Une mission de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), on le rapportait dans la parution d’hier, est annoncée au Togo, en vue d’une médiation pour la résolution de la crise politique née depuis bientôt deux mois. Si l’initiative est louable, c’est l’identité de la cheffe de délégation, Aïchatou Mindaoudou qui choque, connaissant son parti pris pour la monarchie en place. Ajouté au cas Ibn Chambas, le choix de cette dame n’est que la consécration du mépris continu dont fait preuve la communauté internationale à l’égard du peuple togolais, en envoyant à son chevet des complices de la dictature monarchique en place et en noyant ses aspirations…
Intérêt louable de la communauté internationale
Ce serait de la malhonnêteté que de ne pas le reconnaitre. Le combat enclenché par le peuple togolais depuis bientôt deux mois pour sa libération du joug des colons locaux bénéficie, pour l’une des rares fois de sa longue marche démocratique, de l’intérêt de la communauté internationale, qui dépêche des émissaires et missions de médiation dans notre pays.
Mohamed Ibn Chambas, c’est lui qui a ouvert le bal, dans le cadre des démarches pour la résolution de la crise politique née depuis les manifestations du 19 août dernier organisées par le Parti national panafricain (PNP). Le Chef Bureau Afrique de l’Ouest et du Sahel de l’ONU était à Lomé, à la veille des premières manifestations conjointes de la coalition de l’opposition les 6 et 7 septembre. Le fameux représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU est venu rencontrer Faure Gnassingbé, ainsi qu’une délégation de l’opposition. Autre signe de l’intérêt porté par l’ONU au dossier togolais, son Secrétaire Général Antonio Guterres, a échangé avec le Premier ministre togolais Komi Selom Klassou, en marge du sommet de l’ONU à New York et enjoint le gouvernement d’organiser un dialogue constructif ; illustration suffisante de son opposition au référendum mijoté par le pouvoir de Lomé.
Aujourd’hui, c’est l’OIF qui se préoccupe de la situation du Togo et mandate une mission, qui y séjournera du 10 au 13 octobre. Conduite par Aichatou Mindaoudou Souleymane, ancienne ministre des Affaires étrangères du Niger et ex- Représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire (Chef de l’ONUCI), la mission est censée « analyser le contexte sociopolitique global et identifier les secteurs pour lesquels l’action de la Francophonie pourrait être utile à cette étape ». Et pour ce faire, la délégation devra rencontrer les gouvernants en place, l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile, les responsables d’institutions impliquées dans la vie démocratique, ainsi que les partenaires bilatéraux et multilatéraux.
Entre-temps, c’est le Président de la Commission de la CEDEAO, Marcel de Souza, qui était dans nos murs, pour le même exercice de médiation.
Les lignes ont manifestement bougé de la part de la communauté internationale, et au-delà de ces missions tous azimuts dépêchées dans notre pays, le travail abattu par la presse internationale sur la situation est aussi louable. Mais cela n’occulte pas un mépris manifeste à l’égard du peuple togolais, au vu de l’identité et de la nature de certains émissaires dépêchés dans notre pays, des obligés de Faure Gnassingbé qui ont laissé des empreintes négatives au Togo qui sont envoyés.
Du mépris ostentatoire pour le peuple togolais
Mohamed Ibn Chambas est en partie responsable des malheurs actuels du peuple togolais, de par son implication, dans la succession dynastique au pouvoir au Togo, mieux, complice du pouvoir en place. Alors que le peuple togolais aspirait à l’alternance en 2005, après avoir supporté le règne de 38 ans du père, ce fameux diplomate, pourtant originaire d’un pays référence en matière de démocratie en Afrique de l’ouest, le Ghana, s’est employé à ce que le fils monte au pouvoir. Actif depuis la mort d’Eyadema, il a participé à l’avènement effectif de Faure Gnassingbé au pouvoir, dans un bain de sang. Alors que l’opposition et le peuple tout entier dénonçaient le processus électoral et pressentaient une tragédie, Ibn Chambas avait fait la sourde oreille. Après avoir participé à installer Faure Gnassingbé au pouvoir, contre le gré du peuple, il s’est employé à ce qu’il reste même au-delà des deux mandats légitimes acceptés en démocratie ; ce qui l’avait conduit, dans le cadre de la présidentielle de 2015, à demander à Jean-Pierre Fabre de laisser le Prince briguer un 3e mandat.
Son pendant féminin n’est autre qu’Aïchatou Mindaoudou, qui avait joué le même rôle funeste. A l’époque ministre des Affaires étrangères du Niger dont le chef de l’Etat, Mamadou Tandja était le président en exercice de la CEDEAO, elle s’était investie en 2005 pour la succession dynastique au pouvoir au Togo, avec un zèle inouï, se permettant même de traiter d’« irresponsable » le ministre de l’Intérieur et de l’Administration électorale d’alors, François Akila-Esso Boko, pour avoir démissionné le 22 avril 2005, à 48 heures de l’élection présidentielle qu’il pressentait sanglante…Un « organisateur d’élections ne peut abandonner la barque à un tel moment fatidique du processus », avait-elle chargé. Mais la suite, on la connaît : hold-up électoral, contestation populaire, répression violente, 1000 morts – 500, selon l’ONU -, plus de 5000 blessés par balles et autres armes, environ 60 000 autres Togolais exilés.
Pour sa partition funeste à la succession monarchique au pouvoir, son parti pris ostentatoire en faveur du pouvoir Faure Gnassingbé et sa complicité avec le régime, Ibn Chambas est disqualifié pour incarner toute mission de médiation entre la classe politique. C’est ce que la coalition de l’opposition a d’ailleurs rappelé, dans un communiqué daté du 27 septembre dernier, et de désavouer le diplomate onusien, après son intervention biaisée sur les ondes de BBC sur le dossier togolais où il montrait son parti pris pour le référendum verrouillé d’avance projeté par le pouvoir. Le cas Aïchatou Mindaoudou n’est pas moins scandaleux. Rien qu’à savoir qu’en plus de son soutien pour le pouvoir en place, elle est envoyée au Togo par l’OIF, qui a participé à la fameuse consolidation de l’audit du fichier électoral et dépêché une mission au Togo dans le cadre de la présidentielle de 2015 conduite par le Général Siaka Sangaré et été témoin du braquage électoral, on a le droit de râler. Cette institution dont la mission a élaboré un rapport sur la situation, a été interpellée à maintes reprises par l’opposition suite au scrutin de 2015 ; mais elle a brillé par son indifférence.
Les Togolais ne peuvent ressentir la chose que comme du mépris de la communauté internationale qui prend soin de n’envoyer à son chevet que des complices du régime en place. Il ne reste peut-être que Louis Michel, le griot blanc des Gnassingbé, pour que la liste soit complète. Il est au demeurant légitime de se demander si la communauté internationale ne considère pas le peuple togolais comme des sous-hommes. Car sous d’autres cieux, elle ne peut pas avoir le courage d’envoyer ces genres d’émissaires récusés par les populations… Comme une consécration de ce mépris dénoncé, dans un communiqué conjoint rendu public hier, la CEDEAO, l’Union Africaine et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et du le Sahel demandent au gouvernement de fixer la date du référendum, prenant parti pour le pouvoir Faure Gnassingbé. Le hic, pendant que le peuple est dans la rue sur toute l’étendue du territoire et réclame le retour de la Constitution de 1992.
Tino Kossi
Source : Liberté
TogoActualité.com