L’Assemblée nationale a adopté vendredi un projet de loi portant création de 116 communes, à la majorité de 59 voix pour et 21 contre. La nouvelle législation est décriée par l’opposition qui critique un « règne de la division et du tribalisme » au Togo.
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Un nouveau pas vers la décentralisation
La loi votée par le Parlement togolais le 23 juin constitue un nouveau pas vers une gouvernance démocratique des collectivités décentralisées du Togo. Car les dernières (et seules) élections locales organisées dans le pays remontent à 1987. Si l’opposition ne cesse de réclamer la tenue de ce scrutin – et la fin de la gestion des communes par des délégations spéciales nommées par le gouvernement –, le pouvoir a toujours mis en avant la nécessité d’un processus ordonné qui déboucherait sur la mise en place de collectivités territoriales dotées de moyens juridiques et financiers conséquents. Paradoxe : l’adoption de la loi portant création des communes, qui devrait réjouir l’opposition en ce sens qu’elle amorce un véritable processus de décentralisation, fait plutôt grincer des dents.
Sur la base d’un regroupement de cantons ou de quartiers, 116 communes ont été créées. Un découpage réalisé, selon le ministre de l’Administration, de la décentralisation et des collectivités locales, selon des critères relatifs à la situation géographique, aux aspects sociologiques et historiques des cantons et quartiers. Les nouvelles communes ont été également créées en fonction de leurs potentialités économiques et de leurs caractéristiques démographiques.
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Les tensions autour du découpage
Les députés de l’opposition ont exprimé leur mécontentement à la suite de l’adoption de cette loi. Le découpage aurait été fait, selon l’Alliance nationale du changement (ANC), pour permettre au pouvoir de remporter un maximum de communes lors des prochaines élections locales. « Le gouvernement a créé les communes sans tenir compte du facteur déterminant qui est le nombre d’habitants, s’évertuant, à des fins électoralistes, à multiplier les communes dans les régions qu’il considère comme lui étant favorables au détriment des autres régions où il ne craint pas de maintenir voire d’aggraver la sous-représentativité des populations, notamment dans la perspective des élections municipales et sénatoriales », a dénoncé Isabelle Ameganvi, présidente du groupe parlementaire ANC.
Lors des législatives de 2007, rappelle l’ANC, l’opposition de l’époque, bien que largement majoritaire en suffrages (1 200 000 voix) s’était retrouvée largement minoritaire en nombre de sièges (soit 31 sièges) alors que le parti RPT au pouvoir, minoritaire en suffrages (900 000 voix), s’était retrouvé largement majoritaire au Parlement (50 sièges).
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Disparités nord-sud ?
La cartographie électorale à l’issue des différentes élections qui se sont tenues au Togo depuis l’ouverture du pays au multipartisme dans les années 1990 révèle un nord favorable au parti au pouvoir et un sud fertile pour l’opposition, même s’il faut noter un début d’émoussement de cette réalité lors des législatives de 2013 et à l’occasion de la présidentielle de 2015. Le parti du président Faure Gnassingbé ayant notamment effectué de beaux scores dans des bastions de l’opposition dans le sud du pays.
Pour l’opposition, la nouvelle loi consacre une « dérive tribaliste du régime » qui donnerait plus de communes au nord avec moins de population comparé aux régions du sud du pays. « Alors que la moyenne nationale du nombre d’habitants par commune est de 53 332 habitants (6 186 580/116, ndlr) le projet de loi crée des disparités qui vont de 36 664 habitants par commune dans la région de la Kara (nord) à 163 897 habitants par commune dans le Golfe (sud) en passant par 83 721 habitants par commune dans la région maritime (Sud) », relève Isabelle Ameganvi, présidente du groupe parlementaire ANC
Mais, rassurent les députés de la majorité, la loi portant création des communes a vocation a évoluer. « Le gouvernement a pris l’engagement devant les députés d’améliorer ce premier travail dans les années à venir pour que ce qui n’a pas été pris en compte y soit intégré », a indiqué Christophe Tchao, président du groupe parlementaire Union pour la république (Unir). Pas suffisant cependant pour calmer la colère des opposants à la loi.
Jeune Afrique