L’Archevêque de Lomé, Mgr Nicodème BARRIGAH-BENISSAN, s’est adressé aux fidèles chrétiens à l’occasion de la Journée Mondiale de la Paix, célébrée chaque 1er janvier. L’ administrateur Apostolique d’Atakpamé dans son message, s’est appesanti sur le « coronavirus sociopolitique » qui ronge le Togo tout en invitant ses concitoyens à retrouver le vrai sens du dialogue.
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Message de Mgr Nicodème BARRIGAH-BENISSAN
Archevêque de Lomé et Administrateur Apostolique d’Atakpamé
Pour la Journée Mondiale de la Paix Le 1er Janvier 2022
Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
Et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté.
Le compteur des jours de la nouvelle année marque son tout premier chiffre. Nous voici au 1er janvier de 2022. Au nom de notre Eglise-Famille de Dieu à Lomé et Atakpamé, je viens vous présenter mes vœux, en invoquant sur chacun de vous, la paix et la bénédiction de Dieu, avec la formule proposée par la première lecture de ce jour : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nombres 6,2426).
En repensant à ce que fut l’année 2021 avec ses joies et peines, ses succès et échecs, ses réalisations et espoirs déçus, je souhaite vivement que les douze mois à venir portent la marque d’une paix véritable, vécue dans la cohésion nationale, le bien-être partagé, la sécurité, la solidarité et l’amour mutuel. Que le spectre de la pandémie au Coronavirus qui depuis deux années, au plan sanitaire, hante notre vie commune, s’éloigne définitivement de nos pas avec son cortège de morts, de malades, de pauvreté, d’isolement imposé, de restrictions de liberté, de polémiques interminables au niveau scientifique. De même, que le « Coronavirus sociopolitique » résultant de nos diverses crises puisse être guéri en profondeur afin que les tensions sociales s’apaisent en cette année 2022 et que notre avenir commun soit vraiment plus harmonieux.
C’est à cette paix véritable que nous invite le Pape François, en nous proposant, un message particulièrement poignant, au nom de l’Eglise qui, depuis 55 ans, consacre le premier jour de l’an au thème de la paix.
Ce matin, en reprenant ce beau texte du Saint Père, intitulé « Dialogue entre générations, éducation et travail : des outils pour construire une paix durable » je voudrais, à mon tour, vous soumettre quelques réflexions inspirées les trois voies qu’il nous indique. Dès les premières lignes de son message, le Pape fait observer que le chemin de la paix « reste malheureusement éloigné de la réalité de beaucoup d’hommes et de femmes » et, que « malgré les multiples efforts visant à un dialogue constructif entre les nations, le bruit assourdissant des guerres et des conflits s’amplifie, tandis que des maladies aux proportions pandémiques progressent, que les effets du changement climatique et de la dégradation de l’environnement augmentent, que le drame de la faim et de la soif s’aggrave et qu’un modèle économique basé sur l’individualisme plutôt que sur le partage solidaire continue de dominer. Aujourd’hui encore, comme au temps des anciens prophètes, la clameur des pauvres et de la terre ne cesse de s’élever pour implorer justice et paix. »
Convaincu qu’ « A chaque époque, la paix est à la fois un don du ciel et le fruit d’un engagement commun » le Pape François invite chacun de nous à « collaborer à la construction d’un monde plus pacifique : à partir de son propre cœur et des relations au sein de la famille, dans la société et avec l’environnement, jusqu’aux relations entre les peuples et entre les États ».
Le Dialogue
Le premier chemin sur lequel, le Saint Père nous invite à nous engager est celui du dialogue intergénérationnel pour la construction de la paix. Dialoguer est essentiel à toute vie sociale. Mais toute conversation n’est pas forcément un dialogue car pour être sincère le dialogue « requiert toujours une confiance fondamentale entre les interlocuteurs. » Il consiste à « s’écouter, discuter, se mettre d’accord et cheminer ensemble. »
C’est ce dialogue sincère qui est au cœur de la marche synodale initiée depuis quelques mois dans notre Eglise-Famille de Dieu afin de renforcer notre communion, notre participation et notre mission de baptisés. Je vous invite à vous y engager avec joie.
Le Togo, notre Pays, tout au long de son histoire, a connu de nombreuses tentatives de dialogue qui, hélas, ont déçu nos attentes parce qu’elles ont été menées sans confiance et bonne foi entre les interlocuteurs. Les Togolais se sont trop mentis et trompés ; ils ont mené souvent des « monologues à plusieurs voix » sans trop chercher à bouger de leurs positions. Nombreux sont ceux qui ne croient plus au dialogue parce qu’ils n’y voient qu’un jeu de dupes. Malheureusement, nous le savons, tout peuple qui tourne le dos au dialogue s’engage dans une voie sans issue : celle de la force, de la violence et de l’oppression.
Je voudrais saisir cette occasion pour inviter les Togolais à retrouver le vrai sens du dialogue en acceptant les points de vue différents, divergents et parfois contrariants ; à dialoguer dans le respect des personnes et de leur dignité mais dans la vérité ; dialoguer même lorsqu’on a été blessé ; dialoguer en apprenant de ses maladresses ; dialoguer pour construire ensemble notre pays. Un tel dialogue ne doit pas se limiter à la sphère politique mais commencer dans nos familles pour s’étendre à nos écoles, quartiers, relations de travail, communautés de foi et associations. De fait, si nous n’apprenons pas à dialoguer à ces niveaux, il nous sera bien difficile de le faire par la suite dans le domaine politique.
