Marée humaine. C’est l’expression utilisée par nombre d’observateurs pour qualifier la forte mobilisation des Togolais lors de la manifestation pacifique du samedi 16 décembre 2017, à Lomé. Cette manifestation est la 20ème mobilisation populaire enregistrée depuis le 19 août 2017, date de la manifestation du Parti national panafricain (PNP) réprimée dans le sang. Pour l’occasion, la parole a été donnée aux manifestants qui ont réaffirmé leur désir d’alternance démocratique.
« On ne combat pas un peuple aussi déterminé et espérer le vaincre. Celui qui dirige le pays au nom du peuple ne peut pas être insensible à une si grande marée humaine », a déclaré Antoine Foly, Délégué général de l’UDS-Togo, membre de la coalition des 14 partis politiques. C’était le premier responsable politique à prendre la parole à l’arrivée au point de chute de la manifestation.
La parole a été ensuite donnée aux manifestants afin qu’ils s’expriment sur la lutte et les derniers développements de l’actualité. Sur la dizaine d’interventions, les questions ont porté sur le choix des protagonistes devant prendre part au dialogue en vue. Les manifestants ont affirmé leur souhait de ne pas voir la coalition prendre part à des discussions avec d’autres « partis politiques qui se disent de l’opposition, mais travaillent pour le régime RPT/UNIR ». Certains ont également exprimé leur envie de durcir le mouvement pour que la lutte s’achève dans un bref délai. « Nous devons trouver les voies et moyens pour une mobilisation en vue de finir la lutte en deux semaines », a proposé un manifestant.
Si depuis le début des manifestations, les Togolais ont affirmé ne compter sur eux-mêmes, certains se demandent pourquoi la Communauté internationale et la France sont si silencieuses sur la situation qui prévaut dans le pays. D’autres manifestants se sont prononcés par rapport au silence de Faure Gnassingbé. « Si Faure Gnassingbé ne parle pas par ce que nos manifestations chutent à la plage, il faut que nous allions à la présidence de la République. C’est là que se trouve ce que nous recherchons », a déclaré un autre manifestant sous les ovations de la foule. Des questions relatives à la cohésion de la coalition et à la crise qui secoue le secteur de l’éducation ont été également posées.
Pour répondre aux préoccupations des manifestants, Fulbert Attisso, président du parti « Le Togo Autrement » a été le premier à intervenir. Par rapport à l’envie des populations de marcher sur la présidence, il a estimé que les partis politiques de l’opposition ne peuvent pas donner cet ordre parce que le peuple est souverain. « Dans les pays où il y a eu des insurrections populaires, aucun homme politique n’a demandé au peuple d’aller à la présidence. Les peuples l’ont fait d’autorité sans recours aux partis politiques. C’est le cas de la Tunisie, de l’Egypte et du Burkina Faso voisin », a-t-il dit.
Sur la cohésion au sein de la coalition de l’opposition, Jean-Pierre Fabre a assuré que les partis politiques s’efforcent « à rester unis » en minimisant les divergences d’opinion qui ne concourent pas à l’aboutissement de la lutte. Le président national de l’ANC est également revenu sur les préalables aux discussions. « S’ils remplissent les conditions, on commence. S’ils ne le font pas, on attend », a-t-il martelé.
Dans une interview accordée à la fin de la manifestation, le président par intérim du Parti des Togolais, Nathaniel Olympio a salué la détermination des Togolais. « Depuis que nous avons commencé cette mobilisation, le peuple a manifesté son engagement et surtout dans la durée. Vous avez constaté que nous n’avons jamais eu autant de personnes dans les rues que ce jour. Cela veut dire d’une part, que les populations commencent à croire que la victoire est au bout, et d’autre part que cette victoire n’est plus loin. C’est une source de galvanisation et on voit que les populations nous demandent de manifester le 25 décembre et le 1er janvier. Ce qui veut dire que le peuple est prêt à sacrifier ces moments de gaieté et de loisir parce que ce qui est plus cher pour eux aujourd’hui, c’est la démocratie, l’Etat de droit et la liberté », a-t-il souligné.
La manifestation se tenant le même jour que le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao, Nathaniel Olympio a précisé que la crise au Togo a été évoquée lors de cette rencontre à Abuja. « D’abord, le peuple togolais ne compte que sur lui-même. Ensuite, tous ceux qui veulent accompagner le processus de crise, nous les accueillons à bras ouverts. Mais il faut que les choses se fassent dans l’intérêt du peuple », a-t-il martelé.
La coalition a fait cas de l’arrestation d’un militant du PNP à la fin de la marche du jeudi 14 décembre 2017. Ce dernier a été ensuite déposé à la prison civile de Lomé. Les arrestations se poursuivent donc alors que le gouvernement dit avoir pris des mesures d’apaisement.
Géraud A.
Source : Liberté
27Avril.com