Togo- Modification de la constitution: Analyse et position du Prof. Wolou Komi

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Dans un message audio, dont la transcription a été effectuée par la Rédaction, l’opposant Wolou Komi, Professeur agrégé des facultés de Droit, réagit à la révision constitutionnelle en cours à l’Assemblée nationale. Le président du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR) souligne que cette révision est illégale, étant donné que les mandats des députés en question ont pris fin le 31 décembre 2023. Selon lui, modifier la constitution dans une situation d’illégalité porte les germes d’un chaos social. Lecture.

Togolaises, Togolais, chers compatriotes,

Au nom du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR), parti que je dirige, moi, Professeur Wolou Komi, je prends la parole pour éclairer le peuple sur la modification de la constitution en cours à l’Assemblée nationale togolaise. Cette démarche suscite des observations sur le plan de sa constitutionnalité, sa légitimité et sur le plan éthique.

D’abord sur le plan de sa constitutionnalité, il s’agit de se demander si l’Assemblée actuelle, dont le mandat a pris fin, peut encore modifier notre constitution sans la violer. La réponse à cette question est certaine, l’Assemblée actuelle n’a plus le pouvoir de modifier la constitution togolaise. Certes, l’article 52, dernier alinéa dispose « Les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat sortant, par fin de mandat ou dissolution, restent en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de leurs successeurs ».

Il existe en droit un principe essentiel selon lequel la loi cesse là où cesse sa raison d’être. Chaque loi, chaque article, quel qu’il soit, a une raison d’être. Et c’est justement pour cette raison qu’il faut se demander quelle est la raison d’être de l’article 52, dernier alinéa. Il s’agit pour le constituant togolais de permettre, alors que le mandat des députés a pris fin, de répondre aux situations d’urgence, pour que l’État puisse faire face aux situations d’urgence alors que le mandat des députés a pris fin, ou encore lorsque l’État est dans l’impossibilité d’organiser les élections alors que le mandat a pris fin.

La situation actuelle dans laquelle la constitution togolaise est en train d’être modifiée ne correspond ni à une situation d’impossibilité, ni à une situation d’urgence. L’article 52 n’a pas pour finalité d’autoriser une prorogation artificielle du mandat des députés. Il existe une différence entre l’exercice d’un mandat et rester en fonction alors que le mandat a pris fin. Il en résulte que, normalement, cette assemblée dont le mandat a pris fin ne devrait même pas pouvoir être convoquée pour une session ordinaire, à plus forte raison pour la modification de la constitution qui est le texte fondamental de notre pays.

Peut-on imaginer un instant que l’Assemblée nationale, dissoute par exemple par le Président de la République et que les députés après la dissolution du Parlement se mettent à modifier la constitution alors que nous sommes dans l’attente des élections ? Cela aurait constitué un scandale et nous sommes persuadés que le Président de la République aussi nous pourrait admettre une telle situation.

Nous sommes dans un cas similaire. Le mandat des députés selon l’article 52 a pris fin. Ils sont simplement en fonction pour répondre aux situations d’urgence, pour donner à l’État le moyen de pouvoir réagir dans les situations d’urgence ou lorsqu’il s’avère que l’élection devient impossible. La loi cesse là où cesse sa raison d’être. Nous ne sommes pas dans cette situation alors le Parlement n’a plus l’entièreté de ses compétences.

Sur le plan de la légitimité, l’article 146 de la constitution togolaise dispose « la source de toute légitimité découle de la présente constitution ». De ce texte, il résulte que les initiatives de l’Assemblée nationale ne seront légitimes qu’autant qu’elles restent dans le cadre des attributions qui lui sont reconnues par la constitution. Or, en tenant compte des développements précédents, la constitution ne lui reconnaît pas le pouvoir de modifier les termes même de la constitution alors que nous sommes dans une situation de fin de mandat et qu’il n’y a ni urgence ni impossibilité d’organiser de nouvelles élections.

La précipitation dans laquelle se fait cette modification d’une dernière minute indique que l’Assemblée actuelle craint qu’après les élections qui s’annoncent, elle ne soit plus en mesure de procéder à une telle modification, ce qui suppose qu’elle est consciente elle-même de la situation d’illégitimité dans laquelle s’inscrit la modification en cours.

Sur le plan éthique, est-il normal qu’une Assemblée dont le mandat a pris fin se mette à modifier la constitution sans enfreindre les règles morales ou les principes moraux qui doivent sous-tendre l’action publique ? La politique sans éthique n’est qu’une aventure de destruction de la cité. Un auteur le disait clairement, de l’absence de l’éthique naît le chaos social.

Nous invitons le Président de la République à épargner le Togo d’un chaos social. Il est encore temps de faire marche arrière.

Pour toutes ces raisons, le Pacte socialiste pour le renouveau condamne fermement la démarche en cours actuellement à l’Assemblée nationale. Il importe, s’il est nécessaire de modifier la constitution togolaise, de le faire dans un esprit de consensus, après de réels débats, par une Assemblée qui suivra les règles conformes à notre constitution.

Modifier la constitution dans une situation d’illégalité porte les germes d’un chaos social. Il y a encore beaucoup de choses à dire sur le contenu des modifications envisagées, sur le plan même de leur constitutionnalité. Mais nous aurons l’occasion d’en parler. Pour l’instant, sur le principe même de la modification, la démarche est de toute évidence contraire à l’esprit de la constitution, notamment à l’esprit de l’article 52 dernier alinéa.

Vive le Togo.

Que l’éternel bénisse le Togo.

Je vous remercie.

Source : icilome.com