuse question « A qui le tour cette nuit ». Comme si c’était la dernière nuit, dans cette prison. Il s’agit du quotidien des détenus de la prison civile de Dapaong. Une situation devenue phénoménale chaque année, à la même période. Il s’agit de trois mois ( Fevrier-Avril) de souffrances; des maladies, d’abandon et des odeurs de morts, que connaissent les pensionnaires de la prison civile de Dapaong.
Pour les détenus du Batiment 1, 2, 3 et 4 de la prison civile de Dapaong, Chaque jour du trimestre Février-Avril, est un jour accompagné de l’ange de la mort. Celui-ci passe comme une faucheuse, accompagnée de la chaleur et des étouffements. A compter de février et Avril, les prisonniers redoutent cette période. Une période de chaleur et de soif. Une période de mort, et des maladies. Dans ces bâtiments contiguës et surpeuplés, seuls les durs survivent à la période de la chaleur. Même des survivants à la fin de cette période, perdent du poids, amaigrissent, attrapent des maladies, etc. Face à la pression de la chaleur, l’odeur humaine devient le parfum le plus partagé dans ces prisons. On voit des individus qui se mus comme des caméléons et des couleuvres. Ainsi surgissent les maladies infectieuses et virales.
Pour les agents pénitenciers, il faut préparer de l’eau et de la glace pour secourir ceux qui succombent. A chaque cri poussé dans un bâtiment, les sceaux d’eaux sont déversés pour sauver les plus téméraires et résistants. Pendant la nuit, on enlève des corps de ceux qui n’ont pas être sauvés. Le reste des faibles est admis dans les hôpitaux.
A la prison civile de Dapaong, l’être humain a perdu sa dignité d’enfant de Dieu. Ici, c’est la mort est l’objet du partage. La surpopulation, l’abandon, le déni, la négligence, et l’exploitation des détenus, est le comble. Dans cette prison, les magistrats ne peuvent rien face au trop plein des cellules. C’est une question de volonté politique. Pour une prison située en face de la préfecture de Tone, son locataire, Sambiani Douti Tchimbiandja n’en a cure. Il s’offre plutôt le luxe d’ignoré la souffrance des détenus. Lui qui se dit chrétien catholique ignore qu’il est écrit : « quand j’étais en prison, tu es venu me visiter ». Cette parole du Christ qui resonne, dans cette période de carême, ne dit rien, ni au préfet, ni au maire, encore moins au ministre de la justice Guy Nahm-Tchougli. Ce dernier devenu, ministre de la Justice, trois mois plutôt, en visite au Tribunal de Dapaong, n’a daigné rendre visite aux détenus et s’en rendre compte des conditions carcérales.
Dans cette partie du Togo dans laquelle, les militaires font la loi et le beau-temps, c’est le lieu emblématique où les innocents sont plus nombreux dans les prisons. Ils sont jetés et oubliés au gré des grands politiciens et des militaires et policiers. Pour des situations qui devraient être réglées à l’amiable, on préfère humilier les jeunes par la prison. Ce qui compte pour ces hommes forts du moment, c’est écraser les faibles. Chaque jour, les prisonniers arrivent, mais les audiences sont rares. Ils sont nombreux, ces détenus qui n’ont jamais rencontré un juge d’instruction. L’insensibilité a gagné les cœurs des hommes de Dapaong. Leurs cœurs de chair sont remplacés par l’argent et les cœurs de pierre. L’injustice, la domination des autres et l’exploitation des faibles contrôlent les esprits des politiques de cette région.
Comment comprendre, que chaque année, à la même période, les conditions climatiques tuent les gens, sans que personne n’ose prendre des décisions urgentes. A qui la faute? A qui profite le crime? Qui en sont les commendataires? Qui ne fait rien, alors qu’ils devraient faire? Pourquoi ce silence coupable devant la souffrance des humains, prisonniers soient-ils?
En tout état de cause, nul n’échappe à son destin, Malheur à ceux qui bâillonnent, subjuguent et dominent leur peuple. Malheur aux sensibles face à la faiblesse, et aux cris de l’innocent. Malheur à ceux qui ont choisi de vénérer l’argent que la dignité humaine. Malheur à ces gendarmes et policiers qui interpellent injustement des innocents au nom des intérêt politiques. Chacun répondra seul devant l’histoire et la nature. L’exemple du Burkina, du Mali, du Niger, de la Guinée, du Sénégal, du Tchad devrait interpeller sur le changement de position d’un jour à l’autre, et l’arrivée du Karma. Le christ l’a pourtant dit : « ce que vous voudrez qu’on fasse pour vous, faites pour les autres ».
Que chacun tire les conséquences de ces actes, devant la mort par suffocations des détenus de la prison civile de Dapaong. Le prisonnier est un homme.
C’est un SOS pour sauver des vies dans cette prison.
Ferdinand Ayité / FB
Source : 27Avril.com