C’est l’un des gisements les plus riches dont dispose le Togo. La qualité du phosphate togolais place le pays en bonne place : 5 premiers en Afrique et dans le monde. Mais force est de constater que malgré l’immensité de ce gisement, le pays reste toujours dernier de la classe dans la sous-région en matière de développement.
L’extraction de ce gisement qui normalement devrait profiter à tous les togolais est loin de la réalité. Les propriétaires dont les terres ont été expropriées pour l’extraction ne bénéficient d’aucune retombée. D’où la question de la réelle gestion du plus important gisement togolais. Projecteur sur l’extraction et la gestion du phosphate togolais …
Hahotoé, Kpomé, Kpémé, pour ne citer que ces trois villages, voilà les sous-sols qui regorgent des phosphates togolais. De jour comme de nuit, en saison pluvieuse comme en saison sèche, les Caterpillar et autres bulldozers sont constamment en action pour extraire le phosphate. Des bateaux aux larges des côtes togolaises attendant le chargement de ce premier gisement minier togolais. Les employés qui travaillent dans ces mines ne disposent pas de grands moyens pour se protéger, ils sont exposés ainsi à toute sorte de danger. Des grands et gros trous observés ci et là dans les zones concernées, un environnement pollué, la nature saccagée, des voies laissées dans un état piteux, des populations qui à vu d’œil sont l’expression de la misère au quotidien.
Selon les chiffres, tout comme le Maroc, le Togo regorge dans ses sous-sols un important gisement de phosphate. Et l’exploitation normale de ce gisement fait du royaume chérifien, l’une des économies les mieux portantes du continent africain. Mais visiblement la situation est loin d’être la même au Togo.
Le Togo malgré ses 7 millions d’habitants est loin de voir le bout du tunnel. D’après une étude de l’association ” Veille économique” dont les résultats sont compilés dans un document intitulé « PHOSPHATE DU TOGO », il est révélé qu’:«en terme de chiffre, la contribution du phosphate au PIB du pays était de l’ordre de 2, 3% en 2013, à et de 1,4% en 2014… ».
Un chiffre qui doit pousser à se poser des questions sur la gestion du phosphate du pays quand on sait que déjà en 1990, le phosphate représentait à lui seul 40% à 50% des recettes d’exportations du Togo. Révélations d’une étude de Jacques Girot (économiste français) paru en 1995 sur la situation énergétique de 34 pays africains.
En clair, les retombées de cette extraction sont loin de tomber dans les caisses de l’Etat mais plutôt chez un clan minoritaire.
Cette situation a donc poussé Dr Thomas Koumou, consultant en économie et finances à faire comprendre qu’il y a une opacité qui entoure la gestion du secteur minier togolais et ajoute qu’en 54 ans, l’exploitation du phosphate n’aurait aucun impact significatif sur l’économie du Togo. Triste réalité.
Selon un rapport signé The African Investigative Publishing Collective (AICP), (un consortium de journalistes d’investigation) et publié en octobre 2017, le constat est amère. Portant sur l’évolution de la corruption et la problématique des détournements de deniers publics dans sept pays africains dont le Togo, il ressort de ce rapport que la gestion de l’exploitation du phosphate togolais a effectivement été confiée à Raphael Edery, de nationalité marocaine.
Et selon la même source, ce dernier travaille en collaboration avec les gouvernants togolais les plus influents dans plusieurs domaines.
Et c’est dans cette complicité que le phosphate togolais se vend à vil prix.
Dans les rouages miniers, il se raconte que le phosphate togolais est vendu à 100 dollars US. Selon le rapport d’AICP outre la France, l’Inde, le Mexique et le Brésil, les principaux acheteurs du phosphate togolais ont pour noms Ashok et Amit Gupta, une famille indienne. Ashok Gupta qui est aujourd’hui l’un des plus grands actionnaires de l’hôtel du 2 février qui est secoué par des scandales divers.
Ainsi donc, à travers sa société de transport maritime Kalyan, la famille Gupta achète 90% du phosphate togolais. Cette emprise d’actionnariat fait d’elle « un clients privilégié » de la SNPT selon la fiche technique du Togo sur le site officiel de World Investment News.
Cette vente du phosphate togolais à un prix aussi bas n’est pas sans conséquence. Une évaluation de l’économiste Koumou indique une perte de 215 milliards survenus entre 2005 et 2010 pour le trésor public togolais. Devant une telle situation, il urge que les donnes puissent changer afin que ce gisement soit profitable à tous.
La mauvaise gouvernance…
Les gouvernants directs étant les plus impliqués dans ce dossier de vente à vil prix du phosphate togolais, il faut donc commencer par la tête. Puisqu’il est inadmissible qu’une famille, qu’un clan, qu’une minorité ou qu’un simple groupe d’amis véreux prenne en otage la richesse de tout un pays.
Aujourd’hui, la source de tout le mal togolais est la mauvaise gouvernance. Chaque directeur, chaque responsable, un petit patron dans son bureau décide de ce que bon lui semble, sans crainte, sans scrupule, sans inquiétude. Ils volent, pillent, détournent les biens et les derniers publics et baignent dans l’impunité high level parce que le sommet est plus que pourri. Pourtant, il existe ou plutôt, il est crée un instrument censé lutter contre la corruption.
Selon les normes de la démocratie et du développement, aucun pays ne se comporte de la sorte. Une analyse pilotée par l’association Veille Economique et publiée en 2015 suggère « un changement de business model dans le secteur minier » et surtout une alternance à la tête du pays parce que les gouvernants actuels ne voudront jamais que la situation change. Elle tourne à leur avantage. Ils y sont et pillent les richesses du pays.
Une fois ceci sera fait, le phosphate togolais profitera à tous. Les retombées ne suffiront jamais pour régler le problème des togolais. Oui, même si tel est le cas, il est important de commencer quelque part. Il y a le problème du clinker à Tabligbo avec les sociétés Wacem et Scan Togo qui sèment la désolation et la misère dans la zone de Tabligbo ou encore le fer à Bandjeli.
S’il faille commencer par le secteur minier notamment le phosphate, il est impérieux que la lutte commence. De là, les autres secteurs se sentiront concernés et les richesses nationales pourront enfin, être profitables à tous et au développement du pays.
Richard Aziague
Source : L’Indépendant Express
27Avril.com