Togo, Novissi : Faire mieux que le folklore

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NOVISSI. C’est le nom du programme de revenu universel de solidarité initié par l’Etat togolais en faveur des couches défavorisées. Ceci, dans le but d’alléger la baisse de revenu journalier de celles-ci, du fait de la crise sanitaire et les mesures contraignantes. Après deux mois de mise en œuvre, ce programme provisoirement suspendu est diversement apprécié.

Prendre le taureau par les cornes

Tout faire pour éviter une propagation à grande échelle de la maladie à Coronavirus (Covid-19). C’est le défi principal que s’est lancé le gouvernement togolais depuis la détection, le 6 mars 2020, du premier cas positif au Togo. Aux grands maux, les grands remèdes, renseigne la maxime. Dans son adresse à la nation, le 1er avril, plusieurs mesures ont été prises par Faure Gnassingbé pour une lutte efficace contre le mal qui ronge le monde entier. Entre autres mesures, l’urgence sanitaire et le couvre-feu.

Instauré d’entrée de 19h à 06h du matin, avec un léger réaménagement par la suite, le couvre-feu a conséquemment impacté nombre de secteurs activités dont les acteurs ont vu leurs revenus journaliers drastiquement réduits. Fort heureusement, solution paléative a été préconisée à propos par l’autorité. Il s’agit de NOVISSI.

Dotations financières mensuelles de 12.250 FCFA pour les femmes et 10.500 FCFA pour les hommes, payables par quinzaine, ce programme d’aide sociale, à en croire Faure Gnassingbé, est conçu dans le but de mieux accompagner les secteurs d’activités à faible revenu, plus encore contraints au ralenti par les mesures préventives prises par l’Exécutif pour endiguer la crise sanitaire. L’Exécutif national venait ainsi de prendre le taureau par les cornes, l’enjeu étant de taille.

Satisfecit de l’Exécutif…

D’après les chiffres officiels, avec 11 milliards FCFA, ce programme d’assistance sociale a permis de toucher quelques 560.000 bénéficiaires en deux mois via une approche digitale. Un bilan dont se réjouissent à plus d’un titre, les autorités togolaises. «Novissi est un véritable succes story. Il représente une véritable rupture méthodologique avec le passé», se réjouit Cina Lawson, la ministre en charge de l’Economie numérique. «Nous ne nous attendions pas à l’engouement qu’il a suscité auprès de la population. Sur une projection de 2 millions d’enregistrement au quotidien, nous sommes arrivés à 11 millions de tentatives d’enregistrement au premier jour. Ce qui a bloqué le serveur et induit quelques problèmes techniques constatés aux premières heures du lancement du programme», a expliqué celle qui est également en charge du portefeuille des Postes et des innovations technologiques. Et d’entrevoir une perspective empreinte d’espoir : « Ce programme social préfigure la manière dont les programmes de filets sociaux et de transformation économique seront désormais mis en œuvre au Togo». C’est dire donc que NOVISSI est parti pour se pérenniser. Mais alors, comment?

…Et perspective

En effet, d’après les autorités togolaises, ce programme provisoirement suspendu sera de nouveau en vigueur, mais avec une nouvelle approche. Notamment celle cantonale en lieu et place de l’approche préfectorale précisément admise, en lien avec l’évolution de la maladie. «Novissi ira désormais aux populations des cantons qui auront enregistré un nombre élevé de cas positifs, nécessitant le bouclage de la zone», précise Cina Lawson. Outre les cantons, Novissi dans sa nouvelle version, a pour cible, les enseignants volontaires.

Pour les autorités, ce programme, malgré le caractère relativement insignifiant des montants affectés, aura tout de même apporté du soulagement aux populations bénéficiaires. Soit !

Du sérieux à la place du folklore

Au-delà du folklore et du tintamarre qui entourent l’organisation dudit programme, selon certains observateurs, une analyse rigoureuse des chiffres prouve que le Togo peut mieux faire.

En effet, l’évolution récente de l’actualité nationale révèle une série de mauvaise gouvernance fait de détournements tous azimuts de fonds et de malversations économiques. L’on ne citera, pour quelques exemples, les 600 millions FCFA de la participation du Togo à la CAN 2013, les 26 milliards de la route Lomé-Vogan -Anfoin, des centaines de millions détournés à la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (Nsct) conduisant à une série d’arrestation parmi le personnel, les 11 milliards FCFA qui se seraient récemment disparus à la Ceet, comme l’évoque une certaine presse, sans oublier le rocambolesque détournement de 500 milliards FCFA, par une seule famille, dans l’affaire qu’il convient de nommer «Pétrole Gate». L’on ne passera pas sous silence toutes les autres formes de fuite de capitaux du pays estimés annuellement à plusieurs dizaines de milliards.

Une meilleure gouvernance économique, la clé de voûte

C’est une évidence donc, au regard de ce qui précède, que le Togo a des ressources qui, une fois assainies par une réelle volonté politique, constitueront, de fait, la clé de voute de la véritable émergence du pays. En effet, c’est une évidence que si volonté politique il y a, il y a mille possibilités à l’Exécutif de bâtir, en lieu et place du dérisoire et des miettes tel que constaté avec NOVISSI, une véritable aide sociale sur le modèle des grandes démocraties où sans source de revenu, diplômés sans emplois, chômeurs, sans papiers, immigrés et autres cas sociaux sont pris en charge par l’État.

À l’instar du Sénégal, de la Côte d’Ivoire ou encore du Gabon où cette aide sociale vacille entre 50 et 100.000 francs par mois par ménage, le Togo peut étudier et adopter une grille propre à ses réalités et supportable pour le Trésor public. Une contribution conséquente qui, prise telle, devra véritablement soulager, et de façon permanente, les couches les plus vulnérables et défavorisées de la société togolaise. Lesquelles, d’après nombre de statistiques, touchent moins de 1 dollars par jour.

Dans un pays où une famille peut détourner, à elle seule, 500 milliards FCFA, pendant que l’on s’en réjouit de 2 milliards FCFA de la France pour la relance de ce programme, entre temps suspendu, l’on peut donc avouer, sans risque de se tromper, qu’une bonne gouvernance économique axée sur la lutte contre la corruption et l’impunité permettra au Trésor public de dégager de l’argent pour nourrir un bon nombre de togolais en difficulté, selon le principe de redistribution des richesses du pays…

Source : Fraternité No.360 du 08 juillet 2020

Source : 27Avril.com