En France, le septennat n’existe plus. Le Togo s’est inspiré de ce pays pour produire ses textes de justice. Seulement, avec des juges qui donnent l’impression d’être rivés à leurs postes, l’impression générale au sein du reste des magistrats est qu’un système de septennat est instauré à certains postes, faisant de l’affectation des magistrats une équation à géométrie variable.
Est-il juste ou équitable que pendant que des magistrats sont affectés sans raison éthique et déontologique –comme la hiérarchie aime tant se référer à ces deux mots-, ou simplement pour avoir touché à des dossiers sensibles qui mettent en cause d’autres juges haut placés, d’autres paraissent assis sur du chewing-gum ou semblent rivés à leurs postes ? Le ministre de la Justice ne pourra plus faire semblant de les ignorer, parce que non seulement ils ne sont pas indispensables, mais pire, ils sont devenus nuisibles et produisent désormais des résultats qui laissent à désirer.
Quelques exemples qui illustrent les septennats invisibles : parquet d’instance de Lomé, parquet général de Lomé, Direction de l’administration pénitentiaire, Direction des nationalités, direction du Centre de formation des professions de justice, premier et 2ème substituts du parquet d’instance, le président de la 1ère Chambre correctionnelle et plein d’autres postes que les magistrats eux-mêmes connaissent bien. Soit dit en passant, le genre y est bien représenté, les deux dernières directions étant occupées par des femmes. Un coup d’oeil synoptique étale les tares qui ont fini par gangrener ces postes et leurs responsables, ceux-ci ayant trop fricoté avec les justiciables, ont fini par pousser des cornes et développer des réflexes de paon et non de résultats.
Sept ans à faire la même chose pour un magistrat, c’est comme désapprendre. Et pourtant, la fonction a d’autres aspects à explorer d’une part, et d’autres magistrats aussi devraient faire l’expérience de ceux qui n’ont que trop duré aux mêmes endroits. En français facile, on parle d’immobilisme nocif. C’est à croire qu’ils n’ont pas d’autres qualifications pour aller voir ailleurs. Or, la gangrène a commencé à les phagocyter depuis. Juste quelques exemples.
Concours au centre de formation des professions de justice (CFPJ). Pour avoir approché des enseignants et d’autres sources, il est ressorti que là-bas, le problème majeur auquel fait face le centre et qui risque de lui être préjudiciable se résume à la personne de la directrice générale. On n’en veut pour preuve que les difficultés éprouvées à organiser un concours fiable et équitable reconnus par tous les citoyens. Les derniers résultats et la démission du président du conseil scientifique ont révélé que le ver est dans le fruit. Le concours a été objet de critiques par certains citoyens de certaines régions. A ce qu’on sache, l’intelligence ne s’est pas encore parée d’atours géographiques ou régionalistes. Mais au CFPJ, elle en a l’air.
Direction des nationalités. Obtenir ce précieux sésame s’apparente à un parcours du combattant, sans compter les dessous de table pour faire avancer un dossier au détriment d’un autre. Des délais de délivrance anormalement longs, une centralisation mortifère qui pénalise des citoyens de certaines parties du Togo. Une situation qui émeut très peu la directrice de cette structure, occupée à tout sauf à l’amélioration des conditions de délivrance. Si ce n’est pas la direction qui doit améliorer la situation, pourquoi alors y maintenir quelqu’un qui n’est pas productif ?
L’administration pénitentiaire. De nombreux détenus et prévenus ont été oubliés par leurs familles, les rendant dépendants des repas servis par l’administration. Mais depuis des années, seul un repas quotidien est servi aux pensionnaires des prisons du Togo. On se demande si finalement la cible des Objectifs de développement durable relative à « la faim zéro » ne devrait pas aussi concerner les prisons civiles du pays. Car un détenu abandonné par sa famille, équivaut à un seul repas consommé par jour. Et encore, il suffit de se pencher sur la « qualité du repas » et la boucle sera bouclée. C’est à croire que la direction est juste un paravent, sans objectif d’amélioration de la situation des détenus et prévenus.
Les parquets –général et d’instance-, parlons-en surtout. La corruption a pris le pas sur la qualité du travail. La démotivation consécutive à la familiarité avec des justiciables des années durant a fait le lit à l’injustice. Procureurs et substituts banalisent la liberté des prévenus alors qu’en cas de doute et sans indices graves et concordants, la liberté prime sur la détention. Et malgré les bourdes des substituts, le procureur de la République garde un silence complice qui n’est que la convergence des années de sombres collaborations. Le dernier exemple est ces deux jeunes agents de RAMCO qui, pour avoir dénoncé un voleur récidiviste, ont été déposés par un substitut qui ne dispose pas d’indices graves ni concordants d’une part, et qui n’a pas pris la peine de remettre le dossier à l’instruction avant de partir en congé. Et sa hiérarchie n’ose pas lever le doigt. Ethique et déontologie, où êtes-vous ? La justice togolaise est à votre recherche.
Eviter de déshabiller Pierre pour habiller Paul surtout
Il est constant que les jeux de chaises musicales sont courants au Togo. Seulement ici, il est question d’hommes qui sont devenus improductifs avec les années. L’erreur à ne pas commettre est de vouloir promouvoir ceux qui ont vieilli à leurs postes en les parachutant à d’autres fonctions encore plus sensibles, ou en gardant les mêmes, mais juste par un jeu de chaises musicales. On veut croire qu’il n’en sera pas de même pour Messieurs Kodjo Gnambi Garba, Essolissam Poyodi, Idrissou Akibou, Mesdames Fiawonou-Soukoudé et Kobauyah Tchamdja Kpatcha. Et d’autres encore comme Abli Poutouli, président de la Première Chambre correctionnelle, Mawunou Placide-Clément, 1er Substitut du Procureur Poyodi ainsi que le 2ème Substitut. Si, comme le ministre l’a souvent claironné, les magistrats n’ont pas de plan de carrière, comment expliquer alors que certains soient rivés à leurs postes, comme si eux, avaient un plan de carrière ?
Dans la magistrature, ce sont les critères de grade et de compétences qui guident l’avancement des juges. Nombreux sont les juges qui ne sont pas moins compétents –ou qui sont plus compétents, à grades égaux-, mais qui, pour des considérations d’un autre temps, sont ignorés. Et le ministre joue sa crédibilité déjà entamée dans l’affaire des terrains dans laquelle l’homme au bréviaire était mouillé. En attendant les affectations salvatrices de la justice, nous recherchons d’autres juges ayant bouclé un septennat à leurs postes. Bon à suivre.
Abbé Faria
Source : Liberté No.2999 du Lundi 09 Septembre 2019
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