Togo, Pilotage automatique : Santé et Éducation, deux Secteurs à l’Abandon.

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L’action coup de poing initiée à la surprise générale par le SYNPHOT (Syndicat National des Praticiens Hospitaliers du Togo) après l’Assemblée générale du mardi 3 avril, a fait bouger les lignes. Il a fallu que médecins, infirmiers et assistants prennent d’assaut les locaux du ministère de la Santé pour que le très suffisant Moustapha Mijiyawa, habitué à faire la sourde oreille face au drame qui se joue dans les hôpitaux et centres de santé, se décide (enfin) à bouger de son luxueux bureau climatisé. Et pourtant, celui qui vient lui-même du secteur et qui connait bien les réalités n’a cessé d’être interpellé depuis plus d’un an par les praticiens.

 

Comme s’il n’était pas au service de la République, c’est-à-dire des citoyens qui sont les contribuables, le ministre en charge de la Santé a toujours classé sans suite les demandes d’audience du SYNPHOT, tout comme les courriers d’alerte sur les difficultés dans le secteur. En dehors des mouvements d’humeurs, des grèves et autres sit-in, le Professeur Moustapha Mijiyawa que certains qualifient du pire ministre de la santé n’a jamais voulu s’entretenir avec ses collègues médecins. Le 27 mars 2017, un courrier du Secrétaire Général du SYNPHOT sollicitait une audience : « Monsieur le Ministre, le Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo (SYNPHOT) a l’honneur de solliciter de votre bienveillance, un rendez-vous afin d’échanger avec vous sur les problèmes liés aux conditions de vie et de travail des agents de santé du secteur public de notre pays ». Silence radio ! Cette demande d’audience intervient après une tournée d’information des membres du Syndicat dans les formations sanitaires de Lomé et ses environs du 20 au 21 mars.

Le 10 juillet 2017, c’est-à-dire plus de 4 mois après la demande d’audience sans suite, le SYNPHOT transmet au ministre de la Santé et de la Protection sociale un cahier de doléances qui résument les difficultés du secteur (voir fac-similé). Ces doléances sont restées sans suite. Ne voyant toujours rien venir de leur ministre de tutelle, le SYNPHOT s’est vu obligé de recourir à une cessation de travail. Par courrier en date du 26 mars 2018, il informait le ministre en ces termes : « Depuis le 3 janvier 2018, notre secteur d’activités est marqué par des mouvements sociaux dans les formations sanitaires publiques de notre pays. En dépit de plusieurs jours de sit-in et de grève, nous déplorons l’absence de solutions aux différents problèmes qui entravent dangereusement l’administration des soins dans les hôpitaux publics. En conséquence, les agents de santé réunis au sein du SYNPHOT sont au regret de vous informer qu’ils sont dans l’obligation de poursuivre le mouvement de grève avec service minimum dans les formations sanitaires publiques du Togo du mardi 27 au vendredi 30 mars 2018. Les doléances déclinées en 4 points sont restées sans suite. Quelques jours plus tard, c’est-à-dire le 3 mars, le SYNPHOT relance une nouvelle grève avec les mêmes doléances. Toutes ces démarches, ces actions de grève avec leurs conséquences de morts dans les hôpitaux n’ont pas suffi à faire bouger le très suffisant ministre de la Santé de son fauteuil. Il se disait certainement que lorsque les grévistes seront fatigués, ils reprendront d’eux-mêmes le service. Il se contentait de son projet de contractualisation et de son plan de développement sanitaire 2017-2021. Pendant ce temps, les Togolais peuvent continuer par mourir. Il a fallu envahir son département pour qu’il bouge enfin son c… et que Selom Klassou se décide à créer un cadre de discussions. Les praticiens hospitaliers ne veulent pas se faire rouler dans la farine. Cette annonce du gouvernement n’a pas suffi à arrêter la grève. Ce fameux cadre qui s’ajoute à la longe liste qui existe dans tous les domaines, doit rapidement trouver une solution pour permettre aux millions de Togolais de bénéficier dans l’immédiat des soins de santé adéquats.

Outre les médecins, un autre secteur non moins important est loin de se calmer et ce, depuis la rentrée scolaire. C’est le secteur de l’éducation. Les jours de cours depuis la rentrée 2017-2018 le 4 octobre peuvent être comptés du bout des doigts. Le reste du temps est absorbé par la grève presque permanente des enseignants avec son corollaire d’occupation des rues par les élèves en vadrouille. Ici aussi les ministres en charge du secteur sont totalement aphones pendant que l’on continue d’agiter un épouvantail de cadre pour des discussions interminables. Face à l’ampleur de la grève et son impact, plusieurs experts dénoncent une clochardisation de l’éducation et craignent une année scolaire bâclée, au pire une année blanche.

Hier dans plusieurs quartiers de Lomé, les élèves étaient encore dans les rues si certains ne s’amusaient à déloger leurs camarades des établissements privés. Pendant que l’on peine à trouver les moyens pour calmer le front social, surtout l’éducation, des plaisantins, eux, mobilisent des centaines de millions pour un fameux forum présidentiel des jeunes. Un forum présidentiel pour des jeunes dont on peine à assurer l’éducation à travers un enseignement de qualité ? Voilà le paradoxe de la gouvernance approximative à la limite calamiteuse qui s’étale sous nos yeux.

Un pays à la dérive

Y a-t-il un pilote à bord ? Visiblement non. Le pays est en mode pilotage automatique. Le gouvernement du Premier ministre SelomKlassou est totalement inexistant. Il peine à faire face à des préoccupations élémentaires des Togolais. Santé, éducation, corruption, il est difficile de mettre un résultat positif à l’actif de ce gouvernement. Face à la situation métastasée du pays, SelomKlassou et ses ministres sont en panne d’initiatives. Mais ils excellent dans les détournements de tout genr,e en toute impunité. Les scandales financiers touchant les ministères et les projets au Togo se comptent par dizaines sans que personne ne lève le petit doigt pour sanctionner les auteurs. Quant à Faure Gnassingbé lui-même, sa préoccupation semble uniquement le fauteuil présidentiel. Pour ce faire, il concentre toute son énergie sur la conservation du pouvoir avec pour objectif à court terme, franchir le cap de 2020.

Le social en plein mandat social semble un vain mot, si ce n’est une arnaque. La déconfiture totale du pays, la crise politique aiguë et les violences qui en découlent, les arrestations tous azimuts par des services spéciaux qui opèrent comme la GESTAPO, le harcèlement des militants des droits de l’homme et des journalistes, enfin l’ébullition du front social viennent rappeler à tout un chacun, même ceux de mauvaise foi, que la situation échappe à tout contrôle et cet avion en mode pilotage automatique va inexorablement vers un crash

Source : L’Alternative No.694 du 06 Avril 2018

27Avril.com