Togo : Opacité persistante autour des exportations d’or et des phosphates

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Le dernier rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE) publié en toute fin d’année révèle la persistance d’épaisses obscurités autour des exportations d’or et de phosphate au départ du Togo.

Togo : Opacité persistante autour des exportations d’or et des phosphates

Le Togo n’exploite pas (encore) l’or, à grande échelle. Et pourtant la pierre précieuse continue d’être une des principales ressources minières exportées à partir du Togo. Environ 20 tonnes et demie d’or ont été exportées du Togo en 2014 par les deux sociétés accréditées (Waefx et Soltrans), renseigne le rapport. Le marché d’exportation de l’or a généré, selon le même document, un revenu de 8 milliards 132 millions de nos francs, plaçant ainsi le secteur troisième, en termes de revenu, derrière le phosphate et le clinker.

« L’activité de commercialisation de l’or et du diamant au Togo occuperait une place importante dans les activités d’exportation. En effet, selon les chiffres qui nous ont été communiqués par la DGMG (ndlr : Direction Générale des Mines et de la Géologie), les exportations d’or à partir du Togo dépassent les 20 tonnes au titre de l’année 2014. Selon cette même source toujours, la majeure partie de ces substances proviennent des pays limitrophes au Togo », indiquent les rapporteurs.

« Selon la DGMG, l’exploitation de l’or et du diamant au Togo s’effectue sous forme artisanale sur plusieurs sites alluvionnaires et aucune exploitation industrielle n’est opérée pour le moment. Il n’existe pas de chiffres officiels sur la production nationale. Toutefois et conformément à la même source, la production générée par l’exploitation artisanale sur le territoire national reste insignifiante par rapport aux volumes exportés. Cela n’a pas pu être corroboré par des études indépendantes », précise le rapport.

Selon la DGMG, seules deux (2) sociétés disposent d’autorisations de commercialisation des métaux précieux et pierres précieuses, à savoir SOLTRANS et WAFEX (Groupe AMMAR). Pendant que ces deux sociétés annonçaient avoir réalisé un revenu total de 8 milliards 131 millions FCFA, l’Etat de son côté avançait le chiffre de 20 milliards 712 millions ; soit une différence de 12 milliards 580 millions FCFA.

« La valeur de l’or exporté, déclarée par les sociétés aux services des douanes est de 1 000 FCFA (1,86 US$) le gramme. Cette valeur est trop loin de la valeur de l’or sur le marché internationale avoisinant 22 665 FCFA (41.95US$) le gramme en 2014. Cette pratique est de nature à minorer la valeur des exportations des ressources minières de la République du Togo et ne garantit pas un suivi rigoureux du rapatriement des recettes issues de ces exportations », commente le rapport. Les taxes sur la commercialisation de l’or sont donc calculées sur la base du tarif de 1000 francs par gramme, loin d’être la valeur réelle dudit produit.

Au-delà des chiffres, l’industrie de l’or au Togo est encore trop entourée d’épaisses couches d’inconnus. Si le gouvernement se contente de dire que les tonnes de la pierre précieuse exportées à partir de notre le pays viennent presque exclusivement des « pays voisins », le nom d’aucun pays n’est malheureusement cité. Naturellement on sait que le Ghana et le Burkina Faso disposent d’importants gisements d’or ; le Mali également. Et bien souvent, le Togo est cité par des ONG internationales comme pays de trafic de la pierre précieuse. Dans l’intérêt de la transparence promue par l’ITIE, les pays d’origine et les quantités précises devraient être connus. Dans le rapport, ni les origines ni les destinations ne sont communiquées par les opérateurs et le gouvernement. Déjà que même l’évaluation du coût des produits exportés diffère du gouvernement aux exportateurs, finalement le secteur de l’exportateur de l’or continue d’être un gros trou noir dans le domaine minier togolais.

A l’instar de l’or, le phosphate togolais aussi est enveloppé de voile noir qui permet difficilement d’avoir une visibilité sur la quantité et les valeurs exportées.

« Le CDDI (ndlr : Commissariat des Douanes et Droits Indirects) ne dispose pas de chiffres relatifs aux exportations de la SNPT. En effet, la société procède à l’exportation du phosphate directement à partir du Terminal qu’elle exploite et le bureau des douanes sur place n’est pas informatisé et ne dispose pas des moyens nécessaires permettant le suivi des exportations en quantités et en valeur ». Le constat était identique dans le rapport de l’année dernière portant sur l’exercice 2013. Rien n’a donc changé entre-temps sur la collecte des données réelles sur l’exportation de nos phosphates. A ce jour, il n’existe donc pas statistiques fiables sur l’industrie du phosphate togolais.

Le cas de la SNPT interpelle, encore. Depuis quelques années, le gouvernement a annoncé le redressement de cette société, entre-temps plongée dans un gouffre, avec de longues années sans comptabilité. Seulement, cette relance semble toujours plombée. Une grève perlée a handicapé le fonctionnement normal de l’usine depuis un temps. Une administration parallèle confiée à un lobby juif rend davantage la gouvernance plus opaque. Un certain Raphy Edery et son fils Iron Edery sont devenus les vrais patrons des phosphates togolais. Ils ont droit de véto sur la production et la commercialisation des minerais. Visiblement, même les tout-puissants services de douanes ne sont en mesure de fournir des statistiques fiables sur les quantités exportées et leurs valeurs.

On apprend quand même que le phosphate a généré en 2014 un revenu de 53 milliards 114 millions FCFA, faisant de lui le premier minerai exporté du Togo, devant le clinker qui a, lui, rapporté 26 milliards 282 millions F CFA.

L’objectif ultime de cette étude, selon ses auteurs, est « d’aider le gouvernement du Togo et les différentes parties prenantes à déterminer la contribution du secteur extractif au budget de l’Etat et dans l’économie et d’améliorer la transparence et la gouvernance dans le secteur ». Si le secteur mobilise d’importantes ressources, sa contribution à l’économie demeure encore insignifiante. En 2014, sur 100 produits exportés du Togo 31 étaient issus du secteur extractif. Et pourtant la contribution de ce dernier à la richesse nationale n’atteint pas les 3% (2,9% selon le rapport). Le budget, lui, n’en tire qu’une proportion de 2,6%. Toutes choses qui indiquent que même si les investisseurs tirent d’importants revenus de leurs activités, l’économie togolaise, elle, profite très peu de cette manne financière.

Avec la publication du rapport 2014 en fin d’année dernière, cela fait la 5eannée consécutive qu’ITIE Togo sacrifie à la tradition annuelle. Et si la régularité des rapports est un acquis, ce qui l’est moins est l’impact de ces rapports sur le secteur. Une routine tente de s’installer et, de rapport en rapport, les recommandations connaissent peu de satisfaction. Le processus ITIE risque ainsi de devenir une autre formalité sans incidence réelle sur les maux dévoilés.

Source : Mensah K., L’Alternative No. 580 du 10 janvier 2017

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