Le dialogue est donc une attitude fondamentale qu’il importe de promouvoir dans tous nos milieux de vie ; cependant il existe un type de dialogue auquel le Pape attache une importance toute particulière : c’est le dialogue entre les générations. Aujourd’hui, en effet, les personnes âgées se sentent de plus en plus seules, marginalisées et coupées du monde par une technologie qu’elles ne maitrisent pas. Même dans leurs propres familles et maisons, elles sont de plus en plus ignorées et isolées. En réalité, écrit le Pape « les jeunes ont besoin de l’expérience existentielle, sapientielle et spirituelle des personnes âgées » tandis que « les personnes âgées ont besoin du soutien, de l’affection, de la créativité et du dynamisme des jeunes. »
L’Education
Voilà le deuxième chemin que propose le Pape pour la paix. Ici encore, le Saint Père commence par un triste constat : aujourd’hui, dit-il, nos Etats consacrent plus d’argent à préparer la guerre qu’à éduquer à la paix: « Ces dernières années, le budget consacré à l’éducation et à l’instruction, considérées comme des dépenses au lieu d’investissements, a été sensiblement réduit dans le monde entier. (……)Les dépenses militaires, en revanche, ont augmenté, dépassant le niveau enregistré à la fin de la “guerre froide”, et elles semblent devoir croître de manière exorbitante. »
Voilà pourquoi Pape invite chacun de nous, individus et Etats, à faire de l’éduction une priorité pour la paix. Il nous exhorte, sur ce plan, à ne pas confondre l’éducation avec l’instruction : l’instruction, c’est l’acquisition de connaissances grâce à l’enseignement. L’éducation, c’est d’abord le développement de la capacité d’être soi tout en étant avec les autres, à ménager ses relations avec eux, à participer à la vie sociale, à intérioriser la culture commune.
A juste raison, le Pape recommande aux Gouvernants de consacrer une bonne partie des sommes allouées indûment à l’achat des armes, au développement de l’instruction pour les jeunes et l’alphabétisation pour les adultes. Mais il importe également que soient créées les conditions pour la formation de bons citoyens, à travers la transformation des cœurs, la formation des consciences et l’attachement au bien commun ; en d’autres termes, il importe de recourir à d’autres canaux d’éducation pour réussir un tel développement intégral. Et c’est précisément à ce niveau que doit se situer la mission de l’Eglise : éduquer aux valeurs qui garantissent la croissance intégrale de la personne humaine.
Le travail
Tel est le troisième chemin que propose le Pape François : « Le travail est un facteur indispensable pour construire et préserver la paix. Il est expression de soi et de ses propres dons, mais aussi effort, fatigue, collaboration avec les autres, puisqu’on travaille toujours avec ou pour quelqu’un. Dans cette perspective fortement sociale, le travail est le lieu où nous apprenons à donner notre contribution pour un monde plus vivable et plus beau. »
« La pandémie de Covid-19, écrit le Pape, a aggravé la situation du monde du travail, qui affrontait déjà de multiples défis. Des millions d’activités économiques ont fait faillite ; les travailleurs précaires sont de plus en plus exposés ; beaucoup de ceux qui assurent des services essentiels sont davantage ignorés de la conscience publique et politique ; (…..). Les jeunes qui entrent sur le marché du travail et les adultes victimes du chômage font face aujourd’hui à des perspectives dramatiques. »
Afin que le travail contribue effectivement à la consolidation de la paix, le Pape François formule quelques propositions bien pertinentes inspirées par la Doctrine Sociale de l’Eglise.
Il recommande d’être prudents à l’égard de la technologie pour qu’en se servant d’elle pour améliorer la qualité du travail, l’on n’en vienne pas à la substituer à l’homme lui-même : « on ne doit pas chercher à ce que le progrès technologique remplace de plus en plus le travail humain, car l’humanité se dégraderait elle-même. »
Il exhorte également à « promouvoir dans le monde entier des conditions de travail décentes et dignes, orientées vers le bien commun et la sauvegarde de la création. » Cela signifie qu’il faut veiller à ce que « le profit ne soit pas l’unique critère-guide » dans le domaine du travail.
Le Pape invite, enfin, à trouver « un juste équilibre entre liberté économique et justice sociale » afin que les industries et sociétés se soucient davantage des populations démunies qui ne bénéficient pas des avantages de leurs réalisations. Sans cet effort commun d’«élaboration d’un pacte social », il est évident que « tout projet de paix est inconsistant. » Notre pays réalise beaucoup d’efforts dans le domaine du travail et il convient de lui en savoir gré. Cependant, beaucoup de citoyens ne sentent pas d’amélioration dans leur vie quotidienne parce qu’ils n’ont pas de travail ou que leur occupation ne leur permet pas de gagner décemment leur vie. Continuons donc d’œuvrer ensemble pour que chacun ait un travail ; que l’accès au travail ne soit pas conditionné par des facteurs discriminatoires et que l’exercice de ce droit fondamental soit plus décent et plus digne.
Chers frères et sœurs et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté,
Au seuil de cette année prenons la résolution de nous engager dans ces trois voies proposées par le Pape François en comptant sur la bénédiction de Dieu que j’invoque abondamment sur chacun de vous.
Bonne et Heureuse Année à vous ainsi qu’à tous les Togolais.
Source : icilome.com